• J-M Brunel : « On est partis jeunes, on est revenus vieux »

    Le Lunellois Jean-Marie Brunel a servi

    vingt-quatre mois en Algérie

     lorsqu’il avait 20 ans

    Jean-Marie Brunel (à droite) : "J’ai été spectateur contraint et forcé."

      D. R.

    "Je m’en suis bien tiré." Jean-Marie Brunel est revenu vivant d’Algérie, retrouve Lunel, sa future épouse. Et construit une belle vie. Mais sans jamais se détacher tout-à-fait de ce qu’il a vécu là-bas, appelé du contingent à l’âge de 20 ans.

    Son "billet de départ", il le reçoit fin 1959. Le Pescalune, qui n’a jamais quitté sa ville, fait ses classes à Draguignan, puis traverse la Méditerranée sur le Ville d’Alger. Découvre Oran, "un Marseille bis". Puis ce jeune homme qui n’a entendu parler que "de loin des événements d’Algérie", arrive à Palikao au sein du 62e Régiment d’artillerie.

    Palikao (aujourd’hui Tighenif). Ville de 20 000 habitants située à une vingtaine de kilomètres de Mascara. Quelques jours après son arrivée, Jean-Marie Brunel assiste aux festivités du centenaire de la ville, qui doit son nom à une victoire française en Chine en 1860. Puis vient le choc du quotidien : "Je découvre deux populations, une d’origine européenne, une autre d’origine indigène, qui vivent côte à côte en s’ignorant. Je découvre la misère d’une population..."

     

     

    J-M Brunel :

    « On est partis jeunes, on est revenus vieux »

    « On est partis jeunes, on est revenus vieux ». Au milieu, il y a l’Algérie. 24 mois tatoués à jamais sur la peau du souvenir. 54 ans ont beau s’être écoulés, le Lunellois Jean-Marie Brunel aura toujours, quelque part dans sa mémoire, 20 ans dans le petit village de Palikao. Appelé du contingent au sein du 62ème Régiment d’artillerie.
    « A l’époque, les journaux ne parlaient pas de guerre mais de maintien de l’ordre », se souvient-il. Aussi, fin 1959, quand il reçoit « son billet », rien ne lui laisse entrevoir ce qui l’attend de l’autre côté de la Méditerranée. Au départ de Marseille, il embarque sur le « Ville d’Alger », direction Oran. Une autre Marseille : « Je n’étais pas dépaysé ». C’est plus tard, en s’enfonçant dans les terres, qu’il découvre « un autre monde ». Le village de Palikao (aujourd’hui Tighenif), à une vingtaine de kilomètres de Mascara. «J’ai découvert deux populations complètement cloisonnées. D’un côté un village à la française, avec son église, son kiosque, son jardin et de l’autre les Algériens, qui vivaient dans la plus grande misère, dans des maisons de terre battue, avec des enfants pieds nus, en haillons. Sans compter les humiliations infligées par certains militaires», se remémore-t-il.


    « Contraint et forcé » 

    A cette période où le conflit touche à sa fin, la région autour de Palikao est redevenue à peu près calme après une période de « guerre à outrance » durant les années qui ont précédé. « Je n’étais pas tellement exposé. En première ligne, il y avait les commandos de parachutistes, la légion étrangère ou les commandos du régiment, dont je ne faisais pas partie. Je ne m’étais pas engagé, j’étais là contraint et forcé », insiste Jean-marie Brunel. Qui estime « s’en être bien tiré ».
    Mais pas sans traumatisme. Parmi ses souvenirs les plus marquants, une opération où il a été désigné pour accompagner à la morgue de Mascara le corps d’un militaire du contingent qu’il avait connu en France. Il y a aussi ce compagnon appelé « qui s’est fait tuer 8 jours avant d’être libéré ». Ou encore cette scène où un soldat des renseignements exécute sous ses yeux un Algérien. « Tentative d’évasion », prétexte le soldat. « Et ce n’est pas un cas unique », assure Jean-Marie Brunel.
     


    « Un immense gâchis » 


    Le jeune Héraultais quitte Palikao le 19 mars, jour du cessez-le-feu. En charge du rapatriement des hommes et du matériel en France, il reste une dizaine de jours supplémentaires à Oran. « C’est là que j’ai entendu le plus de coups de feu, vu le plus de morts. Il y avait des gens abattus sur le trottoir, dans leur sang… Il faut l’avoir vécu pour le décrire ».
    Et puis il y a le retour. Tant attendu, mais si difficile. « Maintenant il y aurait des cellules psychologiques. Là on est revenu comme si on rentrait d’un service militaire normal. Personne ne nous a rien demandé. Alors on a tout gardé pour nous. Il a fallu que je fasse ces témoignages pour qu’une de mes filles apprenne que j’étais allé en Algérie. »
    Jean-Marie a retrouvé son village, qui pleurait trois appelés moins chanceux que lui. Ainsi que sa future épouse, rencontrée lors d’une permission. Mais jamais l’Algérie ne l’a quitté tout-à-fait. Aujourd’hui, il s’est lié d’amitié avec des anciens du village de Palikao, qui se retrouvent chaque année à Beaucaire. « Tout ça a été un immense gâchis. Pour les pieds-noirs qui ont été déracinés, pour les harkis, qui à mon avis ont été trompés de A à Z et pour les jeunes du contingent qui ont péri dans une guerre à laquelle ils n’avaient pas à prendre part ».

     

    J-M Brunel :  « On est partis jeunes, on est revenus vieux »

     

     

     

    « Nos ancêtres les rastas"Je ne me résous pas à la haine, je ne me résous pas à la bêtise du désespoir". Lettre inédite de Jean Ferrat »

  • Commentaires

    1
    Vendredi 22 Septembre 2017 à 15:01

    Tiens mais Jean-Marie Brunel était cantonné dans le village d'où est originaire notre amie Danièle Ponsot !

    J'étais plus au sud, du côté de Saïda au début puis encore plus au sud. Et dans l'artillerie également.

    J'ai entendu moi aussi les rafales d'armes automatiques à Oran après le cessez-le-feu, lorsque j'étais libérable en avril 1962. La ville était à feu et à sang !

    Les harkis ? La première mesure prise à leur encontre c'est de les avoir recrutés pour se battre contre leurs frères. Et comme on pouvait l'imaginer ils n'ont été utilisés que pour perpétuer cette guerre. Leur sort ensuite n'intéressait plus la France ni son armées après la fin du conflit.

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