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Les médailles de la République : les personnels soignants n'en veulent pas
Quoi de plus décoratif qu’une décoration ? De la discrète rosette rouge sur le blazer du civil « Je suis votre chef » au placard de breloques pendantes du Chef d’État-Major des Armées (le CEMA). Pas moins d’une vingtaine de médailles. À 15 grammes l’unité, ça fait 0,3 kg pour qui porte à gauche. C’est du lourd. Les deux hommes portent beau, debout sur leur command-car au défilé du 14 juillet 2019, sous les huées des Gilets Jaunes encore une fois venus casser l’ambiance.
Il y a un ordre de préséance dans le placement des médailles épinglées sur la poitrine, de la plus prestigieuse républicaine Légion d’Honneur en haut à gauche, à la médaille en chocolat en bas à droite.
Entourées de blanc, les médailles du CEMA
• La Légion d’Honneur, la reine des médailles, remise à tant d’autres récipiendaires célèbres, de Marcel Bigeard à Mimi Mathy. Beaucoup l’ont refusée, comme Bernard Pivot qui déclara : « C’est une prime à la notoriété et je n’ai pas envie de me retrouver avec mon petit ruban rouge devant des gens que j’admire et dont je sais qu’ils le mériteraient beaucoup plus que moi. »
• L’Ordre national du Mérite : une distinction, ici aussi civile et militaire, décernée à une multitude de célébrités comme Jane Birkin qui l’aurait méritée.
• Puis la Croix de guerre des Théâtres d’Opérations Extérieures, la Croix de la Valeur militaire, la Croix du Combattant, la Médaille de la Défense nationale, d’Outre-mer et d’ailleurs. Beaucoup de noms redondants et ronflants comme la Médaille commémorative française, fourre-tout, dont on ne sait plus très bien ce qu’elle commémore, si ce n’est toutes les précédentes.
• Citons également les médailles diplomatiques étrangères du Koweit, du Gabon, du Mali, du Sénégal, du Tchad (engagez-vous, vous verrez du pays) et bien sûr celles de l’ONU, l’organisme de la paix guerrière.
• En queue de peloton on trouve la Médaille du 100e anniversaire de la création de l’état-major de l’armée polonaise.Tout cela en fait des cérémonies de remises, avec accolades, champagne et petits-fours, dans les salons des ambassades.
On remarquera que d’autres militaires, beaucoup moins gradés en ont tout autant, comme ici ce simple caporal-chef parachutiste qui porte, lui, la seule « vraie médaille », la Médaille militaire (jaune et vert) :
C’est la médaille que l’on gagne sur le terrain, en entendant parfois siffler les balles. Elle n’est attribuée qu’aux soldats et sous-officiers, et à titre honorifique à certains officiers prestigieux au combat. En son temps, le général de Gaulle eut la pudeur de la refuser. Ce ruban vert et jaune, que porte fièrement en bonne place ce commando des Forces spéciales et que ne portera jamais notre cema-phore.
Après la Guerre d’Algérie, l’armée avait à se faire pardonner. La tenue camouflée des parachutistes a été supprimée par brimade et les médailles se sont faites plutôt rares. Aujourd’hui, la mode est revenue aux décorations ; pour la République, ça ne coûte rien. Une ligne d’écriture au JO (Journal Officiel et non pas les Jeux Olympiques). Vous êtes avisés par décret, il vous suffit alors de vous la payer, si vous voulez la porter.
On décore dorénavant à tout va, ça fait toujours plaisir
Autant de cérémonies pompeuses, beaux discours dithyrambiques à la clé, où chacun peut exposer sa surface bariolée et bomber son torse alourdi. C’est à celui qui en comptera le plus, on se toise, la gloire se mesure au grammage accroché à la veste ! On décore tout, jusqu’au ridicule. les hommes, les régiments, les villes, les chiens et même les pigeons (surtout les pigeons).
Dans l’escalade des distinctions, notre république d’opérette sait inventer tous les prétextes pour créer de nouvelles médailles. La dernière en date, en 2016, celle des victimes du terrorisme.
La Médaille nationale de reconnaissance a vocation à honorer les victimes du terrorisme et à participer à leur résilience. Vous voulez être décoré ? le revers de la médaille : laissez-vous égorger ! Les valeurs de la République sont insondables.
On a encore de la marge, et de la place, pour les prochains défilés du 14 juillet. Demandez la vôtre.
En 2009, la mathématicienne Michèle Audin repoussait l’honneur qui lui était fait et affirmait qu’elle continuerait de le repousser tant que toute la lumière ne serait pas faite sur la disparition de son père, Maurice Audin, mort sous la torture pendant la guerre d’Algérie.
La lettre de Michèle Audin
à Nicolas Sarkozy
Face à l'imposture, ses simagrées et ses mensonges, il suffit parfois d'être soi-même. De ne pas biaiser, de ne pas faire le malin, de ne pas jouer au plus fin. Tout simplement de rester fidèle. Fidèle à quelques principes, à certaines valeurs, à d'anciens repères. En voici un exemple, superbe de tranquille fermeté, qui, d'une simple lettre, démasque l'hypocrisie qui nous gouverne. Oui, l'hypocrisie de cette mise en scène politique qu'on nous impose plus souvent qu'à l'ordinaire lors du passage d'une année sur l'autre: rituels vœux télévisés qui supposent une nation soumise à la parole d'un seul, traditionnelles promotions dans l'ordre de la Légion d'honneur où se détectent colifichets courtisans et distinctions clientélistes, avalanche de cérémonies de vœux présidentiels dont l'origine remonte à nos âges non-démocratiques, monarchiques ou impériaux. Si l'actuel monarque, républicain d'apparence, autocrate d'essence, ne fait ici que prolonger l'héritage de ses prédécesseurs, il s'en empare avec tant de zèle, de gourmandise vorace et d'agitation narcissique, qu'il finit par nous réveiller de notre torpeur. Vraiment, la démocratie, ce serait donc cela, cette fiction?
Une fiction qu'une seule lettre, admirable de simple grandeur, vient de dévoiler. Elle émane d'une brillante mathématicienne et elle est adressée au président de la République. La voici:
Des moyens plutôt que des médailles :
des soignants agacés par les annonces
du gouvernement
Des personnels hospitaliers du CHU de Bordeaux ont reçu 23 médailles « Merci » parmi les 1.000 premières frappes offertes par la Monnaie de Paris à l’établissement de santé bordelais. Mais celles de Macron ils n’en veulent pas…
« On demande juste des moyens qu’on demande depuis plusieurs mois pour faire notre travail », insistent ces personnels de santé, après des annonces jugées insuffisantes.
Une « médaille de l’engagement » aux soignants, un hommage le 14-Juillet, des primes, des chèques-vacances ou dons de congés et même une Légion d’honneur… Le gouvernement égraine depuis plusieurs semaines les annonces et les propositions pour récompenser les soignants qui luttent contre le Covid-19. Mais, pour de nombreux personnels de santé, les annonces gouvernementales ont du mal à passer. Pour eux, qui réclament plus de moyens pour l’hôpital, et ce depuis bien avant le début de la crise sanitaire, ces annonces sonnent creux.
Pour le docteur Olivier Milleron, cardiologue à l’hôpital Bichat (Paris), membre du Collectif Inter-Hôpitaux, interrogé sur Franceinfo, les médailles sont même une « provocation ». « Nous, on ne demande pas de médaille. On a fait notre travail. On demande juste des moyens qu’on demande depuis plusieurs mois pour faire notre travail », affirme-t-il.
Quant à l’hommage national aux soignants le 14-Juillet, annoncé le médecin reste dubitatif : « Le 14-Juillet, c’est un défilé militaire, qu’est-ce qu’on va y faire ? s’interroge-t-il. On va défiler avec les sacs-poubelles qu’on a été obligés de mettre dans les services parce qu’on n’avait pas de protection, et qu’on n’a pas été capable de nous en donner. »
« Médaille en chocolat » on n’en veut pas !!!
Dr ou Pr. Laurent Thinas :
Ecoeurés & effondrés de subir ce mépris de la part d’un GVT qui n’a cessé de nous mettre en difficulté et aussi en danger. Plus d’1 an de mobilisation, un mouvement de grève inédit, 1200 démissions de chef de service... Réponse: 1 médaille en « chocolat »
« La République n'a jamais vraiment été universelle" Olivier Le Cour GrandmaisonPerpignan : les hommages de la honte »
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