• Après les attentats parisiens. Les souvenirs de la guerre d'Algérie ressurgissent... Mais c'est aussi une belle histoire de retrouvailles...

    Ondefontaine (Calvados)

    Après les attentats parisiens. Les souvenirs de la guerre d'Algérie ressurgissent...

    Mais c'est aussi une belle histoire de retrouvailles

    Le 5 décembre 1958, une bombe tombait à côté du soldat Fernand Marie. 57 ans après, les attentats parisiens ont fait ressurgir les cauchemars de cet habitant d'Ondefontaine.

    Fernand Marie  vit à Ondefontaine (Calvados), il  a écrit un ouvrage en 2013

    où il évoque les souvenirs douloureux de la guerre d’Algérie 

    Vous avez souhaité témoigner de ce que vous avez ressenti après les attentats parisiens, pourquoi ? 

    « Le 20 novembre dernier, je regardais le journal de 13 h sur Canal +. Il y avait un couple de rescapés du Bataclan qui témoignait. À la question du journaliste qui demandait ce qu’ils avaient ressenti lorsque les terroristes avaient commencé à tirer sur la foule, le jeune homme répondait : je me suis dit adieu, c’est fini, et la jeune fille s’est pincé pour savoir si elle était toujours vivante. J’ai pensé et fais exactement la même chose 57 ans avant. J’en ai même chialé »

    Qu’est-ce qui s’est passé 57 ans avant ? 

    « J’ai fait la guerre d’Algérie entre janvier 1957 et décembre 1958. Le 5 décembre 1958, j’étais dans un bar à Sétif. Tout à coup, une bombe artisanale est passée à travers la vitrine du bar et est tombée à quelques mètres de nous. J’ai plongé sur deux copains. Il n’y a pas eu de mort dans le camp des soldats, mais un civil. C’était un bar interdit aux Musulmans et il y avait déjà eu un avertissement comme quoi le bar allait sauter. On s’est retrouvé un peu dans le même contexte avec les répercussions des décisions françaises »

    Les souvenirs de la guerre d’Algérie sont encore présents ? 

    « Oui, il s’agit d’un traumatisme. Ce qui m’a le plus choqué en dehors des morts, c’est la façon dont on traitait la population. On était endoctriné. Tous les jours, on allait au combat, tous les jours on patrouillait dans les villages. Lorsqu’on est revenu en France, on n’a pas parlé. De toute façon, les gens ne nous auraient pas crus car ici on pensait que ça se passait bien. Je pense que les jeunes qui ont vécu les attentats vont être marqués toute leur vie. En plus, ils vont vivre sur place. Nous, on a quitté le pays où se déroulait la guerre ».

    Êtes-vous resté en contact avec les autres appelés de votre escadron ? 

    « Oui, les soldats du régiment du 4e dragon se retrouvent à Caen chaque année. Le 8 mai 2016, il est même prévu que j’aille avec mon fils à Précy-sous-Thil à côté de Dijon afin de rencontrer pour la première fois, Jean-Claude Viardot, un ancien copain qui avait été blessé par balles en novembre 1957 et à qui j’avais donné les premiers soins avant son évacuation par hélicoptère »

    Précy-sous-Thil (Côte-d'Or) : 59 ans après, Jean-Claude a retrouvé celui qui lui a sauvé la vie

    Fernand Marie et Jean-Claude Viardot

    Dimanche, à Précy-sous-Thil, lors de la célébration de la cérémonie du 8-Mai, Fernand Canat, président des anciens combattants, a rendu hommage à Jean-Claude Viardot et à Fernand Marie. Ce dernier venait spécialement de Normandie pour rendre visite à Jean-Claude Viardot, dont il a sauvé la vie il y a 59 ans, pendant la guerre d’Algérie. Les deux hommes ne s’étaient jamais revus depuis. 

    59 ans après, Fernand Marie retrouve celui qu'il a sauvé

    « J’ai toujours cru qu’il était mort, que je n’avais pas réussi à le sauver de ses très graves blessures. Et 59 ans après, je déjeune avec lui ! » 

    Lorsque Fernand Marie, commerçant pendant 21 ans à Caen (il avait créé le Marie Fernand devenu ensuite le Camino puis chez Yvonne et René) et domicilié à Ondefontaine, évoque son 8-Mai, les larmes viennent très vite.

    Je suis très ému encore aujourd’hui. C’était vraiment un moment que je n’espérais évidemment plus.  

    Le 4 novembre 1957, Jean-Claude Viardot a 23 ans. Il fait partie comme Fernand Marie, alors âgé de 22 ans, des appelés pour la guerre d’Algérie.

    « Il allait mourir »

    « Nous étions dans un village en petite Kabylie. Les balles fusaient partout. J’ai vu un gars tomber sous mes yeux. J’ai couru pour lui venir en aide. Je l’ai ramené à l’abri des balles. » 

    Fernand en est alors convaincu : « il allait mourir. Il avait une balle au niveau de la tête, une autre près du cœur On l’a mis dans un hélico et puis ensuite… Je n’ai plus entendu parler de lui. » 

    Cette image du soldat décollant sous ses yeux, Fernand l’a gravé dans sa mémoire.

    Ce sont des moments qu’on aurait jamais voulu vivre, j’avais l’impression d’avoir tout fait pour le sauver mais en vain. C’est inoubliable ce genre d’événement dans une vie 

    Pendant 40 ans, Fernand a recherché des traces de ses anciens compagnons d’Algérie : « je me suis abonné à beaucoup de magazines et un jour, je lis un article consacré à un Breton qui venait d’écrire un livre sur la petite Kabylie. Il avait été l’un de mes voisins de chambre en Algérie. Je l’ai donc contacté et il m’a donné l’adresse d’un autre gars du 4e régiment qui vivait comme moi sur Caen. » 

    C’était en 2010. En retrouvant son compagnon de régiment, Fernand Marie n’imaginait pas retrouver la trace de ce soldat Jean-Claude Viardot qu’il avait sans le savoir sauvé d’une mort certaine. « C’est là que j’ai appris qu’il était vivant, qu’il avait d’abord été hospitalisé en Algérie puis il a passé un an à l’hôpital du Val-de-Grâce à Paris. Et qu’ensuite il était reparti dans sa région natale près de Dijon, dans ce village de Précy-sous-Thil. » 

    Comme un miracle

    Fernand prend contact avec Jean-Claude. « Au téléphone, c’était comme un miracle. Évidemment on a tous les deux 80 ans, ce n’est pas simple de faire 500 km à cet âge-là. Mais il fallait que je le voie, c’était comme boucler la boucle d’une histoire qui finit bien. » 

    Six ans après, son fils l’emmène donc passer le 8 mai dans le petit village près de Dijon. Fernand, submergé par l’émotion, a du mal à raconter : « on s’est vu juste avant la cérémonie au monument aux morts. C’était… On était très émus tous les deux. » Longtemps porte-drapeaux, Jean-Claude Viardot avait organisé la remise d’une médaille pour Fernand : « pour me remercier de l’avoir sauvé. » 

    À peine remis de ses émotions, Fernand Marie a rédigé une lettre dans sa maison d’Ondefontaine. « Je le remercie pour son accueil, c’est bien naturel après tout. “

    SOURCE : http://www.libertebonhomme.fr/2016/05/16/l-histoire-59-ans-apres-fernand-marie-retrouve-celui-qu-il-a-sauve/ 

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