Un film sur Fernand Iveton en attendant
Maurice Audin
Fernand Iveton au moment de son arrestation, à Alger, le 14 novembre 1956. AFP
Il y a 57 ans, jour pour jour, le 11 février 1957, Fernand Iveton est réveillé à l'aube et conduit à la guillotine.
Quand le cinéma attaque l'histoire. Fernand Iveton seul «Européen» condamné à mort pour «son engagement auprès du FLN» pendant la guerre d'Algérie sera bientôt projeté en film. Ouvrier et communiste, Fernand grandit à El Madania (ex-Clos-Salembier), dans un quartier populaire d'Alger, où se mêlent populations arabe et européenne de milieux modestes.
Né en 1926, il n'a pas 20 ans quand «des milliers de musulmans» sont massacrés à Sétif et Guelma. Ils fêtaient la Libération, croyant, à tort, que c'était aussi la leur. Hommes, femmes enfants, l'armée tire sur «tout ce qui bouge pour écraser la contestation».
En 1955, Fernand Iveton rejoint l'organisation du Parti communiste algérien. Aux côtés du FLN, il veut se battre pour une Algérie qui accorderait enfin à tous les mêmes droits. Hostile aux attentats aveugles et meurtriers, il accepte néanmoins de poser une bombe dans son usine de gaz, après la fermeture, dans un endroit isolé où personne ne serait blessé. Il est repéré et dénoncé par un contremaître. Désamorcée, la bombe ne fera ni victimes ni dégâts.
De toute façon, de l'aveu d'un expert convoqué au tribunal, elle n'aurait pas «fait de mal à une grosse mouche». Torturé des heures à l'électricité, il finit par lâcher trois noms, le plus tard possible. Après un procès expéditif devant la justice militaire, il est condamné à la peine capitale.
Les avocats entament les recours, puis les demandes de grâce auprès du trio Coty (à l'Elysée), Mollet (président du Conseil) et Mitterrand (garde des Sceaux). Sans succès.
Le tourneur Iveton n'a ni soutiens, ni relais dans les milieux politiques et intellectuels. Si des sections syndicales de la CGT se mobilisent, l'Humanité et le PCF ne plaident sa cause que du bout des lèvres.
Le 11 février 1957, Fernand Iveton est réveillé à l'aube et conduit à la guillotine.
Pour vaincre sa peur, «il hurle dans les couloirs: Tahia El Djazaïr! Vive l'Algérie!». Et toute la prison de clamer avec lui: «Tahia El Djazaïr!». Sa tête tombe à 5 heures 10. Tiré du roman «De nos frères blessés», de l'écrivain français Joseph Andras, paru en 2016, le film va notamment s'intéresser «aux dernières années de la vie de Fernand Iveton, sa rencontre avec sa femme Hélène, ou encore son procès devant un tribunal militaire», a affirmé le cinéaste, récemment, en attendant bien sûr un film sur l'icône la plus célèbre: Maurice Audin.
Le rôle a été attribué à ´´Amanda´´, l'acteur jouera un rôle plus politique dans le prochain film d'Hélier Cisterne.
À ses côtés, Vicky Krieps incarne sa femme. C'est un film engagé qui a été tourné aussi bien en Algérie qu'en France.
Roses rouges pour Hélène Iveton
Rien n’y a fait : Iveton est pris, on le condamne à la peine capitale, on refuse de la grâcier, on l’exécute. Pas la moindre hésitation : cet homme a déclaré et prouvé qu’il ne voulait la mort de personne, mais nous, nous avons voulu la sienne et nous l’avons obtenue sans défaillance. Il fallait intimider, n’est–ce pas ? Et comme l’a dit l’autre jour un imbécile, « montrer le visage terrible de la France irritée. »
SARTRE, NOUS SOMMES TOUS DES ASSASSINS, MARS 1958.
Voici, un ouvrage remarquable qui rend hommage à tous les Algériens d'origine européenne et juive qui ont participé à la guerre de libération. Il faut le diffuser. Merci.
Frères et compagnons, dictionnaire biographique d’Algériens d’origine européenne et juive de la guerre de libération (1954/1962). Rachid Khettab, éditions Dar Khettab, 2016.