• «La guerre des grottes», l’autre crime odieux de la France

     

    «La guerre des grottes», l’autre crime odieux de la France

     

    «La guerre des grottes», l’autre crime odieux de la France

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    Dans la gestion d’un Etat, toute erreur est semblable à un crime. Cela est d’autant plus vrai lorsque ce crime vient amplifier un autre commis il y’ a de cela plusieurs années. C’est le cas de la France qui,  depuis une éternité, cumule des erreurs en refusant d’assumer son passé colonial en Algérie et de regarder dans le rétroviseur pour enfin admettre publiquement que des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre ont été commis depuis la prise d’Alger en 1830.

    Rattrapée par son ignominieux passé, la France voit, pour la énième fois, son image ternie par son sinistre bilan de colonisation en Algérie après les révélations sur l’usage de gaz toxiques dans ce qui est appelé «La guerre des grottes», un des derniers grands tabous scrupuleusement gardé.

    Aujourd’hui, les médias français rapportent que les historiens réclament l’ouverture des archives sur les «sections des grottes» de l’armée française pendant cette guerre. Une décision prise suite à une enquête publiée, le 1er avril écoulé,  par la revue «XXL» qui révèle que, de 1956 à 1961, l’armée française a utilisé à grande échelle des gaz toxiques contre des combattants algériens dissimulés dans des grottes.

    Dans cette enquête réalisée par la journaliste Claire Billet, des témoignages inédits d’anciens militaires français sont rapportés. Ils racontent leur rôle dans les «sections des grottes» mobilisées contre les abris souterrains de l’Armée de libération nationale (ALN). Parmi les «armes spéciales», utilisées figurent les grenades, chandelles et roquettes chargées de gaz de combat, notamment le CN2D. Ce dernier contient de la DM (Diphénylaminechlorarsine), produit chimique toxique qui provoque l’irritation des yeux, des poumons et des muqueuses ainsi que des maux de tête, des nausées et des vomissements. 

    Sous le subterfuge de déloger les «moudjahidins» des grottes, l’armée française faisait usage de ces gaz qui devenaient mortels en milieu clos. 

    «On a gazé des Algériens» 


    Revenant sur une opération effectuée en 1959 à Tolga (Biskra), un ancien militaire, Jean Vidalenc, 85 ans, raconte dans la l’enquête de XXL «avoir allumé un pot de gaz dans un réduit où il affrontait une unité de l’ALN». Le lendemain, poursuit-il, «dix cadavres ont été découverts». «On a gazé les Algériens», reconnaît-il. 

    Un autre militaire avoue avoir, à titre personnel, participé à 95 opérations et confie que l’objectif n’était pas seulement de gagner les combats en cours mais aussi de prolonger l’effet du gaz qui était également injecté dans le but de rendre les grottes inutilisables sur la durée. Le CN2D restait, en effet, accroché aux parois et exposait à des risques tout futur visiteur. «On est des beaux dégueulasses ! (…) On aurait dû dévoiler tout ça avant. Parce que combien de civils ont dû retourner dans les grottes, hein ? Les gosses et tout ça», lance-t-il.

    Selon des historiens français, cette «guerre des grottes» avait été conçue par l’état-major des armes spéciales du ministère des armées afin de neutraliser les combattants de l’ALN qui étaient face à une armée française des plus déchaînée.
    Pourtant le recours à ces gaz de combat est interdit par le protocole de Genève signé par la France en 1925.  

    Il faut dire qu’en dépit de quelques avancées, l’accès aux archives demeure un obstacle de taille dans cette quête de recherche de la vérité. 

    Un historien militaire de carrière, appelé «le colonel» et cité dans l’enquête de XXL, raconte avoir eu l’autorisation de consulter les documents du Service historique de la défense (SHD) dans le cadre de sa thèse de doctorat, avant d’être l’objet de tracasseries à la fin de 2019. Période durant laquelle il a reçu la visite d’agents de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) qui ont perquisitionné son appartement et son lieu de travail et saisi son matériel informatique. Il affirme qu’il travaillait, entre autres, sur les «sections des grottes».
    Ainsi, plutôt que de débiter des généralités, les dirigeants, en général, et le président français, en particulier, gagneraient à être plus précis en qualifiant correctement ce qui a été perpétré à l’époque. Chose qui n’a jamais été faite.

     

    ALGER- La revue mensuelle Politis a mis la lumière, dans son dernier numéro, sur une page sombre de la colonisation pendant la Guerre de libération nationale durant laquelle l'armée française a eu recours aux gaz toxiques contre les moudjahidine et les civils, dont des femmes et des enfants, enfermés dans des grottes.

    Sous le titre générique "La guerre des grottes", le mensuel édité par le quotidien El-Moudjahid, revient sur ce "dossier explosif qui remonte à la surface 65 ans plus tard", illustré par des articles et photos d'archives.

    Evoquant des crimes "souterrains" commis par le colonialisme français entre 1956 et 1961, Politis revient, dans le détail, sur cette page sombre de l’histoire qui "fait partie des secrets verrouillés par la France sur la guerre d’Algérie".

    L'auteur de l'article mentionne que c'est sous "le secret le plus total, au plus haut sommet de l’Etat français, qu'a été prise la décision de créer des +sections spéciales+ entièrement coupées de l’armée française, chargées de mener une sale guerre, à coups de gaz, dans les grottes où se repliaient les combattants de l’ALN et, très souvent, des civils, femmes et enfants que les ratissages, les exactions et les bombardements au napalm avaient forcés à quitter leurs hameaux".

    Le général De Gaulle avait donné le feu vert pour la création de "sections spéciales" qui vont opérer dans le plus grand secret (même les autres corps d’armées n'étaient pas au courant), pour "nettoyer" les grottes, écrit le même auteur, précisant qu'il s'agit d'un "crime d’Etat méconnu en raison d’un accès impossible aux archives". 

    Dans un entretien accordé à Politis, Christophe Lafaye, docteur en histoire, estime, dans ce sens, qu'il est "urgent" d'ouvrir toutes les archives, soulignant qu'à travers "la guerre des grottes", le ministère des Armées de la 4ème République "croit en l'utilisation de la chimie à des fins militaires pour remporter la victoire. C'est ainsi que l'emploi de gaz toxiques est décidé".

    Dans un autre article, d'anciens membres de ces sections spéciales reconnaissent qu'"ils ont laissé les cadavres de combattants algériens dans les grottes. Les entrées étaient détruites lorsque cela était possible", ajoutant que le nombre de disparus de cette guerre "souterraine" est "inconnu". Leurs familles "n’ont pas su s’ils étaient morts, ni dans quelles conditions", ont-ils confié.

     Des historiens et journalistes, dont Christophe Lafaye et Gilles Manceron, ont lancé, le 7 avril 2022, un appel aux autorités françaises pour que les archives militaires "cadenassées" sur le recours aux armes chimiques par l’armée française dans des grottes pendant la Guerre d’Algérie soient "ouvertes et consultables", rapporte Politis. 

    La même publication note qu'un documentaire sur "la guerre des grottes" est en préparation, mais ses initiateurs ont du mal à le réaliser, en raison des difficultés d'accès aux archives.

    Dans ce sens, il est écrit que 60 ans après la fin de la colonisation et de la Guerre de libération nationale, "on parle d’un +apaisement de mémoires+". Mais, "est-ce possible si la mémoire n’est pas d’abord restituée et si l’accès aux archives reste encore partiel", s'interroge l'auteur qui conclut: "il en est ainsi de la guerre des grottes".

     

    Guerre d’Algérie. L’impensé

    de la «guerre des grottes» 

    Qui en avait entendu parler? De 1956 à 1962, dans les montagnes de lAurès et du Djurdjura, larmée française a utilisé des armes chimiques. Historiens, journalistes et associations demandent que les archives militaires soient ouvertes.

    «La guerre des grottes», l’autre crime odieux de la France

    Intervention de la section «armes spéciales» affectée à la 71e compagnie de génie de zone, à Tolga en 1959. © Archives personnelles de Jean V.

    On connaissait les enfumades pendant la conquête coloniale et l’usage du napalm pour mater l’insurrection. Il a fallu attendre soixante-cinq ans pour que soit révélé l’usage de gaz toxiques pendant la guerre d’indépendance. Ce dossier explosif sur une guerre chimique souterraine remonte à la surface grâce aux travaux de l’historien et archiviste Christophe Lafaye et à l’enquête de la journaliste Claire Billet, publiée dans la revue XXI.

    Le chercheur et la journaliste ont recueilli des témoignages inédits d’appelés, membres des «sections des grottes», qui en gardent une mémoire traumatique. Ainsi, Jean Vidalenc, 85 ans, reconnaît: «On a gazé les Algériens.» Il raconte avoir allumé un pot de gaz dans un refuge souterrain où était cachée une unité de l’ALN lors d’une opération menée en 1959 à Tolga (près de Biskra). «Le lendemain, dix cadavres ont été découverts.» Yves Cargnino, ancien de la 75 e compagnie de génie aéro­porté (CGAP), confie: «Nous étions entre 2500 et 3000. Nous avons eu beaucoup de pertes. C’est là que nous avons utilisé des gaz qui étaient soi-­disant autorisés par la convention de Genève.» 

    Une décision prise en 1956 au plus haut sommet de l’état

    En réalité, recourir à ces gaz de combat «asphyxiants, toxiques ou similaires» est prohibé par le protocole de Genève, que la France a signé en 1925. Mais, le pays n’étant pas officiellement «en guerre», il a estimé ne pas avoir à le respecter. Dans un livre consacré à ses expériences en Algérie, la 75 e CGAP évoque l’emploi d’un gaz dit CN2D, soulignant «son caractère mortel en milieu clos si la concentration est trop forte et le volume trop réduit».

    La décision de créer des sections spéciales, dites sections des grottes, a été prise, le 1 er décembre 1956, dans le secret le plus total, au plus haut sommet de l’État français, explique Christophe Lafaye. Leur mission: mener la guerre dans les grottes servant de refuge tactique aux combattants de lALN et aux populations fuyant les représailles. Lunité spécialisée Batterie des armes spéciales (BAS), du 411 e régiment d’artillerie antiaérienne, est mise en place pour «mener des expérimentations opérationnelles, mettre en œuvre des procédés testés et procéder à linstruction des autres unités pour généraliser lemploi de techniques et armes “spéciales”». Parmi elles, des grenades, chandelles et roquettes chargées de gaz toxiques. Des soldats et appelés du contingent sont formés à Bourges, au 610 e groupe d’expérimentation et d’instruction des armes spéciales (GEIAS), avant d’aller mener, en Algérie, cette guerre très «spéciale».

    Un secret cadenassé par le Service historique de la défense

    En 1959, le général Massu décide de l’intensifier et de la massifier. Les sections des grottes se développent de façon «exponentielle» : 95 opérations auraient été menées entre 1959 et 1961. On estime que 200 Algériens au moins ont été tués lors de ces opérations, dont des femmes et des enfants. De nombreux soldats français, portés disparus, en ont-ils été victimes eux aussi? Il est difficile d’établir un bilan en raison de l’inaccessibilité des archives militaires françaises à ce sujet. «Cette guerre des grottes demeure un impensé de la guerre dAlgérie, lun des derniers grands tabous», affirme Christophe Lafaye.

    Le dossier fait en effet partie des secrets cadenassés par l’armée française. L’historien archiviste a essuyé, en septembre 2021, une fin de non-recevoir lorsqu’il a demandé un accès à la documentation sur l’usage de ces armes en Algérie. «Le Service historique de la défense nous a opposé la loi de 2008 et son article sur les archives incommunicables, mais aussi la loi de prévention contre les actes de terrorisme du 30 juillet 2021, dont l’article 25 définit un régime de communicabilité non spécifié pour certaines archives.» 

    Christophe Lafaye et Pierre Mansat, de l’Association Josette et Maurice-Audin, ont, alors appelé le président de la République à lever les tabous et ouvrir toutes les archives sur l’utilisation des armes chimiques en Algérie. «Que ce soit pour les portés disparus algériens, pour certains prisonniers français, pour les anciens combattants intoxiqués (algériens et français) qui vivent encore avec les séquelles de ces opérations, comme pour les populations civiles habitant à proximité de ces sites et dont les aïeux sont des possibles victimes de ces combats, les historiens doivent pouvoir faire la lumière sur ces événeme nts qui se sont déroulés il y a plus de soixante ans», écrivent-ils dans une tribune publiée dans Libération.

    Il faut faire vite, les derniers témoins sont en train de disparaître, alertent Claire Billet et Christophe Lafaye. Mais, depuis qu’elles ont levé le voile sur cette terrible page de l’histoire, leurs révélations ont reçu peu d’écho dans l’opinion publique française, à la différence de celui qu’elles ont suscité en Algérie. Le chercheur en histoire Hosni Kitouni estime que «ces massacres de prisonniers par lusage de gaz létaux interdits par les conventions internationales peuvent être constitutifs de crime de guerre».

    Histoire : la "guerre des grottes", un épisode méconnu

    de la guerre d'Algérie aux conséquences dévastatrices

    Le 5 juillet a marqué l'anniversaire de l'indépendance de l'Algérie. 60 ans après, certains épisodes restent méconnus. Comme celui de la "guerre des grottes", durant lequel l'armée française a utilisé des gaz toxiques contre des combattants nationalistes algériens.

    À 86 ans, Yves Cargnino, ancien combattant de la guerre d'Algérie, avale tous les jours une dizaine de médicaments. "Ça a démarré par des bronchites, puis j'ai été hospitalisé plusieurs fois", explique-t-il. La raison : durant la guerre d'Algérie, pendant laquelle il était parachutiste, il a servi dans une unité qui utilisait des gaz de combat, et qui menait une guerre souterraine contre les combattants algériens dissimulés dans les grottes. 

    L'armée refuse d'ouvrir les archives

    Pour les déloger, ces unités manipulaient un armement spécial : des gaz chimiques, qui peuvent devenir mortels en milieu clos. L'armée parle alors de simples gaz lacrymogènes, pourtant les effets sur les ennemis sont dévastateurs. "En Algérie, sur un grand nombre de sites, il y a encore des Algériens portés disparus dont les corps reposent dans ces grottes", explique Christophe Lafaye, docteur en histoire spécialiste d'histoire militaire. L'armée refuse d'ouvrir les archives liées à l'utilisation de ces armes spéciales. Selon les historiens, plus de 2 000 militaires français auraient participé à cette "guerre des grottes". 

     

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  • Commentaires

    1
    Cros Jacques
    Mercredi 28 Septembre 2022 à 10:33

    A la lecture de ce dossier j'ai pensé à la réaction que j'ai eue d'un nommé José Castano suite à la réponse que j'ai faite à un de ses courriels dans lesquels il fait part de ses malheurs de Pied Noir partisan de l'Algérie française et engagé dans l'OAS.

    Il faut dire que bien que ne partageant pas ses idées il me cible dans ses envois ainsi que d'autres anciens appelés du contingent dont il a l'adresse électronique.

    Je réponds systématiquement et j'essaie d'être le plus courtois qu'il m'est possible. Je joins les derniers documents que j'ai produits sur l'Algérie. En général j'ai un retour, le plus souvent violent et sur un ton qui fait que je suis un imbécile. Il avoue ne pas lire les documents que  j'envoie, ce qui ne l'empêche pas d'avoir un jugement sur eux. Hier par exemple il m'a reproché d'être obsédé par la question du colonialisme, une notion que visiblement il n'a pas intégrée. Il ne doit pas être au courant sz la guerre des grottes !

    Naturellement je réplique à ses propos et en règle générale nos échanges s'arrêtent là.

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