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Le caricaturiste Cabu est décédé, à l’âge de 75 ans, dans l'attaque terroriste du 7 janvier 2015 « Mon antimilitarisme, je le tiens de la guerre d’Algérie »
Quand le soldat Cabu croquait l’Algérie en guerre
Le Maghreb des livres expose à l’Hôtel de ville de Paris des dessins peu connus du caricaturiste assassiné en 2015.
Mort le 7 janvier 2015 dans l’attentat contre Charlie Hebdo, Cabu connaissait bien le pays d’origine de ceux qui l’ont tué : l’Algérie. L’exposition « Cabu croque Constantine », présentée par le festival Le Maghreb des livres du vendredi 13 au dimanche 15 mai à l’Hôtel de ville de Paris, n’évoque nullement cette coïncidence plus dramatique qu’ironique, mais se penche sur le long séjour (vingt-sept mois) que le dessinateur passa, dans le cadre de son service militaire, dans ce qui était alors un département français, en pleine guerre. Peu connu, l’épisode s’est avéré décisif dans la conscientisation politique de Cabu. Mobilisé à l’âge de 20 ans sans opinion affirmée sur l’armée, il deviendra sur place un antimilitariste acharné, caractère qui ne le quittera jamais par la suite et nourrira abondamment son œuvre.
De son vrai Jean Cabut, le jeune homme travaille déjà pour plusieurs journaux (L’Union, Ici Paris, Paris-Match) quand il est appelé pour servir son pays, en septembre 1958. La guerre a commencé depuis quatre ans. Entre 1956 et 1962, plus d’un million et demi de jeunes Français seront envoyés en Algérie ; 25 000 n’en reviendront jamais. Parti de son fief de Châlons-sur-Marne (aujourd’hui Châlons-en-Champagne), le soldat Cabut fera d’abord ses classes dans un régiment semi-disciplinaire de zouaves, avant d’être affecté au fort Clauzel, près de Bougie (aujourd’hui Béjaïa), puis d’être intégré au 137e régiment d’infanterie de Constantine. Il finira sa « carrière » militaire dans cette même ville en rejoignant le service cartographique du « 5e bureau d’action psychologique » au retour d’une permission salvatrice.
7 ans plus tard hommage à tous les assassinés
de Charly Hebdo (en chanson)
Cabu, côté intime dans sa biographie
La biographie de Cabu est signée de son copain Jean-Luc Porquet, journaliste au « Canard enchaîné ». LP/Frédéric Dugit
Une biographie raconte le parcours du dessinateur, mort en 2015 lors de l’attentat contre « Charlie Hebdo ».
Du « Grand duduche » à « Charlie », en passant par le « Beauf » et Récré A2, on croyait tout connaître de Cabu, né Jean Cabut, en plein hiver 1938, et mort assassiné à Paris à quelques jours de son 77e anniversaire lors de l’attentat du 7 janvier 2015. Un pavé de 384 pages, une biographie truffée de dessins et de documents inédits, vient nous prouver le contraire. Signé de son copain Jean-Luc Porquet, journaliste au Canard enchaîné, il invite, avec pudeur, à pénétrer l’intimité de cet « homme exceptionnel », parfois dissimulé derrière l’inlassable, voire insatiable, dessinateur.
Le plus surprenant, sans doute, se cache dans les premiers chapitres, ceux sur la jeunesse de Cabu, jusqu’à son retour d’Algérie. Car oui, c’est bien lui, ce beau gosse sur les photos, regard profond, raie sur le côté et sourire enjôleur à 19 ans. Il n’a pas encore chaussé les lunettes rondes ni opté pour sa célèbre coupe au bol. Il est déjà un surdoué du dessin : à 11 ans, il a choisi sa voie, à 13 il signe une incroyable fresque de 3,4 m de long, l’un des inédits du livre, sur la vie à Châlons-en-Champagne, à 15, il réalise ses premiers dessins dans « L’Union », le journal local, sous le pseudo «K-Bu». Mais il n’est pas encore en révolte : « C’était une petite vedette locale et un vrai tombeur. Il courait les bals et faisait les 400 coups. Il n’était pas du tout politisé », raconte Jean-Luc Porquet.
L’Algérie comme déclencheur
Pour le jeune homme insouciant, tout va basculer en mars 1958. Appelé du contingent, il part pour l’Algérie. Il y restera 27 mois comme bidasse dans un bataillon semi-disciplinaire. « Je ne reviendrais pas », dit-il à sa sœur en quittant la France. Il se trompait. Mais au retour, ce n’est plus le même. « Il a vécu des mois d’enfer. Il a découvert la bêtise, l’embrigadement, la peur. Il a vu des choses terribles, comme ces cadavres que l’on ramassait au petit matin. Il a entendu les cris des torturés. Il est revenu avec des convictions et un profond antimilitarisme. D’ailleurs, c’est un sujet dont il parlait peu. Il n’a jamais voulu raconter sa guerre, même en dessin… »
Dès lors, Cabu était né. Son don du dessin, il s’en servira pour dénoncer, de « Hara-Kiri » à «Charlie Hebdo» en passant par « Le Canard enchaîné », les militaires, les curés, les politiques, les autorités de toutes sortes et la connerie. Mais pas en aigri. Jamais. « Vous pouvez demander à n’importe qui et je l’ai fait : le mot qui revient tout le temps c’est gentillesse. Et drôle, témoigne Jean-Luc Porquet. Comme il le disait lui-même, il a toujours choisi d’être du côté ensoleillé de la vie.»
« Cabu, une vie de dessinateur », de Jean-Luc Porquet, Ed. Gallimard, 384 pages, 39€.
Cabu, scénariste et l'un des dessinateurs des hebdomadaires satiriques «Le Canard Enchainé» et «Charlie Hebdo», pose pour le photographe, le 15 mars 2006 dans son appartement. - JOEL SAGET/AFP
Le caricaturiste Cabu est décédé, à l’âge de 75 ans, dans l'attaque
terroriste du 7 janvier 2015… « Mon antimilitarisme, je le tiens
de la guerre d’Algérie »
Attaque de «Charlie Hebdo»: Cabu, le créateur du Grand Duduche, a été assassiné
Le papa du Grand Duduche est mort. «Parfois le rire s’étrangle, mais c’est notre seule arme, l’humour», confiait le directeur artistique de Charlie Hebdo, Cabu, dans une interview accordée à nos confrères de Ouest France le 27 décembre 2014. Le caricaturiste et auteur de bande dessinée, Jean Cabut alias Cabu, 75 ans, est décédé dans la fusillade qui a touché le journal satirique, a confirmé l'avocat de l'hebdomadaire à France Info et selon nos sources policières.
Cabu, l'anar antimilitariste
Cabu, diplômé de l’Ecole Estienne, a fait ses débuts dans les années 1950 dans l’Union de Reims. Il fait son service militaire pendant la guerre d’Algérie. «Mon antimilitarisme, je le tiens de la guerre d’Algérie. Malheureusement, je suis parti en Algérie en 1958, et l’adjudant Kronenbourg que je dessine parfois, je l’ai vraiment connu», expliquera-t-il à nos confrères de Ouest France. Un antimilitarisme et un côté anar qui lui valent de nombreux procès au cours de sa carrière: «En France, il y a toujours eu deux tabous, la religion et l’armée. Pour l’armée, ça s’est un peu tassé depuis que la conscription a été supprimée. En revanche, ça ne s’est pas calmé avec les religions. Autrefois, il n’y avait que les catholiques qui nous emmerdaient, désormais ce sont les trois religions monothéistes», analysait-il à Paris Match.
Démobilisé en 1960, il participe à différents journaux, dont l’éphémère Enragé. Il entre ensuite à Hara-Kiri, le journal «bête et méchant», créé par François Cavanna et Bernier (le professeur Choron). Il travaille également pour Pilote dans lequel il crée son personnage fétiche Le Grand Duduche, «un lycéen qui était du bon côté» et son négatif, le Beauf: «c’est le Français moyen, râleur qui a tous les défauts, qui n’a pas vraiment une réflexion personnelle, qui répète ce qu’il entend à la télé ou au bistrot», évoque l'artiste dans un entretien accordé au Petit journal.
Le dessinateur de «Récré A2»
Après l’interdiction de Hara-Kiri en 1970, il travaille pour Charlie-Hebdo et Le Canard Enchaîné. Dans les années 1970 et 1980, il publie de nombreux albums.
En 1982, Cabu intègre l’émission télévisée Récré A2 sur Antenne 2 où il dessine des planches en direct. «On s'étonnait de ma présence chez Dorothée. Mais pour un dessinateur, c'est le public idéal. Tous les enfants dessinent jusqu'à 12 ans. Dorothée, c'était comme leur grande sœur. Elle avait beaucoup d'humour», expliquera-t-il au JDD. Il illustrera de nombreuses pochettes de la chanteuse Dorothée. Il participe également à l’émission culte Droit de réponse aux côtés de Michel Polac.
«Cabu, politiquement incorrect!»
La Ville de Paris lui rend hommage en 2006 avec l’exposition Cabu et Paris. Jérôme Lambert et Philippe Picard lui consacrent la même année un documentaire Cabu, politiquement incorrect! La médiathèque Georges-Pompidou de Châlons-en-Champagne, sa ville natale, lui consacre pour la première fois une rétrospective. Au sujet de l'affaire des caricatures, il dira à Paris Match: «On a des procès. Mais quand on attaque les autres, il faut accepter d’être attaqué. Ce qu’on n’accepte pas, c’est des fatwas, des menaces de mort ou qu’on envoie deux cocktails Molotov dans la rédaction de Charlie.»
En 2010, il perd son fils, le chanteur Mano Solo. Ces dernières années, il était devenu le directeur artistique de Charlie Hebdo et intervenait régulièrement dans les colonnes du Canard enchaîné. De l'année 2014, il avait retenu «le Djihad et la progression du Front national». Il avait caricaturé les deux. «Il faudrait retourner la bêtise contre elle-même, mais comment?», s'interrogeait-il.
Ecoutons Cabu une dernière fois
Alors que la France rend hommage aux victimes des attentats de 2015, et notamment celles de Charlie Hebdo, le choix de Johnny pour chanter ce dimanche matin place de la République a fait débat. Siné, dessinateur du journal satirique, assure que Charb détestait le rockeur. Moins virulent, Cabu, en 1993 sur France 2, dans l'émission Les 4 Vérités : "Depuis que je suis né, il me casse les oreilles", dit le dessinateur à propos de Johnny. "Il aura gâché ma vie".
Merci d'arrêter la vidéo après le sujet concerné
d'autres vidéos sans rapport suivent
Les 4 vérités : Jean Cabu, caricaturiste par ina
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Commentaires
Eh oui l'absurdité de l'institution militaire était incommensurable. Elle correspondait à l'absurdité de la situation politique dans laquelle nous étions immergé : faire la guerre, sans le dire, pour perpétuer un système social caduc, le colonialisme. Conflit sans espoir qui s'accompagnait de son cortège de souffrances inutiles mais combien cruelles !
Je n'ai pas connu d'adjudant Kronenbourg. J'ai par contre vécu cette atmosphère surréaliste dans laquelle nous étions immergés : une guerre anachronique qui n'offrait aucune perspective autre que l'indépendance de l'Algérie. C'était le résultat d'une politique imbécile qui favorisait les dérives auxquelles nous assistions.
Je n'ai pas les talents de dessinateur de Cabult. J'imagine que l'imbécilité que générait le contexte qui était celui qui existait l'aurait inspiré. J'ai tenté de traduire l'aspect souvent ubuesque dont j'ai été témoin au cours des 26 mois passés à faire flotter notre drapeau national aux confins du Sahara dans le récit que j'en ai fait. Un récit au titre révélateur "Souvenirs de la mascarade".