• Alexis Sempé. Historien : «J’espère voir un jour une rue Gaston Revel à Béjaïa»

     

    Alexis Sempé. Historien : «J’espère voir

    un jour une rue Gaston Revel à Béjaïa»

    Alexis Sempé. Historien : «J’espère voir   un jour une rue Gaston Revel à Béjaïa»

    En tant qu’instituteur, Gaston Revel semblait être conscient que, tout en œuvrant à l’alphabétisation des enfants algériens, il contribuait au mythe de la «mission civilisatrice» de la colonisation française. Comment a-t-il géré ce paradoxe surtout par rapport à la question de l’«assimilation» ?

    Je pense qu’il faut distinguer deux périodes dans son parcours. Quand il part en Algérie en 1936, il est proche de la SFIO (Section française de l’internationale ouvrière, ndlr) et il est imprégné de l’idée coloniale dominante en France. Il veut participer à l’assimilation des «indigènes», c’est-à-dire aboutir progressivement à une forme d’égalité grâce à l’adoption des valeurs de la métropole.

    Au départ, il reconnaît d’ailleurs qu’il ne connaît pas grand-chose à l’Algérie. Après 1945, il adhère au Parti communiste algérien (PCA) et à ce moment-là, il a tout à fait conscience du caractère ambivalent de l’école française en Algérie.

    De par son enseignement, il sait qu’il participe à une forme de dépersonnalisation par rapport à la culture arabe et berbère. Mais il se fait aussi éveilleur d’esprit et contribue ainsi à l’éveil du sentiment national et de révolte face aux inégalités. Il est difficile de savoir exactement ce qui se passait dans sa classe mais, dans tous les cas, il était très apprécié de ses élèves.

    Le parcours et la riche documentation laissée par Revel sont considérés comme un «témoignage de terrain». Quelle est sa valeur pour la recherche historiographique, notamment autour du mouvement national algérien et la Guerre d’Algérie ? 

    La documentation est en effet importante et peut permettre d’aborder de nombreux sujets. L’intérêt des archives de Gaston Revel est de proposer une histoire par le bas. L’approche biographique permet de mieux comprendre l’histoire collective.

    Son parcours montre concrètement ce qu’était la société coloniale dans la vie quotidienne ; par exemple, la question du chômage croissant chez les Algériens à la veille de la guerre d’Algérie et le manque de moyens pour la scolarisation sont largement évoqués. Ce travail aborde aussi les relations qui existaient, à Bougie (Béjaïa), entre le PCA, le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) et l’Union démocratique du manifeste algérien (UDMA), de 1945 à 1955.

    On y découvre des relations nombreuses qui peuvent mener à des actions communes par exemple pour dénoncer les arrestations de militants, mais aussi les difficultés, voire les tensions qui existent entre nationalistes et communistes et qui freinent le mouvement national. Enfin, je pense que cela permet de mieux comprendre la particularité de l’engagement communiste en Algérie, son évolution vers une revendication d’indépendance et peut-être donc de réévaluer le rôle des communistes algériens.

    Certes, le PCA est un parti modeste, mais les communistes comme Revel jouèrent un rôle important dans la dénonciation du colonialisme, notamment à travers le syndicalisme à la CGT et un journal comme Alger républicain. Ces remarques sont en partie confirmées par les récents travaux d’Alain Ruscio qui a écrit Les communistes et l’Algérie (La Découverte, 2019).

    Avez-vous pensé à diffuser ce film et votre livre en Algérie, ou même faire une exposition des magnifiques photos prises par Revel qui était un grand amateur de la photographie ? 

    Nous aurions aimé que ce film documentaire passe à la télévision mais malheureusement nous n’avons pas trouvé de diffuseur même ici en France. Pierre Mathiote a finalement proposé de le mettre en libre accès sur YouTube.

    Au passage, sa chaîne comporte des documentaires de grande qualité. Après, je sais que des Algériens ont regardé le documentaire en ligne, y compris des anciens élèves de Revel ! Peut-être y aura-t-il au moins une séance de cinéma à Béjaïa quand la situation sanitaire le permettra ?

    Surtout, j’espère voir un jour une rue Gaston Revel à Béjaïa ! Quant au livre, il va ressortir très bientôt et mon éditeur travaille actuellement pour qu’il soit diffusé dans des librairies en Algérie. J’en suis très heureux ! L’idée d’une exposition est aussi intéressante.

    Des photographies de Revel étaient d’ailleurs présentes dans l’exposition Made in Algeria au Mucem (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, ndlr) de Marseille en 2016. J’ai également un projet de bande dessinée avec deux amis.

     

     SOURCE : https://www.elwatan.com/pages-hebdo/france-actu/alexis-sempe-historien-jespere-voir-un-jour-une-rue-gaston-revel-a-bejaia-04-05-2021

     

    Si vous voulez en savoir plus concernant Gaston Revel instituteur en Algérie je vous rappelle mon premier article en cliquant sur le lien ci-dessous :

    http://www.micheldandelot1.com/gaston-revel-un-instituteur-en-algerie-a207095272

    Michel Dandelot

    Alexis Sempé. Historien : «J’espère voir   un jour une rue Gaston Revel à Béjaïa»

    Classe de Cours préparatoire 1ère année (1954-1955)

     

     

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 5 Mai 2021 à 10:04

    Il me semble en effet que l'Ecole de la République a véhiculé l'idéologie colonialiste qui prétendait que la France apportait la civilisation aux pays où elle faisait défaut. C'était selon ses conceptions précisément le cas en Algérie.

    L'enseignement était considéré comme un instrument d'émancipation décisif pour les peuples. Cela ne concernait pas que ceux des pays colonisés. En métropole aussi il était vecteur de liberté, d'épanouissement, d'ascension dans l'échelle sociale. Le titre de l'organe du Syndicat National des Instituteurs, "L'Ecole libératrice" donnait le ton. Il avait une variante également réformiste mais ancrée dans l'anarcho-syndicalisme, "L'Ecole émancipée".

    Il y a des traces aujourd'hui avec ceux qui idéalisent la laïcité. Si elle a servi de soupape à l'aspiration à s'épanouir elle n'a nullement remplacé la lutte de classe qu'impose notre système social. Elle a endigué l'aspiration aux transformations profondes auxquelles on pouvait aspirer.

    Au temps de la guerre d'Algérie elle n'avait pas su prendre la position résolue qui  pourtant s'imposait et qui a fini par l'emporter après des années de souffrance que l'on aurait pu éviter.

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