• Intégrations sans histoires à Joigny (Bourgogne)

    Intégrations sans histoires

    à Joigny

    Trois familles syriennes se sont installées en février dernier dans la petite ville de Joigny, dans l’Yonne. Un exemple d’intégration simple et réussie, que Mediapart est allé constater sur place. Les maires volontaires réunis à Paris ce samedi par le ministre de l’intérieur pourront s’inspirer de cet exemple.

    De notre envoyé spécial en Bourgogne.- « Où qu’ils vont les mettre les immigrants ? » La question agite le bourg de Joigny. Dans la rue Charles-de-Gaulle, non loin de la gare SNCF de cette petite ville de 10 000 habitants, les passants s’interpellent et s’alarment même un peu. La raison : la veille au soir, sur « la 2 », un reportage présentait Joigny comme une ville d’accueil de réfugiés. « Des Syriens sur les rives de l’Yonne ? », s’interrogeaient les journalistes du service public.

     

    Joigny, ville de 10 000 habitants, sur les rives de l'Yonne.Joigny, ville de 10 000 habitants, sur les rives de l'Yonne. © JS

    Une grande majorité de Joviniens ont appris à ce moment-là que trois familles syriennes s’étaient installées il y a six mois dans leur ville au bord du fleuve. Ces personnes sont arrivées dans des conditions un peu spéciales. Pour elles, pas de train en Autriche ou de traversée de la Méditerranée sur des canots pour atteindre les îles grecques. Sélectionnés par le Haut-Commissariat aux réfugiés dans un camp en Jordanie, qui en compte plusieurs millions, « castés » par l’Office de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), transportés en avion, ces demandeurs d’asile sont un peu les « VIP » de l’aide internationale. Ils avaient le statut de réfugiés avant même d’arriver en France et les formalités d’examen de dossier ont été considérablement facilitées par les services compétents. De tels égards sont dus au fait qu’ils faisaient partie d’un contingent de 500 personnes que la France s’était engagée à accueillir auprès des Nations unies.

    Parmi ces 500 personnes, trente-neuf ont été réparties dans le département de l’Yonne et c’est ainsi que dans la nuit du 9 février, en toute discrétion, les trois familles sont arrivées à Joigny. « Je m’étais porté volontaire pour les accueillir auprès d’un préfet hors cadre qui gère ce dossier », s’enorgueillit aujourd’hui Bernard Moraine, maire (DVG) de Joigny.

    Pourtant, en février, bien avant la photo qui aura ému l’Europe tout entière et l’élan de solidarité qui l’a suivie, la municipalité se garde bien de communiquer sur l’accueil de ces familles. Surtout qu’au fond, la mairie n’a pas grand-chose à faire. Le dispositif est national. Coallia (ex-Aftam) est à la manœuvre, il s’agit d’une association présente partout dans l’Hexagone, propriétaire de nombreux centres d’hébergement et gestionnaire de la plupart des centres d’accueil des demandeurs d’asile (Cada). La responsable départementale de cet opérateur social, Marie-Christine Plaze, confirme que « l’opération a été pilotée avec la préfecture, les familles ont été réparties dans les villes du coin, comme Auxerre, Saint-Clément ou encore Cheny. Certaines familles ont eu un logement social tout de suite. Il a été loué au nom de Coallia ».

    C’est à ce moment que la mairie de Joigny a joué un rôle de facilitateur. Puisqu’elle dispose d’un bailleur social, elle a mis à la disposition de l’opérateur social et de l’État deux appartements inoccupés. « Des appartements grands, dans un quartier peu demandé, nous n’avons rien pris à personne », croit bon de préciser Nicolas Soret, premier adjoint au maire.

    L’installation se passe bien et les familles sont même aidées par leurs voisins. « Avec mes parents, nous leur avons donné des vêtements parce qu’ils en manquaient », se souvient Hiba, voisine de palier d’une famille de réfugiés syriens de quatre enfants. Dans son HLM à l’entrée de la ville, cette famille se fait discrète. Presque invisible. Vendredi matin, les parents sont au cours de français, obligatoire, et les enfants à l’école, obligatoire évidemment.

    « J’ai été très surpris de l’accueil que j’ai reçu ici, je trouve tout le monde souriant : rien à voir avec la Jordanie », témoigne Mohammed Alhaj-Ali, syrien, arrivé lui aussi le 9 février à Joigny. Avec sa femme, Besma, ils souffraient de vivre dans un camp de réfugiés, où leurs ressources diminuaient constamment parce qu’ils devaient payer leur logement. « Je suis originaire d’une petite ville en Syrie, à côté de Deraa », raconte Mohammed Alhaj-Ali. « Mon village n’existe plus. Il a été rasé par les bombes du gouvernement et ce qui tient encore debout est occupé par l’armée de Bachar al-Assad. »

    Mohammed Alhaj-Ali, réfugié syrien vivant à Joigny.Mohammed Alhaj-Ali, réfugié syrien vivant à Joigny. © JS

    Les parents de Mohammed sont encore dans le camp, en Jordanie. Ceux de sa femme sont à Damas, en Syrie, ils ne peuvent quitter le pays. Lorsqu’il aura trouvé un travail et se sera complètement intégré dans la société française, Mohammed aimerait bien les faire venir.

    Pour l’instant, le couple doit se contenter du RSA. En tant que réfugiés, ils vivent des minimas sociaux, bénéficiant des mêmes droits que les « nationaux », dans le jargon administratif. Ancien fonctionnaire dans un service technique de gestion de l’eau, Mohammed affirme avoir de nombreuses compétences pour monter une petite entreprise ou être salarié dans la plomberie, l’électricité… La seule chose qui le retient pour l’instant, c'est son très petit niveau de français, qui ne lui permet pas de communiquer correctement. Ses propos sont traduits pour nous par Abdellaïh, réfugié mauritanien, rencontré au Cada de Joigny. Un immeuble, leur logis provisoire, que Mohammed Alhaj-Ali et son épouse Besma vont bientôt quitter pour un logement social, eux aussi.

    « 90 % des personnes obtenant le statut de réfugié dans l’Yonne y trouvent un logement », explique Marie-Christine Plaze, responsable départementale de Coallia. « Ils veulent s’intégrer et surtout misent tout sur l’éducation de leurs enfants. C’est bien souvent pour les préserver qu’ils ont fait un tel voyage dans des conditions aussi difficiles. »

    Six mois après leur arrivée à Joigny, les trois familles de Syriens sont encore suivies par Coallia, qui vérifie la scolarisation des enfants et le suivi des cours de français des parents. Ils sont toutefois complètement autonomes. Bientôt, ils seront intégrés et quitteront peut-être leur logement social pour le parc locatif privé. L’administration se consacrera aux nouveaux arrivants : 85 Syriens doivent arriver dans l’Yonne dans les prochaines semaines. Il s’agit de demandeurs d’asile de la région parisienne, sans logement. Qui ne font pas partie des 24 000 personnes que la France doit accueillir en deux ans, comme elle s’y est engagée auprès de l’Union européenne.

    Pas plus que précédemment, l’arrivée de ces réfugiés ne coûtera un euro aux communes qui leur fourniront un logement social par exemple. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur, s’est engagé à financer à hauteur de 1 000 euros toute place d’accueil créée pour un réfugié. Il en a pris l’engagement en s’adressant aux 600 maires volontaires pour accueillir des personnes fuyant la guerre dans leur pays, regroupés à Paris ce samedi 12 septembre.

    « Les immigrants, ils ont qu’à les mettre dans l’ancien centre EDF… » Les habitants de Joigny peuvent se tranquilliser. Les réfugiés ne prendront pas la place des services publics qui ont quitté la ville ces dernières années. Mediapart a déjà raconté comment le départ des centres de maintenance EDF, des 400 militaires du groupement géographique, d’une maternité, avaient fait de la ville une « martyre de la Révision générale des politiques publiques ».

    « Il n’y a pas de sujet, nous n’allons pas mettre de réfugiés dans les locaux de l’armée », balaie Nicolas Soret. Qui réfute d’ailleurs toute nouvelle arrivée massive. « Je pense qu’avec 12 personnes accueillies, pour notre ville de 10 000 habitants, c’est le bon étiage. Si toutes les villes de notre taille le faisaient, cela permettrait déjà d’absorber beaucoup de réfugiés. »

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