• Gouvernement Castex : l’hyperprésidence consacrée

     

    Gouvernement Castex : l’hyperprésidence consacrée

    Éric Dupond-Moretti râle contre la grève de ses confrères, le 2 mars au tribunal de Nice. © AFP

     

    Le gouvernement choisi par Emmanuel Macron confirme sa droitisation avec la nomination de proches de Nicolas Sarkozy à des postes clés. Avec Jean Castex à Matignon, l’Élysée a fini d’effacer le poste de premier ministre. Et concentre tous les pouvoirs.

    L’entourage d’Emmanuel Macron avait promis des « surprises ». Le nouveau gouvernement annoncé par le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler, lundi 6 juillet au soir, n’en aura réservé qu’une seule : la nomination d’Éric Dupond-Moretti au ministère de la justice. L’avocat médiatique, pourfendeur de ce qu’il appelle « la dictature de la transparence », et qui s’était tristement illustré lors du procès de Georges Tron en s’attaquant vivement aux plaignantes en particulier et aux féministes en général, succède à Nicole Belloubet à la Chancellerie.

    Pour le reste, le président de la République a surtout joué aux chaises musicales… pour appliquer la même politique EN PIRE !!! C’est pourquoi on se contentera de commenter la nomination d’Eric Dupond-Moretti.

    Au ministère de la justice, la provocation

    Dupond-Moretti

    La clientèle et les prises de position du nouveau garde des Sceaux, l’avocat médiatique Éric Dupond-Moretti, ennemi déclaré d’une partie de la magistrature, de la transparence et de la libération de la parole des femmes, constituent un choix risqué.

    Emmanuel Macron et Jean Castex ont donc choisi, pour remplacer la terne Nicole Belloubet au ministère de la justice, un personnage médiatique et clivant en la personne de l’avocat Éric Dupond-Moretti, 59 ans. Habitué des plateaux télé et des émissions de radio, parfois acteur et comédien, ex-futur chroniqueur sur Europe 1, cet homme aux prises de position sans nuances et au verbe peu policé constitue un choix assez risqué pour occuper la fonction de garde des Sceaux.

    La justice de 2020 est pauvre, fragile et débordée. Elle aurait besoin de moyens, d’effectifs, de considération et d’indépendance. Le dernier avocat nommé Place Vendôme, en 1981, était Robert Badinter. Beaucoup de magistrats ressentiront la nomination d’Éric Dupond-Moretti au mieux comme une provocation, au pire comme « une déclaration de guerre », pour l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire).

    Avocat depuis 1984, Éric Dupond-Moretti peut certes se targuer de bien connaître l’institution judiciaire. Excellent plaideur, il a écumé les cours d’assises pendant trois décennies, obtenant nombre d’acquittements. Lors des audiences, il n’hésite pas à malmener verbalement les témoins, les enquêteurs, les magistrats, parfois ses confrères aussi, dans un registre très physique et parfois assez brutal. Il engueule aussi des journalistes pendant les suspensions d’audience. Passons. Les droits de la défense le lui permettent.

    La notoriété aidant, l’avocat quitte le barreau de Lille pour celui de Paris en 2016, et s’associe à Antoine Vey. Après les affaires de grand banditisme, les homicides et les dossiers de stupéfiants, déjà rémunératrices, Éric Dupond-Moretti vise une clientèle plus haut de gamme. Ce seront les affaires et la politique.

    Ces dernières années, il a ainsi défendu ou représenté notamment la République du Gabon, la République du Congo, le roi du Maroc Mohammed VI, mais aussi Bernard Tapie, Jérôme Cahuzac, Georges Tron, Patrick Balkany ou Alexandre Djouhri. Des clients qui ne s’attendaient certainement pas à ce que leur zélé défenseur devienne un jour le ministre de la justice de la France.

    Pourfendeur des juges, ennemi déclaré de la transparence, Éric Dupond-Moretti accumule les sorties tonitruantes. Il multiplie les critiques à l’adresse de la Haute autorité pour la vie publique (HATVP), dénonce la « caste des juges » et se prononce de façon virulente pour la suppression de l’École nationale de la magistrature (ENM). Voici quelques jours, il annonçait une plainte contre le magistrat qui a instruit l’affaire Rybolovlev à Monaco, puis une autre dans l’affaire des « fadettes » du Parquet national financier (PNF).

    Au procès de Yamina Benguigui, jugée pour des omissions dans ses déclarations de patrimoine et d’intérêts, son avocat se surpasse. Il dénonce « une justice de classe à rebours » et « une forme de poujadisme » (un thème qu’il reprendra pour Jérôme Cahuzac notamment). « La première affaire de la HATVP est un fiasco, tonne alors Dupond-Moretti. On est tellement dans le vague [avec la loi sur la transparence] qu’il y en a un qui a déclaré son camping-car [l’ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault] et l’autre [l’eurodéputée Eva Joly – ndlr] son canoë-kayak. Vert le kayak. Si le tribunal est saisi à chaque fois que la bonne case n’est pas cochée… » Yamina Benguigui sera tout de même condamnée.

    Très impliqué dans la défense des affairistes de tout poil, Éric Dupond-Moretti n’a pas réussi à sauver non plus Jérôme Cahuzac ni Patrick Balkany. « Condamner un innocent, c’est terrifiant. Condamner un coupable à une peine qu’il ne mérite pas, c’est aussi terrifiant », avait-il plaidé pour l’ancien maire de Levallois-Perret en première instance. Les magistrats du tribunal correctionnel n’avaient pas été émus outre mesure par cet argument.

    Au procès de Georges Tron, accusé de viols en réunion, l’avocat se distingue par son agressivité envers les parties civiles. « Moi, je vous sauterais à la gorge », lance-t-il en concluant sa plaidoirie. Il interpelle l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), qui s’est constituée partie civile aux côtés des deux plaignantes : « C’est bien que la parole des femmes se libère, mais vous préparez un curieux mode de vie aux générations futures », lâche-t-il gravement, avant d’évoquer, l’air nostalgique, l’époque des « slows » en boîte de nuit. Il se tourne vers les jurés et leur pose cette question : « Mesdames et messieurs les jurés, si votre fils touche le genou d’une copine dans sa voiture, c’est une agression sexuelle, ça ? »

    Le nouveau ministre de la justice voue par ailleurs Mediapart aux gémonies. « C’est cela, l’ère de la transparence. On a ennobli les délateurs qu’on appelle désormais les lanceurs d’alerte, déclare l’avocat dans Causeur. Quand Plenel écrit au procureur pour exiger des poursuites contre Cahuzac, quand, dans l’affaire Bettencourt, il explique qu’une ordonnance de non-lieu est une preuve de culpabilité, quand Fabrice Arfi écrit que c’est un mauvais signal pour la société que Cahuzac n’aille pas en prison, ils se comportent comme des flics et se prennent pour des juges. Du reste, cela fait longtemps que ces gens travaillent main dans la main avec des juges qui leur ressemblent. Ces nouveaux juges qui portent les mêmes valeurs morales qu’eux se sont affranchis des règles : ils utilisent des preuves obtenues par n’importe quel moyen, y compris des violations du secret professionnel de l’avocat ou du notaire. D’ailleurs, on se demande pourquoi perquisitionner Mediapart puisque Plenel donne tous les documents à la justice et à la police. On est en pleine confusion des genres. » 

    Quelque 200 avocats manifestaient au palais de justice de Nice contre le projet de réforme des retraites. Le mouvement a entraîné le report, d'une journée, du procès d'un lycéen jugé pour une expédition armée dans son établissement de Grasse en 2017… Dupont-Moretti est sifflé par ses confrères !!! 


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