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« Parmi les morts, j'ai aperçu ma mère » : à Gaza, la vie des enfants brisée par la guerre
« Parmi les morts, j'ai aperçu ma mère » : à
Gaza, la vie des enfants brisée par la guerre
Depuis le 7 octobre, plus de 5 350 enfants auraient péri dans les bombardements de l’armée israélienne sur la bande de Gaza. Les jeunes survivants, eux, affrontent les pénuries et le traumatisme d’avoir vu leur famille décimée. Des journalistes palestiniens sont allés à leur rencontre. Nourhan, Muhammad et Ahmed sont adolescents. Ils n'ont connu que la guerre depuis leur naissance. Ils nous disent leur souffrance, mais aussi leur volonté de s’imaginer un autre destin.
« Gaza est devenue un cimetière pour enfants », estime l'Unicef, selon laquelle 5 350 enfants seraient morts et 8 663 blessés.
© REUTERS/Ibraheem Abu MustafaPlus de cent jours de guerre menée par Israël contre la population de la bande de Gaza. Plus de 26 000 tués et des dizaines de milliers de blessés. Des chiffres qui ne prennent pas en compte toutes les personnes disparues, vraisemblablement mortes sous les décombres des immeubles. Dans ce contexte terrible de bombardements et de destruction, les enfants sont particulièrement touchés. À ce jour, plus de 5 350 seraient morts et 8 663 blessés, selon l’Unicef.
Comme le rappelle Jonathan Crickx, responsable de la communication de l’agence onusienne en Palestine, il n’existe aucun endroit dans la bande de Gaza qui peut être considéré comme sécurisé. Du nord au sud, ce ne sont que ruine et désolation. Sur les réseaux sociaux, malgré les coupures régulières par Israël des moyens de communication, les vidéos sont terribles. Des enfants en pleurs, d’autres couchés sur des lits d’hôpital, d’autres encore morts dans les bras de leurs parents. Des images d’autant plus insoutenables que la situation empire chaque jour un peu plus. La nourriture manque, l’eau se fait rare. À tel point que ce même responsable de l’Unicef estime que « Gaza est devenue un cimetière pour enfants ».
Le gouvernement israélien, dirigé par la droite et l’extrême droite, reste sourd aux appels à un cessez-le-feu. En poursuivant cette guerre, il tue le peuple palestinien à petit feu et menace la vie des otages israéliens retenus à Gaza. L’Afrique du Sud a saisi la Cour internationale de justice pour exiger la suspension des opérations militaires.
Pendant ce temps, des centaines d’enfants vont continuer de périr. Et ceux qui sont vivants resteront marqués à jamais. Cette jeunesse endeuillée, des journalistes palestiniens, dont une centaine d’entre eux ont été tués depuis le début du conflit, sont allés la rencontrer pour l’Humanité Magazine. Nous publions trois de ces portraits. Trois regards de jeunes ados qui nous parlent de leur vie d’avant, de leur peur actuelle, mais aussi de leurs rêves et de leurs espoirs. Tous disent leur volonté de rentrer dans leur maison, de ne plus vivre sous des tentes où il fait froid, de retourner à l’école. Des enfants grandis trop vite, coincés dans des combats sous les tirs de missiles, et dont le destin est entre les mains des grandes puissances.
Nouhran, 13 ans : « Je ne me souviens pas d’une année
sans avoir vécu de bombardements »
« Je voudrais être poétesse plus tard », explique Nourhan Mohammed Maarouf, 13 ans. En attendant, elle voudrait seulement revoir sa grand-mère, dont elle n’a pas de nouvelles.
Nourhan Mohammed Maarouf est une jeune fille de 13 ans. Elle vivait jusque-là avec sa famille, son père, sa mère, ses trois sœurs et son jeune frère, dans une belle maison à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza. Il y avait même un jardin, dans lequel ils avaient l’habitude de jouer après l’école. Nourhan est une collégienne qui aime exprimer ses émotions à travers l’écriture. Des vers libres où elle parle de sa famille et de son pays. « Je voudrais être poétesse plus tard », ne craint-elle pas de dire. Lorsqu’on l’interroge sur ses rêves, Nourhan répond qu’elle a prévu, dès son plus jeune âge, d’être l’enfant distinguée de sa génération afin d’aimer la vie comme n’importe qui. En plus de la poésie, la jeune fille aime dessiner. Tout s’est effondré le 7 octobre.
« Nous avons traversé de nombreuses guerres. Je ne me souviens pas d’une année où nous n’avons pas vécu des bombardements », souligne-t-elle simplement avec une incroyable maturité. « C’est devenu une chose routinière pour les enfants que nous sommes et même pour les bébés. Mais cette guerre est différente. Nous l’avons compris dès le premier jour. Les bruits étaient plus effrayants et les destructions encore plus intenses que par le passé. Tout est visé, tout. Cette guerre n’épargne rien, ni personne. »
Nourhan et sa famille, en raison de leur proximité avec la frontière israélienne, ont été parmi les premières à être déplacées. Pas une fois, pas deux fois, mais en permanence. Elle raconte que, dès les premiers jours de la guerre, ils ont été forcés de partir pour la maison de son grand-père, dans un camp de réfugiés. « Nous pensions être à l’abri car c’est un lieu où vivent les civils. Mais après quelques jours, il n’était plus possible de rester tant les bombardements se répétaient. »
« Nous vivons dans la souffrance. La mort est partout. Il n’y a pas d’endroit sûr, ni de maison, ni d’école. »
Nourhan Mohammed Maarouf
Les voilà repartis sur les routes peu sûres, jusqu’à l’école Al-Fakhoura. Mais au bout de deux jours, l’école étant ciblée, il a fallu évacuer pour rejoindre un autre établissement, où des centaines de personnes s’étaient déjà réfugiées. Là encore, l’insécurité étant totale, Nourhan et sa famille se sont dirigées vers le sud, à l’ouest du gouvernorat de Khan Younès. Elles ont finalement trouvé une tente qui ne dépasse pas 12 mètres carrés. « Nous vivons dans la souffrance. La mort est partout. Il n’y a pas d’endroit sûr, ni de maison, ni d’école. »
Nourhan se souvient de ces moments, le soir, où, avec ses parents, ses sœurs et son frère, ils se réunissaient devant le poste de télévision pour regarder des films et des séries. « Après que nous ayons fait nos devoirs, bien sûr », se souvient-elle avec émotion. « On voyait des acteurs dans des scènes de guerre, mais jamais je n’aurais imaginé vivre moi-même des scènes semblables. »
Elle parle alors de cet exode qu’elle subit depuis plus de trois mois, des horreurs vues sur la route et comment elle protégeait ses petites sœurs pour que leur regard ne se pose pas sur les cadavres qui jonchaient le sol. Elle trouve les mots, comme une adulte qu’elle devient trop vite à cause de la guerre, pour dire le manque de lait et de couches pour les petits, la peur de voir leur père partir pour trouver de l’eau ou du pain sans savoir s’il va revenir. Et elle retrouve son ton d’enfant et se met à pleurer en balbutiant : « Nous avons une vie misérable. » Nourhan, comme tout enfant de son âge, souhaite être heureuse. Elle veut que la guerre se termine et pouvoir retrouver sa grand-mère, dont elle n’a plus de nouvelles.
Muhammad, 13 ans : « Parmi les morts, j’ai aperçu
ma mère »
Après avoir perdu sa mère à l’hôpital Al-Shifa de la ville de Gaza, Mohammed Al Yazji, 13 ans, a fait la route seul avec ses jeunes sœurs – la plus jeune n’a qu’un mois – jusqu’à Rafah.
Quel romancier oserait imaginer une telle histoire. L’histoire de Muhammad Al Yaziji, 13 ans. Jusqu’au 7 octobre, il vivait avec ses parents à Beit Hanoun, dans le nord de la bande de Gaza. Une maison modeste mais, comme il l’assure, il s’y sentait « au chaud et aimé tout le temps ». Son père travaillait sur des chantiers et sa mère s’occupait de la maison. Lui allait au collège tous les matins, comme les autres gamins de son quartier. « Les cours, c’était bien, mais ce que je préférais, c’était jouer au football. » Mais la guerre menée par Israël a changé le cours de sa vie.
Soumise à de rudes bombardements, une bonne partie de la population de Beit Hanoun a dû quitter les lieux. Muhammad et sa famille se sont retrouvés dans l’enceinte de l’hôpital Al-Shifa de la ville de Gaza. Des milliers de personnes étaient entassées là, tentant de s’organiser. Lui et ses sœurs se sont retrouvés sous une tente. « On entendait les chars israéliens sans savoir exactement où ils étaient », se souvient-il.
Sa mère est alors partie pour tenter de faire venir les grands-parents. Et son père n’était pas là. Quelques heures plus tard, de nombreux cadavres sont arrivés à l’hôpital. « Parmi les morts, j’ai aperçu ma mère. Je ne voulais pas y croire. Je me suis mis à crier et à pleurer. Je voulais voir mon père, lui dire ce qui venait de se passer, mais je n’arrivais pas à le trouver. Ma mère qui nous aimait tant était morte. Elle est partie, nous ne la reverrons jamais. Pourquoi devons-nous vivre une telle chose ? » Plein de douleur, de chagrin et de peur, Muhammad s’est demandé ce que lui et ses sœurs – la plus jeune n’a qu’un mois – allaient devenir.
« Sur la route, c’était l’horreur, on entendait les bombardements, des bruits de mitrailleuses. Et nous étions seuls. »
Muhammad Al Yaziji
Autour de l’hôpital Al-Shifa, la mort rôdait. Ils sont alors partis vers le sud de la bande de Gaza. « Sur la route, c’était l’horreur, on entendait les bombardements, des bruits de mitrailleuses. Et nous étions seuls. » Les communications étant coupées, Muhammad était dans l’incapacité de retrouver son père. « Nous sommes arrivés à Rafah seuls », explique-t-il les yeux cernés, le regard dans le vague, comme hagard.
Lorsque nous l’avons rencontré, il tentait d’abriter ses sœurs dans une tente déchirée, forcé à 13 ans de prendre soin d’elles et de se comporter en chef de famille. Tous les jours, il se rend au marché, va trouver les voisins pour dégotter un peu de nourriture. « Surtout du lait pour la plus petite. »
Muhammad veut croire que la guerre se terminera bientôt et qu’il pourra retrouver son père. « J’espère que notre avenir, le mien, celui de mes sœurs et de toute ma famille, sera meilleur que ce que nous vivons actuellement », murmure-t-il en esquissant un sourire, le premier que nous voyons pendant toute la rencontre. « Je veux retourner dans ma maison. Je voudrais retrouver ma mère, être dans ses bras pour qu’elle me rassure. L’école aussi me manque. Vous croyez que je vais retrouver ma vie d’avant ? », demande-t-il, sans y croire lui-même.
Ahmed, 15 ans : « Il y a tellement de blessés qui devraient pouvoir sortir »
Mohammed Abou Daqa, 15 ans, n’est pas encore sorti d’affaires. Blessé, il a été opéré, il faudrait qu’il puisse sortir de la bande de Gaza pour subir une nouvelle opération à l’étranger.
Quand Ahmed est né, la bande de Gaza se trouvait déjà sous le blocus imposé par Israël. À 15 ans, il n’a connu que ce climat de danger permanent et les guerres. Et pourtant, il a continué à cultiver ses rêves et ses ambitions. C’est décidé : il veut être médecin, comme ses parents. « Pour avoir la capacité de soulager la souffrance des gens. ».
Ahmed est plein de vie, même sur son lit d’hôpital où il se trouve depuis des semaines, depuis qu’il a été blessé au pied lors d’un bombardement. Il se trouvait sur un marché avec sa mère lorsque les obus ont commencé à siffler autour d’eux. « Une ambulance est arrivée et je me suis retrouvé à l’hôpital. J’avais très mal au pied. C’est mon père qui m’a opéré. On m’a mis une plaque. » Il n’est pas sorti d’affaires.
Pour être complètement soigné, il faudrait qu’il puisse quitter le territoire palestinien et subir une nouvelle opération à l’étranger car le matériel disponible n’est pas adéquat. « Et puis, il y a tellement de blessés qui devraient pouvoir sortir », fait-il remarquer avec courage.
« On s’entasse dans des salles de classe et il faut faire la queue pour se laver, quand il y a de l’eau. »
Mohammed Abou Daqa
Il vient du village d’Abasan, au sud de la bande de Gaza, près de Khan Younès. Mais, très vite, il a fallu fuir la maison, trop exposée aux bombardements. Il s’est alors retrouvé dans une école de l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, près de l’hôpital Nasser où travaillent ses parents. « J’ai dû quitter ma grande et belle maison avec une façade décorée et un jardin rempli de fleurs et d’arbres fruitiers », soupire-t-il. « Maintenant, on s’entasse dans des salles de classe et il faut faire la queue pour se laver, quand il y a de l’eau. »
Ahmed ne veut pas se laisser abattre. Alors il se raccroche à ses rêves, il repense à ce qu’il faisait avant cette « maudite guerre ». Utilisant les réseaux sociaux, il s’est lié d’amitié avec des jeunes de son âge de nombreux pays, a publié des vidéos en anglais et en arabe « pour sensibiliser et présenter la cause palestinienne ».
Il a, d’ailleurs, eu la chance de quitter quelque temps la bande de Gaza et de témoigner de sa vie de jeune Palestinien, notamment à New York. Aujourd’hui, il veut encore croire à un avenir de paix pour pouvoir voyager, découvrir le monde, aller et venir comme bon lui semble, « pas en étant soumis à la pression permanente de l’armée israélienne, aux bombardements et à la mort ».
« 70 ans après « l’insurrection de la bonté » de l'Abbé Pierre la crise du logement est-elle devenue hors de contrôle ?Les gens âgés On est tous des vieux Qu'on le veuille ou non On sera un jour comme eux »
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Commentaires
C'est l'impunité des bourreaux de Gaza qui m'indigne au plus haut point. L'Humanité n'existe plus. Jean-Philippe Ould Aoudia, fils de victime de l'OAS dont les assassins sont restés impunis.