• « En Algérie, la peur était omniprésente » *** Appelé français en Algérie : Louis Defranchi

     

    « En Algérie, la peur était omniprésente »

    « En Algérie, la peur était omniprésente »

     

    À l’occasion du 60e anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, Michel Leboeuf, président des 1 800 membres d’anciens appelés de la Vendée, raconte sa guerre. Il a été mobilisé l’année de ses 20 ans. Cette épreuve, dont il parle pour la première fois, l’a marqué au fer rouge.

    Quel âge aviez-vous lorsque vous êtes parti en Algérie ? 

    Je suis parti en janvier 1958, j’avais 20 ans. Je suis revenu en février 1960. Je suis resté 24 mois, au total. J’étais dans l’Ouarsenis (au nord-ouest du pays), sur un piton rocheux, complètement isolé. Nous étions ravitaillés par avion. Lorsque je suis arrivé là-bas, j’ai vu le comportement de l’armée française. Je ne supportais pas.

    Comment cela s’est passé là-bas ? 

    J’ai eu de la chance, je suis rapidement monté en grade. À partir de 11 mois, j’ai été nommé sergent et j’avais sous ma responsabilité une équipe de 33 bonhommes. L’un des plus beaux jours de ma vie a été le Noël 1959.

    Que s’est-il passé ce jour-là ? 

    Les gars sont venus me voir et m’ont demandé : qu’est-ce qu’on mange aujourd’hui ? Nous n’avions rien, alors que les autres sections avaient des poulets, des chèvres, des moutons, des œufs à manger. Je leur ai dit : vous, avec moi, vous n’avez jamais volé, jamais violé et quand vous allez retourner en France, vous aurez la tête haute.   

    Parlez-vous souvent de l’Algérie ? 

    Non, jamais. J’en parle aujourd’hui, 60 ans après, mais jusqu’ici je n’en ai jamais parlé, ni à mes enfants, ni à ma femme. C’est trop dur. Les Algériens ne nous avaient rien fait. La guerre, c’est terrible et il n’en faut pas. J’ai eu la chance d’avoir une femme très compréhensive. Je me suis marié trois mois après le retour d’Algérie. Je me levais toutes les nuits, j’ouvrais la fenêtre et regardais s’il y avait quelqu’un (il mime la position d’un tireur qui regarde dans le viseur de son fusil). Je revenais me coucher et ma femme ne me disait jamais rien.

    Ce trouble a duré combien de temps ? 

    Très longtemps ! Une dizaine d’années. C’est terrible ce qu’on a vécu, surtout pour les appelés du contingent. Il y avait une feuille de route et il fallait la suivre. Nous n’étions pas préparés comme les militaires de carrière. La peur était omniprésente. Nous partions en opération pendant huit ou dix jours. Nous couchions dehors ou dans une petite tente. J’avais une mitraillette et un poignard, au cas où la mitraillette s’enraille. Heureusement, j’avais fait du scoutisme et je savais m’orienter la nuit par exemple. Cela m’a beaucoup aidé.

    Comment le retour en France se passe-t-il, mis à part vos terreurs nocturnes ? 

    Nous n’avons jamais eu d’aide psychologique, nous avons souffert en silence.  Mais, l’épreuve de la guerre ma aussi rendu service. J’étais ouvrier en chaussure à l’époque et à mon retour, je ne voulais plus être ouvrier. Je suis parti dans le bâtiment et jai lancé mon entreprise de construction de maisons individuelles, je l’ai ensuite laissée à mon fils. J’ai aussi été maire pendant 25 ans, à Treize-Septiers. Voilà ma vie !

    « En Algérie, la peur était omniprésente »

     Photo aérienne de Treize-Septiers
    Département : Vendée (85)

    Quel est votre message, 60 ans après la fin de cette guerre? 

    Je vais beaucoup dans les écoles et mon message est le suivant : jamais la guerre. Le civisme et le respect des autres sont des valeurs importantes. J’ai toujours pensé que la paix n’était jamais acquise pour toujours, même à l’heure de l’Europe. Cela se confirme aujourd’hui, malheureusement, avec ce qu’il se passe en Ukraine.

    « En Algérie, la peur était omniprésente »

    Appelé français en Algérie :

     Louis Defranchi

     

    « En Algérie, la peur était omniprésente »

    Nous étions les dindons de la farce d’un conflit politique“. Louis Defranchi fait partie de cette génération d’hommes qui, il y a soixante ans, a été appelée pour combattre en Algérie. Il en fait le récit dans l’article.

    « En Algérie, la peur était omniprésente »

    Illustration par Alexis N.

    Un accent du Sud, des réponses enthousiasmées et drôles, c’est avec beaucoup de recul et de pudeur que Louis me parle d’une période de sa vie : 1960-1962.
    Recul, car c’est en voulant tirer une leçon du passé que Louis accepte de livrer son récit. Pudeur, car je comprends vite qu’il n’est pas forcément à l’aise pour parler de la guerre. C’est ce qui fait, d’ailleurs, toute la complexité du projet. Parfois, les personnes livrent un récit riche d’anecdotes et de faits historiques si marquants qu’on ne reste que scotché à leur parole, tant leur expérience est incroyable et émouvante. D’autres fois, un certain silence s’installe. On comprend alors directement qu’on touche à un sujet délicat, dont les souvenirs sont vifs et intimes ; celui de la guerre. Mon échange avec Louis fait partie de ceux-là. Il accepte toutefois avec une grande gentillesse de m’aider dans mon projet, et de me confier quelques anecdotes.

    “ Contraints et forcés ”

    Louis n’a que 20 ans lorsqu’il est appelé d’office par l’armée française pour aller combattre en Algérie. Il y restera alors deux ans, jusqu’en 1963, un an après l’indépendance. Bien qu’il estime n’avoir « rien à faire dans ce pays », il doit se rendre à l’évidence : combattre les Algériens n’est pas un choix mais une obligation car « c’était comme ça avant, sinon, c’était la prison ». 

    Dans le cadre de cette convocation, Louis se rend donc en Algérie avec l’objectif d’entrer en lutte contre le FLN en Kabylie et à Alger. Il participera notamment aux combats à Tizi Ouzou ainsi qu’à la bataille de Bab el Oued en 1962. Cependant, très rapidement, Louis me confie qu’un sentiment particulier le traverse. Ses différentes expériences sur place lui font prendre conscience de l’état réel de sa mission. Sa parole d’ancien militaire se libère lorsqu’il me confie qu’il estime avoir été utilisé dans un conflit purement politique. Il va même jusqu’à se qualifier lui-même, ainsi que ses camarades, de « dindons de la farce ». La cause ? Une sorte de paradoxe entre ses convictions et son action, comme de nombreux autres appelés qui étaient pour la paix, mais « contraints et forcés à rejoindre l’armée française ».

    “ Mon père pensait que j’étais parti

     en vacances ”

    En 1954, l’Algérie connaît un soulèvement sans précédent. Le FLN réclame l’indépendance de la population par des attentats à la bombe à divers endroits du pays. Cet épisode a été camouflé au mieux par les autorités françaises. L’heure était davantage à la dissimulation qu’à la transparence, et régnait alors en France une sorte d’indifférence généralisée due à l’ignorance de la réalité du conflit. Louis lui-même en était victime et pensait ainsi qu’il était appelé pour une petite rébellion. L’ignorance était telle que son père pensait que son fils était simplement « parti en vacances ». 

    Louis m’explique que la bascule entre rébellion et guerre a eu lieu lorsque de Gaulle a commencé à parler « d’indépendance ». C’est à partir de ce moment que les tensions se sont accumulées à la fois en Algérie et en France. Sur place, Louis et ses collègues réalisent alors qu’ils n’ont pas affaire à une petite insurrection, mais bien à une véritable guerre. Parallèlement, en réaction aux propos du leader français de l’époque, les pieds noirs expriment leur mécontentement, eux qui « souhaitaient continuer de dominer ». 

    Cette domination, Louis en a été témoin. Il parle ainsi des Algériens comme d’un « peuple noyé », qui avaient « tellement subi qu’ils ne disaient plus rien ». Jusqu’au jour où est proclamée leur indépendance, le 5 juillet 1962.

    Louis rentrera en France quelques mois plus tard, en 1963, 20 francs en poche et une guerre « inutile » en mémoire.

    Par Farah

    SOURCE : https://recitsdalgerie.com/appele-louis-defranchi/ 

     

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