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"Tentative de ratonnade" après la mort de Thomas : mais d'où vient ce terme ?
Mort de Thomas : aux origines
racistes du mot « ratonnade »
Ce terme raciste prend racine dans le contexte colonial de la France en Algérie, comme l’explique Sylvie Thénault, chercheuse au CNRS et auteure des «Ratonnades d’Alger».
« Ratonnades », « tentatives de ratonnade »… Le terme est régulièrement employé sur les réseaux sociaux et dans les médias, notamment pour qualifier la descente de groupes d’extrême-droite dans le quartier de la Monnaie, à Romans-sur-Isère, après la mort de Thomas, 16 ans, poignardé dans la nuit du 18 au 19 novembre, après le bal de Crépol (Drôme). Mais quelles sont les origines de ce mot, défini dans le Robert comme une «expédition punitive ou brutalités exercées contre des Maghrébins» ?
Sa racine vient du mot « raton » qui a plusieurs significations : un jeune rat, un enfant « entraîné à voler » ou une insulte raciste désignant un Maghrébin. Et c’est de ce dernier sens, issu de l’argot français, qu’est née la « ratonnade », dans le contexte colonial de la France en Algérie.
Sylvie Thénault, chercheuse au CNRS qui a écrit « Les Ratonnades d’Alger », date la première apparition du mot à l’écrit en 1958 pour désigner les violences de colons français en Algérie. À partir de 1961, la « ratonnade » renvoie aux expéditions punitives de la police française sur des Algériens, mais cette fois, à Paris. Et son sens évolue, devenant désormais « une violence physique exercée à l’encontre d’une minorité ethnique, initialement de personnes nord-africaines en France ».
Mais la chercheuse souligne aussi que, si le terme «ratonnade» peut être employé pour nommer ces violences, il peut aussi permettre de les dénoncer. C’est en ce sens qu’il est notamment utilisé dans « Ratonnades à Paris » de Paulette Préju, relatant le massacre du 17 octobre 1961 à Paris.
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"Tentative de ratonnade" après
la mort de Thomas : mais d'où vient
ce terme ?
Des élus de gauche avaient dénoncé des "ratonnades" de l’ultradroite en 2022 après la victoire des Bleus face au Maroc à la Coupe du monde. (Photo by Julien Mattia/Anadolu Agency via Getty Images) (Anadolu Agency via Getty Images)
Des identitaires néonazis ont organisé une descente à Romans-sur-Isère après le décès de Thomas. Une "tentative de ratonnade" estime la gauche. Mais à quoi ce mot fait-il référence ?
80 individus ont tenté, ce samedi 25 novembre, d’entrer dans le quartier de la Monnaie, à Romans-sur-Isère, pour "venger la mort de Thomas", tué par arme blanche lors d’un bal communal. Certains de ces individus appartiennent à des groupuscules néo-nazis, comme l’indique le média indépendant StreetPress. Cagoulés, armés de bâtons, de barres de fer et de mortiers d'artifice, ces militants d'extrême droite ont défilé en scandant des slogans racistes. "Islam hors d’Europe", "La rue, la France, nous appartient"... Une expédition punitive commanditée par un dénommé "Gros lardon", toujours selon StreetPress, qui n’aura finalement pas abouti.
"80 individus ont tenté d’envahir le quartier de la Monnaie à Romans-sur-Isère en fin de journée, a annoncé la préfecture de la Drôme sur X. Grâce à la mobilisation de la police et de deux unités de force mobiles, 20 interpellations dont 17 gardes à vue ont pu être réalisées". La descente de cette centaine d'individus a été qualifiée de "ratonnade" par la gauche. "Le défilé de l'ultradroite à Romans-sur-Isère était une tentative de ratonnade", assure notamment Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise, au micro d'Europe 1. Mais d'où vient ce terme ?
Quelle signification ?
Une "ratonnade" est un terme péjoratif utilisé pour désigner une agression ou une série d'agressions violentes dirigées contre des personnes en raison de leur origine ethnique, souvent associée à des groupes d'immigrants nord-africains. Le terme est spécifiquement utilisé en France et tire son origine du mot "raton", qui est un terme argotique et dépréciatif pour désigner les Nord-Africains, en particulier les Algériens. Les ratonnades sont généralement perpétrées par des groupes extrémistes ou des individus ayant des idéologies racistes ou xénophobes.
Ces actes de violence sont donc motivés par la haine raciale, mais aussi par les tensions politiques ou les réactions à des événements spécifiques. "C’est une vieille expression qui a aujourd’hui une dimension dénonciatrice et antiraciste, même si elle peut aussi être revendiquée par l’extrême droite pour se vanter de ses actions violentes à l’égard des Arabes ou des Nord-Africains", expliquait l'historienne Sylvie Thénault à Libération.
Le massacre du 17 octobre 1961
Les premières ratonnades en France ont eu lieu dans les années 1950, lors de la guerre d'Algérie. Toujours selon Sylvie Thénault, le mot est utilisé à l'écrit pour la première fois en 1958 pour désigner des violences commises par les Français d’Algérie sur les Algériens lors des obsèques du leader de l’Algérie française Amédée Froger, assassiné par les nationalistes. Dans la nuit du 17 au 18 octobre 1961, des milliers d'Algériens manifestent pacifiquement à Paris contre l'instauration d'un couvre-feu décrété par le préfet de police uniquement pour les "Français musulmans d’Algérie".
Des manifestants algériens défilent devant la police parisienne lors d'une manifestation pacifique, à Paris, le 17 octobre 1961 (Gamma-Keystone via Getty Images) (Gamma-Keystone via Getty Images)
Mais la manifestation vire rapidement au drame. Dès le début du rassemblement, les policiers chargent, matraquent, tuent et jettent dans la Seine de nombreuses victimes dans un terrible déchaînement de violence. Lors de cette nuit sanglante, au moins 12 000 Algériens ont été arrêtés, et au moins 120 tués. Cette date marque l'apogée des violences et de la répression policières perpétrées contre l'immigration algérienne en France durant la guerre d'indépendance.
Un précédent en 2022
Plus récemment, à la fin du mois de décembre 2022, plusieurs élus de gauche avaient dénoncé des "ratonnades" de l’ultradroite lors des célébrations de la qualification de l'équipe de France de football pour la finale de la Coupe du monde après la victoire face au Maroc. "On nous a signalé à plusieurs endroits ce qui pourrait s’apparenter à des ratonnades contre des supporteurs de l’équipe marocaine", déplorait sur Public Sénat la cheffe du groupe LFI à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot.
Lyon : des militants de l'ultra droite arpentent les rues pour violenter des supporters du Maroc avant d'être chassés du centre-ville par la police. Peu après, des scènes de violences urbaines éclatent avec notamment de nombreux incendies volontaires et des jets de projectiles sur les forces de l'ordre. Au moins 7 interpellations ont été menées, dont 2 d'individus soupçonnés d'avoir participé à l'agression menée par l'extrême droite.
Au total à Paris, 110 mesures de gardes à vue avaient été prises, essentiellement pour "violences sur personne dépositaire de l’autorité publique, participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations, détentions d’engin explosif, port d’arme et embuscade", précisait le parquet de Paris. Parmi les personnes interpellées figuraient quarante personnes proches de l’ultradroite qui s’apprêtaient à rejoindre les Champs-Élysées pour en découdre.
SOURCE "Tentative de ratonnade" après la mort de Thomas : mais d'où vient ce terme ? (yahoo.com)
Ces ratonnades sanglantes que Marseille
a préféré oublier
C'est une période que Marseille a préféré oublier : il y a 45 ans, une série de ratonnades meurtrières ensanglantent la ville, où persiste la nostalgie de l'Algérie Française. Chercheurs et militants tentent aujourd'hui de sortir ces faits de l'oubli.
"On vivait dans la terreur" : attablé à un café du Vieux-Port, Saïd Benmakhlouf, 80 ans, se souvient de 1973 avec émotion. "On avait des menaces tous les jours. Avant de rentrer chez moi, je faisais le tour cinq fois en voiture", poursuit le "chibani", immigré aujourd'hui à la retraite.
Responsable de l'Amicale des Algériens en Europe, il avait déploré cette année-là l'assassinat d'une quinzaine de compatriotes, rien qu'à Marseille. Tout commence fin août, par l'assassinat, en pleine journée, d'un traminot marseillais, tué à coups de couteau par un déséquilibré algérien. Dès le lendemain, l'opinion publique est chauffée à blanc.
"Assez de voleurs Algériens, de casseurs Algériens, de fanfarons Algériens, de proxénètes Algériens, de syphilitiques Algériens, de violeurs Algériens, de fous Algériens", clame un éditorial du Provençal. L'auteur, Gabriel Domenech, deviendra par la suite député Front National.
"C'était un appel assez clair aux expéditions punitives. Très vite, ça prend dans les consciences et très vite, on a un ou deux Arabes morts par jour", relate la sociologue Rachida Brahim.
- "Campagne de haine" -
La chercheuse a décompté 16 assassinats de nord-africains en 1973 dans la cité phocéenne, la plupart restés impunis. A l'époque, le caractère "raciste" n'est pris en compte ni par la loi, ni a fortiori par la police.
Un jeune de 16 ans, Ladj Lounef, tué de trois coups de feu dans les quartiers Nord, un père de quatre enfants agressé à la hache au bord d'une voie ferrée, un Algérien de 37 ans, Saïd Aounallah, fauché de trois balles de 22 long rifle à l'entrée de l'autoroute... Les violences culmineront avec un attentat à la bombe, le 14 décembre, au consulat d'Algérie: quatre morts et 18 blessés.
Une décennie après les accords d'Evian, sur fond de tension diplomatique extrême, "la guerre d'Algérie se rejoue un peu dans ces années-là", analyse Rachida Brahim. A l'époque, 40.000 Algériens logés dans des HLM en périphérie, côtoient environ 100.000 pieds-noirs rapatriés à Marseille.
Un "comité de défense des Marseillais", ouvertement raciste, est fondé, et M. Benmakhlouf verra ses compatriotes faire leurs valises, prêts à quitter la France en catastrophe. Rares sont ceux qui défendent les Algériens: une fraction de la gauche, dont des maoïstes, certains syndicats et une partie de l'Eglise...
- Question coloniale -
Début 2018, une association, Mémoire et réconciliation, a pris l'initiative d'apposer une plaque commémorant l'attentat du consulat. L'enjeu? "Que nul n'oublie cette part douloureuse de l'histoire de l'immigration algérienne", peut-on y lire.
Mais au-delà des proches des victimes, de l'ambassadeur et de quelques élus locaux, son inauguration n'a pas attiré les foules. "Le pire, c'était l'absence de l'État", regrette Fazia Hamiche, la présidente de l'association.
"Personne n'a de voix à gagner à parler de ces choses-là", constate Saïd Ben Makhlouf. "Ces crimes racistes, même les Algériens ne s'en souviennent pas", ajoute la sénatrice PS Samia Ghali, l'une des rares élues présente.
La mémoire de cette période "a souffert de l'effet de souffle de mai 1968 : les préoccupations sont celles de la révolution, du socialisme", analyse l'historien Benjamin Stora, interrogé par l'AFP: "La question coloniale semble alors archaïque, réglée par l'indépendance de l'Algérie".
A posteriori, l'année 1973 "apparaît comme un tournant, celui de la libération du racisme ordinaire", sur fond de crise économique, juge l'historien Yvan Gastaut, l'un des premiers à s'être intéressé à cette période.
Depuis cette époque, cette violence ressurgit "par éclipses" à Marseille, comme en 1995 avec l'assassinat d'Ibrahim Ali, 17 ans, par des colleurs d'affiches du FN. "La presse s'est désormais assagie", constate-t-il, mais la parole raciste se retrouve désormais facilement sur les réseaux sociaux.
Les ratonnades de 1973, révélatrices
d’une fracture historique à Marseille
Pour la première fois, une plaque commémore l'attentat du consulat d'Algérie en 1973 à Marseille. Cet évènement meurtrier intervient au cœur d'une période de grande tension où les crimes racistes impunis se succèdent. Analyse d'un impensé français avec la sociologue Rachida Brahim.
Dimanche 28 janvier 2018, pour la première fois, une plaque commémorant l’attentat du consulat algérien, survenu en décembre 1973 a été apposée sur l’ancienne façade de l’institution. Discrète, la cérémonie a réuni l’ambassadeur d’Algérie, des représentants de la mairie de secteur, de la Ville et du conseil régional, ainsi que des victimes et témoins de l’attentat.
Les responsables des crimes : les anciens nostalgiques de l’oas et de l’algérie française ou leurs descendants ?
Marseille « capitale de la culture » ? Il y a quarante-cinq ans, les journaux titraient «capitale du racisme». En 1973, la cité phocéenne a connu l'une des pires flambées de racisme qui a pu exister dans l'histoire de France au XXe siècle.
Un racisme ciblé sur l'Algérien, le mot de tous les maux. Salah Bariki, un français d’origine algérienne arrivé en 1962 dans les bidonvilles de la cité phocéenne, a accepté de raconter sa vision et son ressenti des années 70. A cette époque, il était d'ailleurs responsable de l'Amicale des jeunes Algériens, rue Saint-Jacques dans le 6e arrondissement.
Un racisme qui répond à la crise économique
Depuis 1962 et ce durant dix années (1962-1973), les flux migratoires n'ont cessé de s'intensifier, Marseille devenant un point de passage, voire d'ancrage de l'immigration. Une population constituée d'une forte communauté maghrébine et notamment algérienne, ce depuis la décolonisation. Salah évoque ce contexte particulier : « c'était le début de la crise économique, l'arrivée de Giscard qui voulait renvoyer les Algériens chez eux, l'Algérie qui voulait récupérer ses immigrés, au moins en parole. C'était aussi un moment de transition très difficile répondant au mythe du retour : nos parents qui étaient arrivés dans les années 60 n'étaient toujours pas rentrés au pays ». Depuis le début des années 70, il y a un développement du racisme, notamment contre les nord-africains. Selon Gérard Noiriel, historien et directeur d'études à l'EHESS, ce racisme anti-algérien a surtout été alimenté « par les nostalgiques de l'Algérie française ».
La haine de l’Algérien dans la presse locale
C'est à l'été 1973 que les violences racistes vont connaître leur apogée et notamment à Marseille. Le 25 août, un déséquilibré algérien assassine un traminot. Ce fait divers va embraser la ville et attiser la haine de l'Algérien. Le rédacteur en chef du quotidien des droites marseillaises Le Méridional, Gabriel Domenech, avait titré, au lendemain du drame : « Assez, des voleurs algériens, assez des casseurs algériens, assez des fanfarons algériens, assez des trublions algériens, assez des syphilitiques algériens, assez des violeurs algériens, assez des proxénètes algériens, assez des fous algériens, assez des tueurs algériens (…) ». En 1986, Gabriel Domenech est élu député FN.
Campagne anti-immigrés par la Droite
Un écrit qui résonne pour certains comme un appel à la ratonnade. Un Comité de défense des Marseillais se constitue au lendemain du drame afin « d'assurer la sécurité des Français » et appele à manifester « contre l'immigration sauvage », le 29 août (manifestation interdite par la Préfecture). Un comité qui, domicilié à la même adresse que le mouvement fasciste « Ordre Nouveau », n'a sûrement pas calmé les ardeurs. Les déclarations racistes émanant de divers groupes politiques de droite se succèdent. Du côté de l'Union des jeunes pour le progrès (UJP) des Bouches-du-Rhône, on a proposé d' « éliminer la pègre nord-africaine et antifrançaise ». Les Comités de défense de la République (CDR), gaulliste, réclament « la peine de mort pour l'assassin ». Pour calmer les ardeurs, Mgr Etchegarray a fait une déclaration au journal de 20 heures, le 27 août, la veille du tramoinot, appelant à la raison de chacun. Un appel au calme pas assez fort pour être entendu puisque une vague de violence s'installe dans la cité. Selon Gérard Noiriel, « des appels à la ratonnade sont suivis par le mitraillage de plusieurs foyers Sonacotra et des bidonvilles ». Salah ne se souvient pas de ces épisodes mais ce qu'il peut expliquer, « c'est qu'on a appris bien plus tard que la plupart des foyers Sonacotra était dirigée par des anciens paras et des gens de l'OAS ».
L’amalgame
Dans la nuit du 28 au 29 août, un Algérien, Lounès Ladj, est abattu à la sortie d’un café tandis qu’au même moment, un cocktail Molotov est jeté dans une entreprise de nettoyage, à la Ciotat, où travaillaient majoritairement des Algériens. Le 31 août, les travailleurs de la Ciotat entrent en grève pour dénoncer ces attentats xénophobes. C’est le Mouvement des travailleurs arabes (MTA) qui prend le relais de cette solidarité en lançant un appel à la grève générale contre le racisme, le 3 septembre. Un mouvement qui sera honoré par au moins 20.000 travailleurs de la région marseillaise et qui s’étendra aux départements. La marche funèbre, en hommage à Lounès Ladj, le 1er spetembre, réunit des centaines de personnes. Un cortège funèbre traverse la ville en sa mémoire.
La passivité politique
De l’autre côté de la méditerranée, le président Houari Boumédienne, regrettant l’inertie des pouvoirs publics et notamment du président Georges Pompidou, décide de suspendre l’émigration algérienne vers la France, dès le 20 septembre. Salah se souvient : « Boumédienne a dit clairement que les Algériens devaient rester chez eux même s’ils mangeaient de la pierre ». Une histoire de sécurité tout autant que de dignité et de symbole. L’ambassadeur d’Algérie en France dénonce la complaisance de Gaston Defferre, alors maire de Marseille (et ensuite ministre de l’Intérieur de François Mittrerrand), et la passivité de la police. L’interruption de l’immigration de travail a su calmer cette fièvre raciste qui avait envahi le sud de la France. Mais le 14 décembre 1973, un attentat au consulat d’Algérie de Marseille fait quatre morts et vingt blessés. Il est revendiqué par le groupe Charles Martel dont les liens avec l’extrême droite et des anciens membres de l’OAS ne faisaient aucun doute. 3000 personnes, selon l’INA, mais dix fois plus se souvient Salah, se réunissent pour manifester leur indignation : « Je me souviens, j’avais dans la main un mégaphone, je voyais des gens à l’infini ». Le mutisme des partis de gauche est total. Au 31 décembre, l’ambassadeur d’Algérie en France avait recensé 50 Algériens tués et près de 300 blessés sur la seule année 1973.
Quarante-cinq années sont passées, et selon l’historien Yvan Gastaut, « le racisme semble être un comportement toujours présent dans notre société. Sa flamme […] se rallume dès qu’un problème apparaît ». L’immigration a été la réponse à tous les problèmes d’ordre social, économique et politique. Jusqu’à quand ?
« La nuit des paras » à Metz, un épisode tragique
de la guerre d’Algérie en Lorraine
Trois mois avant le massacre du 17 octobre 1961 à Paris, une « ratonnade » s’est produite en juillet 1961 en Lorraine
Il y a soixante ans
la « nuit des paras » à MetzIl y a 60 ans, dans la nuit du 23 au 24 juillet 1961, des parachutistes se livrèrent à Metz à une violente et meurtrière chasse au faciès à l’encontre des Algériens immigrés. Leur régiment de chasseurs parachutistes, le 1er RCP, après avoir joué un rôle majeur dans les disparitions forcées et les tortures durant la grande répression d’Alger en 1957, avait été rapatrié en Lorraine après sa participation au putsch militaire manqué d’avril 1961. Précédant de quelques mois le massacre d’octobre 1961 à Paris, cette « nuit des paras » resta impunie et elle est encore aujourd’hui très peu connue. Ci-dessous un article récent du Monde et d’autres ressources sur un événement, que l’association Collectif 1961, qui organise une conférence de l’historienne Raphaëlle Branche le samedi 24 juillet 2021 à Metz, travaille à faire connaître.
Les 23 et 24 juillet 2021, l’association Collectif Juillet 1961
rend hommage aux victimes de la nuit du 23 et 24 juillet 1961 à Metz23 juillet 1961 :
60 ans après, le travail de mémoire continueIl y a soixante ans, dans la nuit du 23 juillet au 24 juillet 1961, la ville de Metz a été le théâtre d’un épisode sanglant et pourtant méconnu de la guerre d’Algérie. Pendant toute une nuit et une journée, 400 paras du 1er régiment de chasseurs parachutistes (1er RCP), stationné à Metz, mènent une véritable « chasse à l’homme », depuis la gare SNCF jusqu’au quartier du Pontiffroy, visant les Algériens qui y vivaient en grand nombre. Officiellement, le bilan est de quatre morts et 27 blessés ; les victimes seraient bien plus nombreuses selon les multiples témoins de l’époque.
À l’origine de cette expédition punitive du 1er RCP, une rixe intervenue dans la soirée du 23 juillet au dancing le Trianon, à Montigny-lès-Metz, qui a opposé une quinzaine de paras à des clients algériens ; quatre personnes sont tuées. Outre les nombreuses victimes, un marchand ambulant est molesté et jeté dans la Moselle, au pont Saint-Georges.
Le Collectif Juillet 1961 rendra hommage les 23 et 24 juillet prochain à la mémoire des victimes de cette nuit meurtrière, appelée « nuit des paras », à Metz :
Le vendredi 23 juillet :
17h30 dépôt d’une gerbe à Montigny-lès-Metz, devant l’ancien dancing Le Trianon, 39 rue de Pont-à-Mousson.
Début d’une déambulation artistique avec lectures de dialogues de Didier Doumergue donnant la parole à des acteurs de ces évènements tragiques.
Première lecture, devant l’ex-Trianon ; Deuxième lecture, sur le parvis de la gare de Metz ; Troisième lecture, sur le Pont-Saint-Georges.19h dépôt d’une gerbe et dévoilement d’une plaque commémorative au pont Saint-Georges.
Le samedi 24 juillet :
18h - Salle Capitulaire des Récollets :
Rencontre et dialogue avec Raphaëlle Branche, historienne, autour de son livre Papa qu’as-tu fait en Algérie ?Le dimanche 23 juillet 1961, des centaines de militaires favorables à l’Algérie française déferlent dans la ville lorraine en ciblant les travailleurs algériens. Des documents inédits aident à retracer le scénario de ces violences oubliées.
L’affaire remonte à l’été 1961, à Metz. A l’époque, Tahar Hocine habitait le quartier de Pontiffroy, « la médina » messine comme le désignaient certains habitants. Agé de 36 ans, il tenait un restaurant, La Ville d’Alger, au 39, rue du Pontiffroy, et louait des chambres à des compatriotes. Environ deux mille Algériens vivaient alors dans le secteur, un dédale miséreux composé de vieilles bâtisses, le plus souvent sans eau ni électricité.
Jusqu’à la démolition du quartier, à partir de 1968, cette main-d’œuvre venue en nombre après la seconde guerre mondiale occupait des chambres sans confort, de minuscules garnis, meublés de trois fois rien : un lit, une chaise, avec les toilettes et le lavabo sur le palier. Ces travailleurs sous-payés étaient employés comme manœuvre dans les usines de la région.
Le dimanche soir 23 juillet 1961, ils sont une dizaine – peut-être un peu plus, M. Hocine ne se souvient plus très bien – qui profitent de cette fin de journée estivale à La Ville d’Alger. Vers 23 heures, l’un des employés revient du cinéma Le Palace, apeuré. « Il avait vu les paras qui cassaient tout, poursuivaient les Arabes et se dirigeaient vers le quartier », raconte l’ancien restaurateur, aujourd’hui âgé de 86 ans.
A ce moment, il ne le sait pas encore, mais une nuit de terreur vient de commencer à Metz. Des militaires français, des « paras » basés à Metz, déferlent par centaines sur la ville et se déchaînent sur la population algérienne. Cette flambée de violence a pour prétexte une vengeance née d’une bagarre meurtrière : mais elle a pour arrière-fond la rancœur ramenée d’Algérie par des hommes frustrés d’une victoire qu’ils croyaient acquise, et d’une cause perdue – celle de l’Algérie française.
SOURCE : https://histoirecoloniale.net/Il-y-a-soixante-ans-la-nuit-des-paras-a-Metz.html
La Nuit des paras à Metz :
enquête sur une ratonnade
Metz a vécu des heures sanglantes, les 23 et 24 juillet 1961 : après une rixe qui a mal tourné, 300 parachutistes du 1er RCP mettent les quartiers arabes à sac. Un webdocumentaire retrace ces événements tragiques et occultés.
Quatre morts et 27 blessés selon les sources officielles, cinquante blessés et un nombre de morts bien supérieur, selon de nombreux témoignages : quelle que soit la vérité, l’expédition punitive, la ratonnade menée dans la nuit du 23 juillet puis le 24 juillet 1961, à Metz, par quelque trois cents parachutistes est un épisode dramatique de notre histoire récente. Un épisode pourtant largement méconnu qu’un webdocumentaire, La Nuit des paras, propose désormais de découvrir.
Eté 1961 : la fin de la guerre d’Algérie est proche. Alors que l’épilogue semble écrit et l’indépendance inévitable, les antagonismes s’accusent. En Lorraine, ils « sont particulièrement vifs », explique Laura Tared, enseignante, historienne et coauteur, avec Jean-Baptiste Allemand, diplômé en webjournalisme de l’université de Metz, de La Nuit des paras. Si les tensions y sont exacerbées, c’est d’abord parce que la Lorraine est une terre d’accueil pour les populations algériennes.
C’est aussi parce que des liens anciens et profonds existent entre Lorrains et populations européennes d’Algérie, dont une partie s’est installée de l’autre côté de la Méditerranée après la perte de l’Alsace-Moselle, en 1871. Pour ceux qui sont restés, ces colons symbolisent le refus de l’annexion. Des cousins exilés dont on se sent naturellement solidaires.
Coups de feu
« S’ajoute à cela, l’installation récente en ville d’un régiment de paras, jusqu’alors basé à Philippeville (actuelle Skikda, NDLR) », raconte Laura Tared, auteure d’une thèse de doctorat sur la guerre d’Algérie en Lorraine. Ces 2 500 soldats appartiennent au 1 er régiment de chasseurs parachutistes (1 er RCP). Trois mois plus tôt, ils ont pris une part active au putsch des généraux, à Alger. Saqués, ils ont été renvoyés en métropole. Beaucoup sont amers et veulent en découdre. Un comble : ils atterrissent à Metz, ville-garnison qui compte une très forte communauté maghrébine. Ce mélange instable n’attend dès lors qu’une étincelle pour exploser.
Celle-ci survient dans la soirée du 23 juillet, au dancing Le Trianon, rue de Pont-à-Mousson, à Montigny-lès-Metz. Les témoignages divergent sur l’origine de la rixe qui oppose une quinzaine de paras et des clients maghrébins. « Les premiers auraient cherché querelle à un client, ne supportant pas qu’il danse avec une " blanche "», rapporte l’historienne messine.
Mal leur en a pris. Ce dernier, probablement militant FLN, est armé. Il fait feu et s’enfuit. Selon les sources, il y aurait eu entre deux et une quarantaine de coups de feu. Ce qui est certain, c’est que deux hommes tombent : le barman et l’un des paras, abattu devant le temple protestant alors qu’il poursuit le tireur. La fureur gagne les militaires. Un sous-officier monte sur une table et sonne l’hallali. Ils sont d’abord quelques dizaines, puis 300 « lâchés » sur la ville à la recherche de « tout ce qui est bronzé ».
Un attentat ?
Les violences, dans le quartier de la gare d’abord, puis au Pontiffroy, vont durer une bonne partie de la nuit. Elles se poursuivront le lendemain, de façon sporadique. Les victimes sont traquées jusque dans les entrées d’immeubles pour être tabassées. Un marchand ambulant est molesté et jeté à la Moselle au pont Saint-Georges. À la gare, un Italien qui débarque en Lorraine est roué de coups. Sa seule faute : avoir le teint un peu trop mat… Les dégâts matériels sont également importants. Rétrospectivement, on pense aux violences survenues à Paris, le 17 octobre de la même année.
Finalement, les autorités civiles et la police militaire ramèneront le calme au bout de trente-six heures en faisant boucler le quartier maghrébin « pour le protéger ».
11 000 arrestations
L’enquête qui suit est de très grande ampleur : « Près de 11 000 arrestations à Metz mais aussi dans les vallées de l’Orne, de la Fensch et en Moselle-Est. Le but était de porter un coup fatal au FLN… »
Les résultats sont au rendez-vous avec, notamment, l’arrestation, en août, de trois militants algériens, auteurs présumés de ce qui est, entre-temps, devenu « l’attentat du Trianon ».
Les chasseurs parachutistes, eux, seront simplement consignés au quartier pendant quarante-huit heures.
« Paix en Palestine : des marches partout en France ce 2 décembre pour un cessez-le-feu permanent Communiqué de l’AFPS : Et les droits du peuple palestinien ? »
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Commentaires
2fifiMardi 28 Novembre 2023 à 09:28Je me demande aussi pourquoi les buralistes devraient vendre des cartouches de fusil de chasse, là aussi il y a un problème.
Plus que l'étymologie du mot "ratonnade" c'est la rétrospective de tous ces actes racistes qui est intéressante. Les ratonnades ont pris naissance à l'époque de la guerre d'Algérie qui avait pour but de perpétuer le colonialisme. Pas guéris de ce qui les a portées sur le fonts baptismaux les tenants de l'extrême droite reprennent ces agissements répréhensibles que favorise l'approfondissement de la crise socio-économique que nous subissons.
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Très intéressante rétrospective de ces actes odieux !