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À Gaza, le miroir d’un « quasi-effondrement du droit international »
À Gaza, le miroir d’un « quasi-effondrement
du droit international »
Un rapport d’Amnesty International accable les puissances mondiales incapables de faire cesser les multiples conflits meurtriers en cours dans le monde, dont les civils sont les premières victimes. Dans le viseur de l’ONG : les frappes israéliennes sur Gaza, mais aussi l’Ukraine, le Soudan, le reste du Moyen-Orient, ou la Birmanie.
Le rapport d’Amnesty International met l’accent sur les graves violations des droits humains constatées dans la bande de Gaza, bombardée par Israël depuis les attaques du Hamas le 7 octobre 2023. Photo Sipa/UPI
Le monde est aujourd’hui « dénué de véritable droit international », constate amèrement Amnesty International. L’ONG publie ce mercredi son rapport sur la situation des droits humains et de leurs violations, qui évalue l’état des droits fondamentaux dans 155 pays en 2023. Ce document accablant de plus de 500 pages est cette année encore plus noir que le précédent. En cause : la poursuite et l’escalade de conflits meurtriers, mais surtout le début des bombardements israéliens à Gaza dans le sillage des attaques meurtrières du Hamas le 7 octobre.
« Faillite morale » et « hypocrisie »
Avec près de 34 000 Gazaouis tués depuis plus de six mois, en grande majorité des civils, « les preuves de crimes de guerre continuent de se multiplier à Gaza tandis que le gouvernement israélien vide de son sens le droit international », déclare le rapport. Le texte dénonce « des frappes aériennes incessantes contre des zones civiles habitées, anéantissant souvent des familles entières, déplaçant de force près de 1,9 million de Palestiniennes et Palestiniens et limitant l’accès à l’aide humanitaire »
« Après la Seconde Guerre mondiale, l’ONU s’est engagée à faire respecter les droits humains fondamentaux. Mais aujourd’hui, on constate une véritable faillite morale des États qui auraient le pouvoir d’arrêter ces atrocités », estime Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty International France. Dans son viseur, notamment, le veto des États-Unis au Conseil de sécurité de l’ONU à un projet de cessez-le-feu à Gaza. Mais aussi les livraisons d’armes de la part des Américains et des pays de l’UE, dont la France et l’Allemagne, à Israël. Pourtant, « des textes internationaux nous interdisent de livrer des armes à des États qui les utilisent contre les populations civiles », rappelle Jean-Claude Samouiller. « Les mêmes qui voulaient faire respecter le droit international lorsque la Russie a envahi l’Ukraine il y a deux ans, on ne les entend plus depuis le 7 octobre. C’est de l’hypocrisie », poursuit-il.
Les civils en première ligne
Une situation qui témoigne d’un « quasi-effondrement du droit international » en 2023, selon Amnesty, qui se manifeste malheureusement dans de nombreux autres territoires. Avec un dénominateur commun, selon Jean-Claude Samouiller, le mépris pour la vie des civils. « Un mépris des civils dans les bombardements indiscriminés en Ukraine, dans les incendies de villages par l’armée au Myanmar [Birmanie], dans les bombardements d’habitations au Soudan », énumère-t-il.
Répressions des manifestations, violences sexuelles, développement de l’intelligence artificielle faisant peser des risques sur les démocraties, montée des discours nationalistes et populistes durant une année clé d’élections dans le monde… La liste des autres atteintes aux droits humains dressée par le rapport d’Amnesty est longue. Parmi elles, l’intensification des attaques à l’encontre des droits des femmes de l’Iran à l’Afghanistan en passant par les États-Unis, où le droit à l’IVG n’a cessé de reculer dans plusieurs États en 2023.
Y a-t-il une lueur d’espoir dans ce sombre tableau ? « Oui, la société civile, nous répond Jean-Claude Samouiller. Malgré les risques de répression dans certains pays, la population, notamment les femmes, les ONG se lèvent pour dire stop. » Pour Agnès Callemard, secrétaire générale d’Amnesty International, « les gens font ainsi comprendre qu’ils voulaient le respect des droits fondamentaux, les gouvernements doivent à présent montrer qu’ils les ont entendus ».
Des reculs également en France
La France n’est pas épargnée par « une série de reculs et d’atteintes » aux droits fondamentaux, estime Amnesty. L’année dernière a notamment été marquée par « des interdictions abusives de manifester et un usage excessif de la force. On l’a vu avec la réforme des retraites, Sainte-Soline, les manifestations de soutien au cessez-le-feu à Gaza », a déclaré mardi en conférence de presse Nathalie Godard, directrice de l’Action à Amnesty International France.
Le rapport pointe également le vote de la loi immigration en décembre, qu’il qualifie de « texte discriminatoire et xénophobe » et de « choc pour celles et ceux qui défendent les droits humains ».
L’ONG attire enfin l’attention sur les risques à venir pour les libertés fondamentales dans l’Hexagone, notamment durant les Jeux olympiques. « Une nouvelle loi présentée comme “expérimentale” prévoit le recours à la vidéosurveillance assistée par intelligence artificielle en France », note Amnesty, qui estime que le texte « risque d’étendre de manière excessive les pouvoirs de police en élargissant l’arsenal des équipements de surveillance de façon permanente, et d’inaugurer un avenir dystopique, dangereux pour nos libertés ».
« DÉCLARATION DU COMMISSAIRE GÉNÉRAL DE L’UNRWA AU CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L’ONU Guerre Israël-Hamas : "une situation intenable" en Cisjordanie mais aussi à Gaza »
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