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Essais nucléaires en Algérie comme en Polynésie : la France doit assumer ses responsabilités
Essais nucléaires en Algérie comme
en Polynésie : la France doit assumer
ses responsabilités
La France doit « assumer ses responsabilités historiques » et « décontaminer » les sites des essais nucléaires effectués dans le Sahara algérien dans les années 1960, a déclaré un haut responsable militaire algérien.
« Plus de 60 ans sont passés après le premier essai nucléaire en Algérie. La France persiste dans son refus de livrer les cartes révélant la localisation de ses restes nucléaires », a déplore ce haut gradé du commandement des forces terrestres, le général Bouzid Boufrioua, dans l’édition de février de l’influente revue du ministère de la Défense, El Djeich, publiée dimanche.
Selon le général Boufrioua, la remise des cartes est « un droit que l’Etat algérien revendique fortement, sans oublier la question de l’indemnisation des victimes algériennes des essais ».
Le 13 février 1960, à Reggane, dans le désert du Sahara (sud), la France a procédé à son premier essai nucléaire, baptisé « Gerboise bleue »: une bombe au plutonium d’une puissance de 70 kilotonnes -trois à quatre fois plus puissante que celle d’Hiroshima- dont les retombées radioactives allaient s’étendre à toute l’Afrique de l’Ouest et au sud de l’Europe.
La France, qui a colonisé l’Algérie de 1830 à 1962, a procédé au total à 17 essais nucléaires au Sahara algérien entre 1960 et 1966, sur les sites de Reggane puis d’In Ekker.
Onze d’entre eux, tous souterrains, sont postérieurs aux accords d’Evian de 1962, qui actaient l’indépendance de l’Algérie mais une clause permettait à la France d’utiliser jusqu’en 1967 les sites du Sahara.
« La France doit assumer ses responsabilités historiques, surtout après que 122 Etats de l’Assemblée générale de l’ONU ont ratifié, le 7 juillet 2017, un nouveau traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), qui vient s’ajouter aux traités antérieurs », a estimé le général algérien.
« Le principe du "pollueur-payeur" y a été d’ailleurs introduit et reconnu officiellement. C’est la première fois que la communauté internationale demande aux puissances nucléaires de rectifier les erreurs du passé », selon lui.
Au sol, les autorités françaises assureront trois jours après l’explosion du 13 février 1960 que la radioactivité est partout très inférieure aux normes de sécurité admises. Mais des documents déclassifiés en 2013 révèleront toutefois des retombées radioactives beaucoup plus importantes que celles admises à l’époque, s’étendant à toute l’Afrique de l’Ouest et au sud de l’Europe.
Ces essais ont causé un « grand nombre de victimes parmi la population locale et des dégâts à l’environnement qui perdurent hélas jusqu’à nos jours », dit encore le général Boufrioua.
Le dossier des essais nucléaires est l’un des principaux contentieux mémoriels entre Alger et Paris.
En Polynésie française, Emmanuel Macron est aussi attendu par ses détracteurs
Le président de la Polynésie française, Édouard Fritch, et Emmanuel Macron en 2019. © Photo Régis Duvignau / Pool / AFP
Le président de la République commence samedi 24 juillet 2021 un voyage de quatre jours dans la collectivité ultramarine d’Océanie. Les attentes de la population, notamment sur le sujet ultrasensible du nucléaire, sont en passe d’être déçues.
C’est une visite dont les Polynésiens finissaient par penser qu’elle n’aurait jamais lieu : reporté à de multiples reprises depuis plus d’un an en raison de la crise sanitaire et de ses nombreux rebondissements, le voyage officiel d’Emmanuel Macron en Polynésie française débute finalement ce samedi 24 juillet.
À force d’être annoncé puis annulé à la dernière minute, ce voyage présidentiel a suscité de fortes attentes, notamment sur la question, ultrasensible sur place, des conséquences contemporaines des essais nucléaires français.
Entre 1966 et 1996, dans l’archipel des Tuamotu, 193 tirs aériens et sous-marins ont secoué les atolls de Mururoa et Fangataufa. Nuages toxiques, irradiations, acculturations et changements sociétaux : les activités du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) ont produit des changements irréversibles et souvent catastrophiques – en particulier sur le plan sanitaire – désormais bien documentés.
Des rapports parlementaires puis des investigations de la presse et plus récemment encore les enquêtes du site Disclose ont peu à peu permis au peuple polynésien de prendre la mesure du fléau nucléaire qui s’est abattu sur les îles au fil des années.
Bien au fait de cette prise de conscience progressive, mais peu désireux de s’engager dans un processus perçu à Paris comme de la « repentance », le président de la République et les services de l’Élysée ont tenté de déminer le sujet en organisant à Paris au début du mois de juillet une « table ronde sur les conséquences des essais nucléaires ».
Cet événement, organisé conjointement avec Édouard Fritch, président de l’exécutif local de Polynésie française – la collectivité de quelque 350 000 habitants dispose d’un gouvernement, d’une large autonomie, en particulier fiscale, et de nombreuses compétences non régaliennes – a déçu. Pas question, notamment de remettre en cause les critères d’indemnisation des victimes des essais atteintes de maladies « radio-induites », c’est-à-dire de cancers dus à l’exposition aux nuages toxiques, aux rayons ionisants.
Pour l’instant, en raison de critères extrêmement restrictifs et d’une charge de la preuve trop lourde à porter par les victimes, le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) n’a dédommagé qu’une soixantaine de Polynésiens ou ayants droit pour leur cancer, sur une population exposée que des estimations raisonnables situent autour de 150 000 personnes.
« Le président aura l’occasion d’évoquer cette question du nucléaire, il aura une parole pour le peuple polynésien, dans la continuité des échanges qui ont commencé lors de la table ronde » parisienne, a fait savoir l’entourage d’Emmanuel Macron, peu avant son départ pour l’Océanie.
« Mao’hi lives matter »
« La vie des Mao'hi compte »
Pas de quoi convaincre les militants antinucléaires et en particulier les politiques indépendantistes, à l’origine de la mobilisation populaire de longue date sur ce sujet. Avec les églises protestantes et les associations de victimes – tout aussi opposées à la table ronde et à la politique actuelle d’indemnisation de la France – le parti Tavini huiraatira a organisé une grande manifestation à Papeete, le 17 juillet, intitulée « Mao’hi lives matter » (« Les vies du peuple polynésien comptent »).
Rassemblant plus de deux mille personnes sur le front de mer de la capitale polynésienne, ce rassemblement visait surtout à envoyer un message clair à Emmanuel Macron. « Ce n’est pas la peine de venir si tu ne respectes pas le peuple polynésien, si tu n’es pas prêt à faire des excuses et à demander pardon : nous ne voulons pas de toi pour faire ta communication sur le dos des souffrances de notre peuple », s’est par exemple indigné le député de Polynésie Moetai Brotherson.
Contacté par Mediapart, ce dernier va plus loin encore et dénonce « une confirmation de la mascarade de la soi-disant table ronde de haut niveau organisée à Paris alors qu’elle aurait dû avoir lieu à Papeete puisque c’est [là] qu’ont eu lieu les essais et pas à Matignon ». « Le 17 juillet, à Papeete, lors de la manifestation, nous avons recueilli, comme nous l’avait demandé la Cour pénale internationale (CPI) plus de cinq cents plaintes individuelles, poursuit-il. Elles seront transmises avant octobre 2021 et alors le travail de la CPI, qu’Oscar Temaru a saisi en 2018 pourra réellement démarrer ».
La « stratégie indo-pacifique », cet axe géopolitique d’affirmation de la puissance occidentale face à la Chine dans cette partie du monde, le changement climatique et la montée des eaux ou encore la culture avec la candidature des îles Marquises au patrimoine mondial de l’Unesco : le président de la République a envie de parler de tout autre chose que des conséquences des essais lors de son voyage polynésien.
Il se rendra aux Tuamotu mais pas sur un atoll « nucléarisé » et concentrera sa parole à ce moment-là sur des actions « innovantes » et de « beaux projets » en faveur de la « neutralité climatique ». Lors de son passage aux Marquises, le chef de l’État devrait également se rendre sur la tombe de Jacques Brel.
Le Covid ne sera pas oublié, en revanche, du voyage présidentiel. Plusieurs prises de parole à ce sujet sont prévues, dont une bonne part doit mettre en avant le soutien de la France à l’économie de la Polynésie. L’archipel a été fortement éprouvé par la crise sanitaire, en raison de la fermeture des frontières à l’échelle globale et de sa dépendance à la mono-industrie touristique.
L’ouverture ou non des frontières de ce territoire grand comme l’Europe est une compétence assumée par Paris et non par le gouvernement local. Les conditions de circulation entre Papeete et Paris ont fait l’objet de nombreuses négociations parisiennes, tout comme l’envoi de vaccins dans les archipels dont l’entourage du président de la République aime à rappeler qu’il ne s’agit « pas d’une compétence de l’État ».
Le plan de relance post-Covid dont le gouvernement et la présidence de la République se félicitent et font la promotion, consiste essentiellement en une série de prêts de l’Agence française de développement (AFD), pour un montant global d’environ 600 millions d’euros.
Présentée comme un voyage organisé en contact étroit avec l’armée – Emmanuel Macron va rencontrer plusieurs familles de soldats polynésiens tombés au champ d’honneur – cette séquence océanienne s’annonce comme une « carte postale » élyséenne tout à fait classique. C’est surtout la dernière fenêtre du calendrier d’Emmanuel Macron pour honorer sa promesse de venir au fenua (la patrie en langue polynésienne) avant l’élection présidentielle de mai 2022.
La France doit assumer
ses responsabilités !!!
Qu’ont-ils fait ?
« Le libre accès aux archives est certainement utile *** Un article de Jacques CROSDevoir de mémoire. Une plaque commémorative inaugurée au camp d'internement de Thol, dans l'Ain »
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Commentaires
Il faut tirer les enseignements des conséquences des essais nucléaires effectuée par la France au Sahara et en Polynésie. Il faut prendre acte des effets désastreux pour l'environnement et les populations qui ont été ainsi occasionnés. Partant il faut prévoir l'indemnisation des victimes. Il faut aussi prendre la décision d'arrêter cette folle au course à l'armement nucléaire dans laquelle la France est engagée en vertu de sa conception de force de dissuasion. Une stratégie qui coûte cher, qui est dangereuse et qui n'assure nullement notre sécurité. Il est opportun de signer et de ratifier le Traité d'Interdiction des Armes Nucléaires.
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Pour mieux guérir, Il faut plus de transparence entre le patient et le médecin. C'est pareil avec les peuples victimes des essais nucléaires