• Macron en Algérie

     

    Macron en Algérie

    Macron en Algérie

     

    Alors qu’une autre visite de haut niveau est envisagée celle d’Elisabeth Borne sans doute dans l’optique de la concrétisation des engagements pris lors du voyage présidentiel, la Première ministre française Elisabeth Borne devrait se rendre elle aussi en Algérie. Mme Borne souhaiterait effectuer la visite avant la fin de l’année, rapporte le journal français Le Figaro, qui cite des sources du gouvernement… peut-être les 9 et 10 octobre ? A confirmer…

    Fin août Macron s’est rendu en Algérie, à la recherche d’un peu de gaz et la patronne d’Engie, Catherine MacGregor, était de l’escorte. La France, qui avait décidé de réduire de 50 % les visas accordés aux Algériens, sous prétexte que l’Algérie refuserait de rapatriement forcé de ses ressortissants condamnés en France pour divers délits, promettrait de faire un geste pour que ça gaze entre les deux pays : quelques visas plus faciles pour des étudiants ou pour aider des « projets de création d’incubateur de start-up ». Que voilà une « mobilité choisie »… en fonction des intérêts de la France : on était passé en trois ans de 420 000 visas accordés à 15 000. En accepter une pincée de plus ne mange pas de pain. 

    Alors comment la visite du président français a-t-elle été prise de l’autre côté de la Méditerranée ? Le point de vue de militants d’Algérie nous en donne un aperçu. 


    « Une visite d’amitié » pour parler fric, énergie…

    et opérations militaires

    C’est à l’invitation d’Abdelmadjid Tebboune qu’Emmanuel Macron a effectué « une visite d’amitié » de trois jours en Algérie du 25 au 27 août. Une visite qui intervient après des mois de friction entre les deux pays, suite aux déclarations hasardeuses sur « l’inexistence de l’État algérien avant 1830 » et peu diplomatiques sur le « régime militaro-politique » qui « vit de la rente mémorielle », tenues par Macron en marge d’une rencontre à Paris avec la jeunesse franco-algérienne.

    Accompagné d’une délégation de 90 personnes, venues du monde politique, économique et culturel, la visite dépassait largement le cadre amical, les questions liées à l’énergie, arrosées de couplets sur la mémoire, la coopération scientifique et culturelle, mais surtout sur la coopération sécuritaire au Sahel, ont pris la meilleure part des discussions.

    Le gaz avant tout

    Car bien qu’il ait minimisé face aux caméras son intérêt pour la question du gaz, Emmanuel Macron a bel et bien abordé ce sujet avec Abdelmadjid Tebboune. C’était même la première question dans ce contexte où la sécurité énergétique de la France et plus globalement de l’Europe occidentale est menacée, conséquence directe de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et des sanctions qui s’en sont suivies, décidées par l’UE, les USA, le Royaume-Uni et le Canada.

    Cette ruée vers le gaz profite aux pays producteurs, dont l’Algérie, qui a vu ses réserves de change augmenter, et au-delà de ce gain financier, compte bien l’utiliser comme une carte politique afin de peser dans ses négociations et faire avancer ses positions diplomatiques au niveau régional. Mais l’Algérie ne peut, au regard de ses capacités de production, pallier la raréfaction du gaz russe en France ou en Europe. La seule promesse faite par Tebboune à Macron a été d’augmenter les quantités de gaz acheminées via le gazoduc Transmed reliant l’Algérie à l’Italie à l’horizon 2023. L’ex-Premier ministre italien, Draghi, avait précédé Macron en Algérie pour négocier sa part de gaz. Premier arrivé, mieux servi.

    Macron ne s’est pas contenté de discuter du gaz, il a aussi comme nous l’a appris la presse, lorgné sur d’autres richesses du sous-sol comme les métaux rares indispensables dans la production industrielle. Ce qui explique la signature d’un partenariat dédié à la recherche scientifique qui englobera la prospection des métaux rares.

    Pour le moment ce ne sont que des promesses qui peuvent être oubliées à la première querelle entre les deux pays, mais ça renseigne sur ce rapport inégal entre une France impérialiste qui veut sécuriser ses approvisionnements énergétiques et industriels et une Algérie qu’on veut maintenir dans son rôle de pourvoyeur, d’exportateur de matières premières, abandonnant par là même tout projet d’industrialisation y compris dans le cadre capitaliste comme c’était le cas durant les années 1970. C’est là où se situe l’un des nœuds de la crise systémique en Algérie, avec une économie sous-développée, faiblement industrialisée et fortement dépendante des puissances industrialisées. Rien dans ce qui sert de projet économique et industriel pour Tebboune ne vient remettre en cause ce rapport inégal et de domination des puissances impérialistes, toutes ses orientations ne feraient que développer la dépendance.

    Question mémorielle ou amnésie ?

    Comme pour éviter tout propos qui risquerait de faire polémique ou de rendre mal à l’aise l’autre, les deux présidents ont opté pour la création d’une commission mixte d’historiens, censée travailler sur cette question en leur facilitant l’accès aux archives. Celles de l’armée française ? Sur la torture ? À voir. Le temps où Emmanuel Macron qualifiait la colonisation de « crime contre l’humanité » semble bien être loin derrière nous. Politiquement fragilisé sur le plan intérieur, réélu avec un taux d’abstention record, sans majorité parlementaire et avec une percée électorale de l’extrême droite et de ses nostalgiques de l’Algérie française, le président français est à la recherche d’une formule pour ne pas condamner le passé colonial tout en ménageant la susceptibilité, bien obligée, d’un Tebboune.

    Une commission mixte pour réécrire l’histoire ? Curieuse méthode. Primo, il n’appartient pas aux États d’écrire ou réécrire l’histoire ou ce que fut un siècle et demi de colonisation. C’est aux historiens qu’il appartient de le faire, loin des injonctions des États et loin des enjeux politiques du moment. Heureusement que bien des chercheurs n’ont pas attendu la création de cette commission mixte (largement inspirée par Benjamin Stora qui a troqué sa casquette d’historien pour celle de conseiller de Macron) pour condamner la barbarie coloniale avec un travail rigoureux et critique.

    Secundo, avancer l’idée d’une commission mixte décidée par les deux États signifie l’écriture d’une sorte d’histoire officielle, de surcroit consensuelle. Comment produire un récit qui contentera à la fois le colonisateur et le colonisé, quand on sait que les rapports entre eux sont faits de domination, d’extermination, de résistance et de soulèvements ? Pas de quoi enthousiasmer ni les historiens, ni la population algérienne qui n’a prêté à ladite commission aucune attention.

    D’ailleurs, au niveau populaire, ne dit-on pas, à juste titre, que quand on veut noyer un problème on crée une commission ? La même méfiance est de mise à l’égard des discours de Tebboune, de ses prédécesseurs et leurs ministres portant sur la guerre de libération. Car si la population algérienne continue à vouer un respect immense pour les artisans de la décolonisation, elle n’est pas dupe de leur instrumentation par les tenants du pouvoir. Faudrait-il croire leur baratin pour « apaiser les mémoires » ? Tout le monde se souvient. Mais les populations des deux pays se croisent, tissent des liens, se marient… et comme l’ont écrit dans leur tribune sur la guerre d’Algérie et la question de la mémoire les écrivains Joseph Andras et Kaoutar Harchi : « Dans le dos des possédants les peuples se regardent droit dans les yeux. » La fraternité entre les peuples et les prolétaires algériens et français se fera nécessairement dans le dos des États et des possédants. L’internationalisme doit demeurer notre boussole. 

     

    « Hanté par la guerre d’Algérie : 20 ans en 1957.Collection En guerre(s) pour l’Algérie - Grands Entretiens Patrimoniaux - Ina.fr »

  • Commentaires

    1
    Cros Jacques
    Jeudi 15 Septembre 2022 à 10:35

    C'est un texte qui alimente fort judicieusement notre réflexion sur la situation actuelle.

    L'idée qui me parait devoir être prioritairement exploitée est que la fraternité entre les peuples algériens et français doit se faire dans le dos des Etats et des possédants !

     

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