22 mars 2014 – 22 mars 2024
Déjà 10 ans
Hommage à Jean-Luc Einaudi
Hommage à notre frère et ami Jean-Luc Einaudi, disparu
le 22 Mars 2014.
Auteur de nombreux livres important en particulier
celui de : " La bataille de Paris "
Sur l'histoire du crime d'Etat le 17 octobre 1961 à Paris.
Cher Jean-Luc, jamais nous ne t'oublierons.
Repose en paix cher frère.
Article paru le 22 mars 2021
Jean-Luc Einaudi, historien
chercheur-citoyen et combattant
de la vérité
«Voir clair dans les événements passés et dans ceux qui, à l’avenir, du fait qu’ils mettront en jeu eux aussi des hommes, présenteront des similitudes ou des analogies.» Thucydide – La guerre du Péloponnèse
Voilà sept ans que nous a quittés Jean-Luc Einaudi d’une maladie foudroyante. C’était le 22 mars 2014. Cet historien, cet éducateur et ce «chercheur-citoyen» comme il aimait à se définir, a laissé derrière lui une œuvre et une méthode.
Jean-Luc Einaudi était un historien autodidacte et reconnu. Son travail était d’une rare qualité et d’une grande exigence ; il était également un militant de la première heure, humaniste et résolument du côté de la justice. La grande œuvre de sa vie aura été son combat féroce et juste pour faire toute la vérité sur le massacre d’Algériens la nuit du mardi 17 octobre 1961 à Paris par la police, sous les ordres du préfet de Paris, Maurice Papon. Œuvre qu’il est impératif de poursuivre…
L’aventure de «La bataille de Paris» en 1991
L’historien anticolonialiste Pierre Vidal-Naquet avait cette phrase qui faisait référence à ce qu’a dit Georges Clémenceau sur la guerre et les militaires : «L’histoire est une chose trop sérieuse pour la laisser aux seuls historiens». Tout le sens de l’engagement de Jean-Luc Einaudi, qui ne fut pas un historien universitaire, est là. Et c’est ainsi que le même Pierre Vidal-Naquet l’a soutenu dès la publication de son premier travail, qu’il a par ailleurs préfacé.
C’est en 1991 qu’a paru La bataille de Paris, troisième livre de notre «chercheur citoyen» qui met en lumière un massacre occulté qui eut lieu dans la capitale française la nuit du 17 octobre 1961 et les jours suivants. Les Algériens (qui étaient alors officiellement appelés Français musulmans d’Algérie ou FMA) de la région parisienne manifestèrent ce jour-là, à l’appel du FLN, contre le couvre-feu qui les visait, décrété douze jours plus tôt par le préfet de police, Maurice Papon.
La répression sera terrible : plus d’une centaine de morts en une nuit et le massacre s’est poursuivi sur plusieurs jours. Un massacre oublié, refoulé pendant des décennies, minutieusement caché, qui eut lieu au cœur de Paris. Le communiqué officiel de la préfecture de police ne parle alors que de deux morts. Jean-Luc Einaudi révélait au grand jour dans ce livre, fruit d’un travail de recherche de très grande qualité, une des pages les plus sombres de l’histoire de la Ve République.
Tout avait débuté pour Jean-Luc Einaudi en 1986, où il avait fait connaissance de Georges Mattei, un des principaux animateurs des réseaux de soutien au FLN pendant la guerre d’Algérie. Mattei disposait d’archives de la Fédération de France du FLN concernant la manifestation du 17 octobre 1961, à Paris, qui lui ont été confiées par l’avocat algérien Ali Haroun. C’étaient des centaines de pages qu’il avait remises à Einaudi avec lequel il s’était lié d’amitié. Comme beaucoup d’archives, on les avait oubliées dans d’anciennes caches en Belgique, depuis 1962. C’est à la lecture de ces documents précieux, qui étaient destinés à la hiérarchie du FLN, que Jean-Luc Einaudi a décidé d’enquêter sur ce qui s’est passé réellement le 17 octobre 1961.
Ce fut un important travail de recherche de la vérité initié par un homme déterminé et infatigable. Il faut souligner là également le courage dont ont fait preuve les éditions du Seuil, et en particulier Olivier Bétourné, éditeur à cette époque et président-directeur général de la maison d’édition parisienne jusqu’en 2018, pour la publication de ce livre.
Cette même année 1986, Jean-Luc Einaudi a publié un important livre, son premier, aux éditions L’harmattan (préfacé par Pierre Vidal-Naquet) sur Fernand Iveton, militant du FLN, employé à EGA (Electricité et Gaz d’Algérie) et exécuté le 11 février 1957 à la prison de Barberousse à Alger Pour l’exemple (titre du livre) et de malgré un recours en grâce.
Ce travail de recherche sur le 17 octobre 1961 a révélé «un mensonge d’Etat» comme Jean-Luc Einaudi l’a affirmé sans relâche : il y évoque non seulement des centaines de morts et disparus sur plusieurs jours en dressant une liste nominative, démentant la thèse officielle de deux morts, mettant en lumière des pratiques honteuses, criminelles et longtemps niées officiellement, qui avaient cours pendant la guerre d’Algérie (il faut se rappeler l’action du même Maurice Papon en Algérie, notamment en tant qu’IGAME de l’Est algérien entre 1956 et 1958).
Un véritable choc dans l’opinion eut lieu alors. Tout cela sans qu’Einaudi ait pu avoir accès, à cette époque, aux archives de la préfecture de police.
Maurice Papon ne réagit pas à la parution de ce livre, l’ignorant ou le considérant avec condescendance, sans doute ne pouvait-il pas ouvrir un autre front, lui qui était déjà visé pour son rôle sous le régime de Vichy. Le 13 octobre 1991, sur la chaîne de télévision «La Cinq», alors que le journaliste Jean-Pierre Elkabbach lui disait : «On a raflé ceux qui sortaient des métros, qui sortaient des autobus, et on les a envoyés où ? Au Palais des Sports ?» Maurice Papon l’interrompait et affirmait : «Bien sûr et ceux-là n’ont pas eu à se plaindre et j’aime mieux vous dire qu’ils étaient bien contents». Concernant les coups de feu sur les grands boulevards, il soutenait : «Par exemple, sur les grands boulevards, les coups de feu qui ont été tirés, ils ont été tirés par le FLN, il n’ont pas été tirés par les gardiens de la paix.» Une thèse de manifestants français musulmans d’Algérie armés, dont on saura qu’elle ne correspond aucunement à la réalité.
Malgré le bonheur qui était celui des Algériens à la sortie de ce livre, Jean-Luc Einaudi n’était pas homme à se laisser manipuler, récupérer par le pouvoir d’Alger, ni par les discours qui peuvent encourager une forme de «concurrence mémorielle» qui gangrènent la société. Lorsque le procès de Bordeaux s’est ouvert en 1997 pour condamner Maurice Papon pour complicité de crimes contre l’humanité (concernant des actes d’arrestation et de séquestration, lors de l’organisation de la déportation des Juifs de la région bordelaise vers le camp de Drancy, d’où ils sont ensuite acheminés vers le camp d’extermination d’Auschwitz, quand il était secrétaire général de la préfecture de Gironde, entre 1942 et 1944), Jean-Luc Einaudi avait clamé partout que ce sont les victimes juives de Maurice Papon qui lui ont demandé de témoigner en faveur de ses victimes algériennes d’octobre 1961. Son témoignage accablant de deux heures à ce procès, sans notes, a été un moment d’une très grande importance lors de l’examen de la personnalité de Maurice Papon. C’est ainsi que le massacre du 17 octobre 1961 a trouvé une couverture médiatique inespérée en France.
Lorsqu’ensuite Maurice Papon, sans doute mal conseillé, a intenté un procès en diffamation à Jean-Luc Einaudi (qui eut lieu en début 1999) pour avoir utilisé le terme de «massacre» s’agissant de ces événements du 17 octobre 1961 dans un article du journal Le Monde en 1998, ce dernier n’as jamais semblé douter de l’issue de ce procès qui s’est révélé être un moyen très efficace de médiatiser les agissements de la police parisienne cette nuit-là et d’obtenir progressivement une reconnaissance de ce qui s’est passé le 17 octobre 1961 sous les ordres de Papon, même si le chemin d’une reconnaissance sans ambiguïté reste encore à faire.
Maurice Papon fut débouté devant le parquet de Paris qui reconnut donc de facto la réalité du massacre lors de ces événements du 17 octobre 1961.
Dix ans plus tard, un si long combat
Dix ans plus tard, en 2001, Jean-Luc Einaudi, après l’ouverture des archives officielles à laquelle il a pris une large part, et leur consultation, publia un nouveau livre aux éditions Fayard Octobre 1961, un massacre à Paris dans lequel il affirmait clairement, preuves à l’appui, que la répression fit environ 393 morts et disparus, dont 200 morts, que le 17 octobre 1961 et les jours suivants, à Paris.
Dans la longue introduction à ce nouveau livre, intitulée «Un si long combat», Jean-Luc Einaudi écrit : «En dépit des précautions qu’avec mon éditeur nous avions prises, je dois avouer que j’avais secrètement espéré, sans trop y croire cependant, que l’ancien préfet de police de Paris et du département de la Seine, Maurice Papon, m’intenterait un procès en diffamation comme il avait pris l’habitude de le faire au cours de ces dernières années, contre ceux qui le mettaient en cause dans le rôle qu’il a joué sous l’occupation nazie.[…]. Maurice Papon s’en garda bien.» C’est seulement à la suite du «procès Papon», celui de Bordeaux in fine, que tout fut finalement déclenché, à la faveur du travail de Jean-Luc Einaudi, contre un Maurice Papon condescendant et demandant un million de francs de dommages et intérêts pour ce qu’il considérait comme une diffamation.
Toujours dans cette longue introduction à ce nouveau livre, Jean-Luc Einaudi publie les lettres qu’il a écrites pour demander à consulter les archives, et qui n’ont eu aucune réponse, à une multitude de femmes et d’hommes politiques, dont Lionel Jospin, Elisabeth Guigou, Alain Richard et même Jean-Pierre Chevènement. Seule Catherine Trautmann, ministre de la Culture du gouvernement Lionel Jospin lui répondit le 17 décembre 1997, avec un avis favorable qui ne réglera pas toutes les questions toutefois.
Dans un chapitre de ce livre intitulé Les victimes en page 347, Jean-Luc Einaudi dresse une nouvelle liste des morts et de disparus Français musulmans d’Algérie (FMA), en septembre et octobre 1961 à partir de plusieurs sources, avec la date du décès «lorsque c’est possible», écrit-il. On constate à partir de la nuit du 17 octobre 1961 seule, 159 morts ou disparus sont signalés sur les 393 au total sur les deux mois. Le combat pour la reconnaissance pleine et entière des responsabilités et des massacres du 17 octobre 1961 et des jours suivants, de ceux qui étaient des Français musulmans d’Algérie, n’est guère terminée en 2021.
Des avancées considérables, que nous devons largement au travail de Jean-Luc Einaudi, ont été faites par des politiques tels que Lionel Jospin et François Hollande (en 2000 et en 2012 respectivement) auxquels il faut ajouter les actions de Bertrand Delanöé et Anne Hidalgo (qui ont fait installer respectivement une plaque commémorative en 2001 puis une stèle en 2019 sur le pont Saint-Michel) et bien d’autres acteurs locaux dans des villes de la région parisienne, mais cela ne suffit évidemment pas, puisque la reconnaissance politique pleine et entière de la responsabilité de l’Etat français n’a pas été encore retenue.
Ce travail de Jean-Luc Einaudi a lui-même une histoire, avec une multitude de femmes et d’hommes qui l’ont aidé, encouragé, inspiré ou accompagné dans sa longue quête travail, hormis ceux que nous avons déjà cités, ils vont de l’écrivain Didier Daeninckx, le réalisateur Mehdi Lallaoui et le sociologue M’hamed Kaki ; à l’historienne Nadine Fresco, en passant par les avocats Pierre Mairat et Daniel Boulanger, les archivistes Brigitte Lainé et Philippe Grand et l’historien Michel Slitinsky, l’ancien président du MRAP Mouloud Aounit, le documentariste Daniel Kupferstein et bien d’autres… N’oublions pas les témoins algériens qui se sont mobilisés autour de lui, comme la famille Bédar, dont Djoudi le frère de Fatima Bédar, une adolescente assassinée et dont le corps a été retrouvé dans la Seine à la suite de la manifestation du 17 octobre 1961.
Citons également le reste de l’œuvre de Jean-Luc Einaudi, un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse, qui était attaché à son travail et qui a écrit sur les jeunes deux livres (Les mineurs délinquants en 1995 chez Fayard et Traces aux éditions du sextant en 2006) ; une quinzaine de livres au total, sur l’Algérie, sur le Vietnam, sur la police et sur des personnages importants qu’il a voulu mettre en avant et qui, même «vaincus de l’histoire» pour une partie importante d’entre eux, sont toutefois symboles d’une humanité ouverte à l’autre et prometteuse. Une humanité qui lui ressemblait et en laquelle il avait une foi sans faille.
Son dernier livre (Le dossier Younsi : 1962, procès secret et aveux d’un chef FLN en France, Edition Tirésias. 2013) est consacré à la recherche de la vérité sur l’assassinat par le comité fédéral de la Fédération de France du FLN de ce militant du FLN en France nommé Abdallah Younsi. Il révèle les dessous d’une affaire connue sous le nom de «l’affaire Mourad» dans son enquête, et il met cette fois clairement le doigt sur les agissements du FLN en France, même après la signature des Accords d’Evian, donc après la guerre ; agissements qui en disent long sur certains fonctionnements internes du FLN et qui sont autant de signaux de la tragédie à venir de l’Algérie indépendante.
C’est son message et nous l’entendons davantage aujourd’hui sans sa présence physique parmi nous. Stéphane Hessel nous invite à endiguer le déclin de la société dans son manifeste en faveur de la nécessaire indignation. D’importants progrès ont été accomplis depuis 1948, nous dit-il : la décolonisation, la fin de l’apartheid, la chute du Mur de Berlin. Mais cette tendance, selon lui, est en train de s’inverser depuis les années 2000.
L’œuvre de Jean-Luc Einaudi, considérable dans la recherche de la vérité, reste inachevée et un long chemin doit être encore parcouru avec tous ceux qui s’imprègnent et qui s’imprégneront des principes qui ont régi son existence et présidé à son action.
Par Hafid Adnani
Patrick Karl un ami sur Facebook nous avait signalé sa présence pour l’hommage rendu à Jean-Luc Einaudi le 22 mars 2018
Une fleur pour Jean-Luc Einaudi
Ce 22 mars 2018, je serai à 14 heures devant le mur des Fédérés au cimetière du Père Lachaise (Entrée par La place Gambetta, rue des Rondeaux).
Je viendrai avec mon ami Daniel Kupferstein et quelques amis peut-être, pour nous recueillir et déposer une fleur en hommage à JEAN-LUC EINAUDI pour le quatrième anniversaire de sa mort.
La date du 22 mars, est le sceau de son parcours de citoyen puisque son engagement politique de jeunesse se réfère au 22 mars 1968 et qu’il décède le 22 mars 2014.
Jean-Luc Einaudi laisse une œuvre majeure et fulgurante d’enquêteur citoyen anticolonial traversant le vingtième siècle.
Il fut qualifié d’historien, ce qu’il ne briguait pas formellement, mais il fit de la nécessaire rigueur l’Axiome de son travail de chercheur de la vérité historique, c’est-à-dire, en premier lieu, la vérité par les faits.
De son premier livre publié, Pour l’exemple. L'affaire Fernand Iveton. Enquête (Editions L’Harmattan, 1986- préface de Pierre Vidal-Naquet) qui, récemment, a servi de support à un roman et actuellement à une pièce de théâtre, il en avait écrit avec le cinéaste Daniel Kupferstein un scénario pour le cinéma.
Son engagement pour le travail de mémoire lui valut une reconnaissance retentissante à partir de son livre La bataille de Paris (édition le Seuil 1991) a mis à jour le crime d’Etat du 17 octobre 1961. Il ne fut pas le premier à parler de cette sanglante répression orchestrée par le préfet de Police Maurice Papon (il y avait eu quelques articles et films) mais il a été le seul à documenter de façon implacable l’ampleur des crimes du 17 octobre et des jours qui ont suivi par un travail considérable sur des archives inédites, documents officiels, les registres des cimetières parisiens, une centaine de témoignages directs et indirects. Il a reconstitué les événements avec précision pour lui donner toute son ampleur tragique (200 morts est l’estimation sérieuse qui en résulte) et ainsi sa dimension de crime d’Etat et de crime raciste. Il a continué à approfondir son travail d’enquête sur le sujet et d’autres livres ont suivi. Il est intervenu, chaque fois qu’on lui demandait pour expliquer, débattre inlassablement et continuer à chercher pour préciser encore et approfondir. Dix plus tard un autre livre attestait de ce long combat pour la vérité octobre 61, un massacre à Paris éditions Fayard.
Papon lui intentera un procès en diffamation. L’ex préfet de police sera débouté. Ce fut une victoire de la vérité des faits contre le mensonge d’Etat.
D’autres livres traitent de la guerre d’Algérie (La ferme Améziane, enquête sur un centre de torture en Algérie L’Harmattan 1991, Un rêve algérien, histoire de Lisette Vincent Dagorno 1994. Un Algérien, Maurice Laban puis Viêt-Nam la guerre d’Indochine éditions Cherche-midi 1999 et 2001 pour ne citer que ceux-là.
Cette œuvre cohérente et conséquente est à la disposition d’une large audience pour la réflexion et l’action que nécessite le travail de mémoire afin de transmettre, relier les mémoires et rendre à la République sa dignité en sorte que chacun s’y reconnaisse enfin.
Nous étions le 22 mars 2018 au Père Lachaise devant "Le mur des Fédérés" pour nous recueillir en mémoire de Jean-Luc Einaudi.
Cérémonie informelle, simple et profonde.
Des camarades, des amis et près d'une dizaine de nos frères algériens d'hier et d'aujourd'hui, ce n'était pas le moins émouvant.
Cultiver la mémoire du travail d'un homme citoyen exceptionnel et faire connaitre au plus grand nombre son oeuvre, voilà notre raison.
Patrick KARL
Hommage à Jean-Luc Einaudi, l'historien qui a fait remonter de la mémoire les massacres du 17 octobre 1961
Frederic SOULOY via Getty Images Un hommage lui a été rendu à l'occasion du quatrième anniversaire de sa mort
Il a été le premier à divulguer la liste des 200 Algériens morts le 17 octobre 1961 victimes de la répression sanglante de la police parisienne.
Un vibrant hommage a été rendu jeudi après-midi au cimetière Père-Lachaise à Paris à l’historien Jean-Luc Einaudi, décédé le 22 mars 2014. Einaudi, avait par ses différentes recherches, fait remonter de la mémoire collective en France les massacres du 17 octobre 1961 à Paris.
La cérémonie s’est déroulée en présence de ses amis français, dont le réalisateur documentariste, Daniel Kupferstein,auteur de nombreux films, en particulier “Dissimulation d’un massacre” (2001), sur les massacres du 17 octobre 1961, Djoudi Bedar, frère de Fatima la lycéenne de 15 ans retrouvée noyée dans la Seine, et l’un des organisateurs de la marche des Algériens à Paris, Mohamed Ghafir, dit “Moh Clichy”.
Un émouvant hommage a été rendu à l’auteur de “La Bataille de Paris” (1991, réédité en 2001) dans lequel il raconte l’histoire de ce massacre perpétré en plein cœur de Paris. “Un massacre oublié pendant des décennies, refoulé par la conscience collective, étouffé par le gouvernement”, avait-il dit.
Au cours de la cérémonie, son message au peuple algérien, écrit deux ans avant sa mort, a été lu et dans lequel Jean-Luc Einaudi avait souligné que “Cinquante ans plus tard, l’Etat français n’a toujours pas reconnu le crime commis contre vous mais la vérité est en marche”.
Grâce à ses recherches, il était parvenu à dévoiler une bonne partie des dessous de ces tragiques événements qui ont coûté la vie à plusieurs centaines d’Algériens. Il a été le premier à divulguer la liste des 200 Algériens morts le 17 octobre 1961 victimes de la répression sanglante de la police parisienne.
Militant politique de gauche, Jean-Luc Einaudi a écrit plusieurs ouvrages en relation avec la guerre de libération nationale, dont notamment “Pour l’exemple, l’affaire Fernand Iveton”, L’Harmattan (1986), “La Ferme Améziane: Enquête sur un centre de torture pendant la guerre d’Algérie”, L’Harmattan (1991), “Un Algérien, Maurice Laban”, Le Cherche midi (1999), “Scènes de la guerre d’Algérie en France : Automne 1961″, Le Cherche midi (2009), coll. “Documents” et en 2013, “Le dossier Younsi : 1962, procès secret et aveux d’un chef FLN en France”, Tirésias.
Ratonnade du 17 octobre 1961: la bataille de Paris gagnée par Jean-Luc Einaudi, le "héros moral"
Un livre sur la bataille de Jean-Luc Einaudi pour révéler la vérité sur la grande ratonnade du 17 octobre 1961 menée par la police française sous l'égide de Maurice Papon vient de paraître. Un héros moral qui a largement gagné la bataille de Paris pour la vérité ...
Plus tard, bien plus tard, lorsque le feuilleton sanglant de la guerre d'indépendance algérienne sera revisité avec la sérénité nécessaire, un nom resurgira avec force dans le récit historien. Sans avoir été un acteur du conflit, Jean-Luc Einaudi sera, à l'évidence, au menu du manuel d'histoire destiné à l'école.
Quand l'heure du livre d'histoire enfin exhaustif sonnera, les écoliers de part et d'autre de la Méditerranée prendront connaissance - avec force détails - d'une double bataille.
Une courageuse bataille sur le front de l'histoire et de la mémoire pour faire la lumière sur une bataille - sanglante celle-ci - sur le front de la "wilaya 7", selon la formule de Ali Haroun, le dirigeant de la Fédération de France du FLN.
Les futurs historiens qui auront la responsabilité pédagogique de confectionner le manuel d'histoire pourront s'appuyer sur une accumulation du savoir académique sur la répression sanglante des manifestations du 17 octobre 1961.
A l'heure de la commémoration du 54e anniversaire des "ratonnades de Paris", cette page douloureuse de la guerre d'Algérie s'enrichit de travaux.
Episode sanglant du plus sanglant des feuilletons de la décolonisation, le 17 octobre est crédité d'un énième livre. A la seule différence que ce livre, contrairement aux précédents, pointe non pas l'événement lui-même mais l'homme par qui sa médiatisation est arrivée.
En librairie en France depuis une petite semaine, "La Bataille d'Einaudi" (1) se déploie moins comme un énième retour sur les faits eux-mêmes que sur l'homme à qui ils doivent leur résonance dans les espaces français et algérien.
Auteur du livre et enseignant d'histoire dans un collège à Besançon, Fabrice Riceputi revisite le parcours d'un homme sans qui le massacre d'octobre 1961 serait toujours étouffé par la chape de plomb. Fabrice Riceputi a choisi la date du 54e anniversaire de l'événement pour raconter par le menu détail les mérites du regretté Jean-Luc Einaudi.
En publiant en 1991 "La bataille de Paris. 17 octobre 1961" (Le Seuil), Einaudi a "commis" un travail résolument salutaire. C'est la conviction de Fabrice Riceputi et de son préfacier, l'historien Gilles Manceron.
"La bataille de Paris" résonnera au miroir de l'histoire comme la "première description précise" du 17 octobre 1961, "objet pendant trente ans d'une dissimulation systématique de la part des autorités françaises".
Décédé brutalement le 22 mars 2014, Jean-Luc Einaudi a été ravi à l'affection des siens et ravi aussi au travail d'histoire et de mémoire sur la guerre d'Algérie. Le livre de Fabrice Riceputi se lit à la fois comme un portrait du regretté Jean-Luc Einaudi et également comme un inventaire -- remis en perspective -- de son action citoyenne.
Une action que l'auteur a choisi de qualifier de bataille, "La bataille d'Einaudi". En publiant "La bataille de Paris. 17 octobre 1961", JL Einaudi a assumé un rôle à multiples facettes.
De son vivant, la presse française lui avait octroyé une somme de mérites : "pionnier" dans la manifestation de la vérité sur octobre 1961, "explorateur de la mémoire" blessée de ces journées, "briseur de tabous", "homme qui défia Papon".
Harbi : Einaudi, un "héros moral"
"La vérité de la France coloniale, indéniablement, doit être dite tristement, mais entièrement, souligne Fabrice Riceputi. Et l'auteur de rappeler que "ce fut le sens de +la bataille d'Einaudi" du milieu des années 1980 à sa disparition brutale.
"Militant obstiné de la vérité" selon la formule de Gilles Manceron, Jean-Luc Einaudi a fait voler en éclat la chape de plomb entretenu par les pouvoirs successifs en France. Soutien infaillible de Jean-Luc Einaudi à l'heure de sa bataille judiciaire avec Maurice Papon, Gilles Manceron salue le travail de Fabrice Riceputi à coup de superlatifs.
Plus qu'un exercice livresque, "La bataille d'Einaudi" est un récit à l'allure de verdict. Un verdict dont le premier des énoncés est de rendre "justice à un auteur qui ne revendiquait pas le titre d'historien mais dont la contribution a pourtant été essentielle à la connaissance d'un épisode important" de l'histoire contemporaine de la France.
Jean-Luc Einaudi "n'était pas historien de métier, rappelle Fabrice Riceputi. Son activité salariée, celle d'éducateur, était même tout à fait éloignée de la recherche historique. Lui-même ne souhaitait pas être qualifié d'historien".
Et pourtant ! "C'est grâce à l'enquête solitaire et assidue conduite par cet éducateur à la Protection judiciaire de la jeunesse qu'a pu être connu ce crime d'Etat longtemps occulté". Il n'en fallait pas plus pour que l'historien algérien Mohammed Harbi salue JL Einaudi comme un "héros moral".
Fabrice Riceputi : "La bataille d'Einaudi. Comment la mémoire du 17 octobre 1961 revint à la République". Éditions le passager clandestin.
Attaqué en diffamation par l’ex-préfet de police de Paris en 1999, l’historien Jean-Luc Einaudi avait eu gain de cause.
Papon fut finalement débouté, un tournant sur le long chemin vers la reconnaissance de ce crime d’État. « C’était un homme engagé, courageux, doué d’un grand franc-parler, qui a tenu tête à Maurice Papon. Il a entrepris un travail de fourmi pour recenser les victimes, les nommer, retrouver leurs familles », se souvient Saïd Abtout, un ancien militant du Parti communiste algérien (PCA) rescapé du massacre du 17 octobre, dont Jean-Luc Einaudi a recueilli le témoignage.
Emmanuel Macron doit reconnaître
le massacre du 17 octobre 1961
C’était le 17 octobre 2018
Emmanel Macron écrivait dans un tweet :
« Le 17 octobre 1961 fut le jour d’une répression violente de manifestants algériens », a reconnu le président français dans un tweet, soulignant que « la République doit regarder en face ce passé récent et encore brulant ». Pour le chef d’Etat français, « c’est la condition d’avenir apaisé avec l’Algérie et avec nos compatriotes d’origine algérienne ».
C’était la deuxième déclaration d’un chef d’Etat français, après celle de François Hollande qui avait reconnu en 2012 « avec lucidité », au nom de la République, la « sanglante répression » au cours de laquelle ont été tués « des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ».
Un acte manque encore pour dépasser les traumatismes liés à la plus grande répression contre une manifestation en Europe depuis 1945 : la reconnaissance officielle par l’Etat de sa responsabilité, de celle des hauts dirigeants et de la police de l’époque, dans la tuerie de manifestants algériens.
Editorial. A première vue, la répression du 17 octobre 1961 au cours de laquelle la police parisienne se livra à un massacre contre ceux que l’on appelait alors les « Français musulmans d’Algérie » est une affaire classée. Il a fallu vingt ans pour que la France commence à sortir de l’amnésie sur la plus grande répression contre une manifestation en Europe depuis 1945. Puis deux autres décennies ont été nécessaires pour que la réalité de l’événement – une rafle en plein Paris visant 12 000 personnes ; des tabassages de masse ; des morts, au moins cent vingt, dont certains tués par balles et jetés à la Seine – soit établie et qu’une plaque commémorative soit scellée sur le pont Saint-Michel, à l’initiative du maire de Paris.
Aujourd’hui, grâce à des livres, à des articles, à des films, personne ne peut ignorer cette page sombre de l’histoire de France, au cours de laquelle une violence coloniale s’est exercée sous le regard largement indifférent des Parisiens. Les faits ont été établis par des historiens et replacés dans leur contexte, celui d’une quasi-guerre civile, attisée par l’approche de l’indépendance de l’Algérie, et d’une série de meurtres de policiers par les indépendantistes du FLN.
Pourtant, un acte manque encore pour dépasser les traumatismes vécus par les survivants du massacre et transmis à leurs descendants, dont beaucoup sont aujourd’hui des citoyens français : la reconnaissance officielle par l’Etat de sa responsabilité, de celle des hauts dirigeants et de la police de l’époque.
Emmanuel Macron, qui entend porter un « regard lucide sur les blessures de notre passé », s’est engagé davantage que ses prédécesseurs dans cette tâche de salubrité publique. Il a reconnu que les militants indépendantistes Maurice Audin et Ali Boumendjel avaient été exécutés par l’armée française. Il a reconnu l’abandon par l’Etat des harkis, à qui il a demandé « pardon ».
Gestes et des paroles fortes attendus
A l’occasion du soixantième anniversaire du « pogrom » du 17 octobre 1961, selon le mot de l’historien Pierre Vidal-Naquet, des gestes et des paroles fortes sont attendus du président de la République. Car l’événement n’est pas seulement la « sanglante répression » que François Hollande a reconnue en 2012. Il s’agit d’un crime d’Etat – rafle au faciès, matraquages meurtriers de manifestants désarmés couverts par le préfet Papon – doublé d’un mensonge d’Etat. Pendant des décennies, les plus hautes autorités de la République ont dissimulé les faits en imputant les violences aux manifestants, en diffusant un faux bilan (trois morts), en menant des enquêtes biaisées, en censurant livres et films, en interdisant l’accès aux archives.
En pleine polarisation politique sur les thèmes identitaires, alors que s’opposent contempteurs de la « repentance » et militants de la mémoire coloniale, Emmanuel Macron n’a pas la tâche facile. Mais les fractures de la société française rendent son discours indispensable. En 1995, Jacques Chirac n’avait eu besoin ni du mot « excuses » ni du mot « repentance » pour reconnaître officiellement le rôle de l’Etat français dans la déportation des juifs. La tragédie de 1961, sans commune mesure par son ampleur et sa portée, suppose une reconnaissance comparable. Paradoxalement, la tension actuelle avec Alger crée un contexte propice à des paroles audacieuses et rend encore plus nécessaire un discours de vérité : reconnaître le crime et les mensonges, désigner les coupables. Soixante ans après le 17 octobre 1961, la France mérite de sortir enfin de son terrible brouillard officiel sur cette nuit de cauchemar.
17 octobre 1961 : la déclaration d’Emmanuel Macron critiquée
de toute part
Pour beaucoup d’historiens, la déclaration d'Emmanuel macron, samedi 16 octobre 2021, est une déception. Le chef de l’État n’a finalement pas qualifié les évènements survenus il y a 60 ans de "crimes d’État".