“L’Allemagne va-t-elle vraiment se trouver
deux fois du mauvais côté de l’Histoire ?”
Michel Dandelot
Un médecin britanno-palestinien venu pour
témoigner au Sénat de la situation à Gaza
refoulé à l’aéroport de Roissy
Le chirurgien plasticien anglo-palestinien Ghassan Abu Sitta, spécialisé dans les blessures liées aux conflits, s'est adressé vendredi à la presse lors d'une manifestation de soutien au peuple palestinien à l'entrée principale de l'University College London (UCL). AFP/Benjamin Cremel
Un chirurgien plasticien et reconstructeur, qui a prodigué des soins pendant un mois et demi à l’hôpital al-Shifa bombardé dans la bande de Gaza, n’a pu se rendre à colloque organisé à Paris par le Sénat. Berlin avait émis une « fiche d’interdiction de l’espace Schengen » à la mi-avril.
« Une honte absolue », a dénoncé le sénateur communiste de Paris, Ian Brossat sur le réseau social X. Le recteur de l’université de Glasgow, Ghassan Abu Sittah, qui devait raconter au Sénat son expérience de médecin à Gaza depuis l’offensive israélienne, est empêché d’entrer en France samedi après s’être vu refuser l’entrée au territoire allemand en avril, a-t-il annoncé sur X.
« Je suis à l’aéroport Charles-de-Gaulle. Ils m’empêchent d’entrer en France. Je suis censé prendre la parole au Sénat français aujourd’hui (samedi) », a-t-il écrit. « Ils disent que les Allemands ont interdit mon entrée en Europe pendant un an », a-t-il ajouté.
Une source policière a confirmé à l’AFP qu’une « fiche d’interdiction de l’espace Schengen » émise par l’Allemagne empêchait son entrée à Paris. Mi-avril, le Dr Abu Sittah s’était vu interdire d’entrée en Allemagne, tout comme l’ex-ministre des Finances grec Yanis Varoufakis. Tous deux devaient participer à un « Congrès palestinien » à Berlin auquel la police allemande avait mis un terme une heure après son démarrage.
Questionnées au sujet de Yanis Varoufakis, des autorités allemandes avaient justifié cette mesure par leur volonté « d’empêcher toute propagande antisémite et anti-israélienne ». Dans une vidéo diffusée le jour même sur X, le Dr Abu Sittah avait alors mentionné qu’il était interdit de territoire allemand « tout le mois d’avril ». Il avait également dénoncé « la répression de la liberté d’expression en Allemagne », un pays selon lui « complice (de l’armée israélienne) en faisant taire les témoins du génocide » à Gaza.
Selon une source gouvernementale française, si une personne est signalée pour « non-admission » dans le système d’information Schengen par un pays membre, elle n’est pas autorisée à entrer dans l’ensemble des pays de l’espace Schengen.
Quarante-trois jours à l’hôpital al-Shifa
Le Dr Ghassan Abu Sittah, qui a passé 43 jours à soigner à Gaza, notamment dans l’hôpital al-Shifa, devait participer à un colloque au Sénat, organisé par la sénatrice écologiste Raymonde Poncet Monge. « Scandaleux, @GhassanAbuSitt1 chirurgien plasticien et reconstructeur intervenu à #Gaza est empêché de participer à un colloque au @senat », a réagi Guillaume Gontard, président du groupe écologiste au Sénat, sur X.
« Nous sommes en discussion avec le cabinet de Gérald Darmanin et celui de Stéphane Séjourné », les ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères, a-t-il affirmé, estimant néanmoins qu’il serait « vraisemblablement » renvoyé en Grande-Bretagne alors qu’il dispose d’un billet retour pour samedi soir. Finalement, « grâce à la mobilisation d’avocat-es, nous avons pu obtenir un lien en visioconférence avec » le médecin, a fait savoir la députée écologiste sur X en ajoutant : « Nous sommes indigné.e.s qu’il ne puisse pas être présent parmi nous. »
Le Sénat, en tant qu’institution n’est pas à l’origine de l’événement mais les groupes politiques sont libres d’organiser les colloques de leur choix. Les forces israéliennes se sont retirées début avril de l’hôpital al-Shifa, dans lequel elles ont affirmé avoir lutté contre des combattants palestiniens lors d’une opération de deux semaines. Une mission dirigée par l’OMS avait fait état le 6 avril d’un hôpital réduit à une « coquille vide » parsemée de dépouilles humaines.
En apprenant la nouvelle, certains sénateurs ont fait part de leur indignation et de leur colère. C'est le cas de Raymonde Poncet Monge, sénatrice du Rhône. Elle est l'invitée de France24.