• Pendant qu’à Béziers l’extrémiste Ménard faisait une nouvelle fois l’apologie de la « Grande France » au cours d’un discours à l’occasion de la commémoration et en hommage des morts de la guerre coloniale de l’ex-Indochine : « Cette guerre, nous l'avons perdue. Et cette défaite sur le terrain, malgré d'innombrables batailles gagnées, bien que le Vietminh soit sorti laminé de Dien-Bien-Phu, cette défaite annonçait d’autres défaites à venir.
    Car si nous avons perdu en Indochine, c'est parce que nous avons fait la guerre à moitié, parce que nous avons demandé à des milliers d'hommes de mourir quand des millions d’autres s'en moquaient.

    Sept ans plus tard malgré, cette fois, une victoire sur le terrain - entière, écrasante, totale -, malgré cette victoire militaire, l'Algérie était abandonnée et un million d'hommes, de femmes et d'enfants étaient livrés au couteau des égorgeurs ou voués à l'exil.

    Voilà la leçon de l'Indochine. Quand on commence moralement à reculer, quand on renonce à la lutte, alors, on lâche tout, on perd tout.

     

    Pendant qu’à Béziers un nostalgique du colonialisme « crachait sa haine éternelle » un anti colonialiste disparaissait : Maurice Pons. 

    DISPARITION : L'écrivain Maurice Pons est mort

    L’écrivain Maurice Pons, auteur du roman "Les saisons", est décédé dans la nuit de mardi à mercredi à l’âge de 91 ans, dans le moulin normand dans lequel il s’était retiré depuis plus de 50 ans.

    Né en 1925 à Strasbourg, Maurice Pons fait des études de philosophie qu’il finit par abandonner. Il publie sa première nouvelle, "Métrobate" en 1951 puis "La Mort d’Éros" en 1953.

    En 1957, il se retire

     

    Le Moulin d'Andé, en Normandie, un cadre d’exception au service de la création artistique

    Moulin d'Andé (1)

     

    Puis en 1957, Maurice Pons se retire au Moulin d’Andé, situé sur une boucle de la Seine, dans l’Eure. Le bâtiment, qui date du XIIè siècle, est la propriété de Suzanne Lipinska, qui en fait un centre dédié à la création artistique (théâtre, littérature, cinéma...).

    La Nouvelle vague s’en entiche. François Truffaut, Louis Malle, Alain Cavalier viennent y écrire certains de leurs scénarios. Le film «"Jules et Jim" est en partie tourné au Moulin d’Andé.
    En 1958, Maurice Pons écrit un roman autobiographique, "Le Cordonnier Aristote".

    Engagé contre la guerre d'Algérie

    En 1960, il publie «Le Passager de la nuit», récit sur la guerre d’Algérie. La même année, il signe le "Manifeste des 121", déclaration signée de 121 intellectuels français pour dénoncer la guerre d’Algérie.

    En 1965 paraît son plus célèbre roman, "Les Saisons" (Christian Bourgois), qui raconte l’arrivée d’un écrivain dans un village de montagne, battu par la pluie et le vent, et où ne poussent que des lentilles.

    "Ma vie se confond avec mes livres"

    "J’ai beaucoup de mal à parler de ma vie et de mes livres. Parce que ma vie se confond avec mes livres et que dans mes livres - quand je parle de moi - je confonds résolument ce que j’ai vécu et ce que j’ai rêvé et imaginé", écrivait Maurice Pons.

     SOURCE : http//www.dna.fr/actualite/2016/06/08/l-ecrivain-maurice-pons-est-mort

    Le passager de la nuit

    Par Ignacio Ramonet    

    C’est en pleine guerre d’Algérie, en 1960, que parut ce court roman de Maurice Pons, dans une atmosphère de crise et de déchirements, de passions politiques déchaînées, et de censure. Des films, des livres, des journaux étaient en effet alors interdits parce qu’ils défendaient une évidence : le droit à l’indépendance de l’Algérie. Celui-ci ne le fut pas. Maurice Pons, dans une préface inédite et savoureuse, raconte comment son éditeur, René Julliard, pour contourner la censure, lui suggéra de mettre, sous le titre de son récit, «  l’appellation contrôlée de roman  ». Au pays de Victor Hugo, on ne saisit pas les romans.

    Relire aujourd’hui le Passager de la nuit , c’est retrouver soudain, intacte, la ferveur d’une époque, une atmosphère de complicité, de militantisme, de réseau ; la raison d’un combat. Mais c’est, surtout, retrouver un style ; celui, unique, de Maurice Pons : dépouillé, agile, précis, et, comme on disait alors, engagé. Un bonheur d’écriture, une grâce, inégalés, qui font regretter à la secte de ses lecteurs fanatiques que cet auteur laconique n’écrive pas davantage. Pour leur plus grand plaisir.

    Ignacio Ramonet

    Du Monde Diplomatique 

      

    Maurice Pons, signataire

     du "Manifeste des 121"

    « Je ne me prends pas pour Victor Hugo. Mes livres, c’est juste un petit combat pour des choses auxquelles je crois et pour les gens que j’aime. » Maurice Pons. 

    Maurice PONS est né à Strasbourg en 1927. Il entreprend des études de philosophie qu’il abandonne rapidement. Diplômé d’Études supérieurs à la Sorbonne, comédien amateur, il devient journaliste et éditeur d’occasion. Il collabore à la revue Arts tout en travaillant chez Del Duca puis abandonne la vie parisienne et se retire, en 1957, au Moulin d’Andé dans l’Eure : « Le Moulin d’Andé est mon lieu de vie, de travail, de repos. C’est là que j’ai écrit tous mes livres. » (cf. Texte de Maurice Pons sur le Moulin d’Andé)

    Le 6 septembre 1960, il signe la Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie et subit comme la plupart des signataires maintes censures et interdictions. Il publie, la même année, Le Passager de la nuit chez René Julliard. Le livre circule sous le manteau, notamment à Fresnes et à la Santé.

    Maurice Pons a eu le Prix Henry de Régnier pour l’ensemble d’une œuvre en 1999. 

    Résumé : Quand a paru ce Passager de la nuit, la sale guerre d'Algérie battait son plein et commençait à gangréner la France entière. C'était après Palestro, après Charonne, et nous étions peu nombreux alors- à peine plus de 121!- à oser soutenir sur le territoire français le Front de Libération National de l'Algérie. A cette époque, notre général-président et ses ministres s'égosillaient encore :"Algérie française! Algérie française!" Les quelques pamphlets courageux... 


    votre commentaire
  • Perpignan, 7 juin 2016 : interdiction de célébration du terrorisme (Jean-François Gavoury nous informe) Merci !

    Perpignan, 7 juin 2016 : interdiction

    de célébration du terrorisme

     

    7 juin 2016.

    Sur son site Internet, la préfecture des Pyrénées-Orientales a publié hier le communiqué dont la teneur suit :

     

    7 juin : interdiction rassemblement aux abords du cimetière Haut-Vernet à Perpignan

    Article créé le 06/06/2016

    Toute manifestation et tout rassemblement à caractère revendicatif aux abords du cimetière du Haut Vernet ont été interdits pour la journée du 7 juin 2016, par arrêté préfectoral.

    Cette mesure a été prise par le préfet des Pyrénées Orientales afin de préserver la tranquillité et la sécurité publiques, qui s'imposent aux abords d'un cimetière, dans l'éventualité de la tenue d'une cérémonie devant la stèle portant l'inscription « Aux fusillés et combattants tombés pour que vive l'Algérie française », située dans ce cimetière, considérant les appels à manifester susceptibles d'être lancés par des associations et organisations syndicales hostiles à ce rassemblement.

    Le directeur départemental de la sécurité publique est chargé de faire respecter cet arrêté préfectoral.

    Tout contrevenant à cette interdiction est passible des sanctions pénales prévues par l'article 431-9 du code pénal (soit de six mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende).

    L'accès au cimetière sera parallèlement interdit par arrêté municipal.

     

    Cette année encore, grâce à la mobilisation d’un collectif local d’associations opposées à l’apologie du terrorisme tel que pratiqué par l’OAS en Algérie et en France en 1961 et 1962, l’hommage public à Albert Dovecar et Claude Piegts, condamnés à mort et exécutés le 7 juin 1962 à la suite de leur participation notamment à l’assassinat, le 31 mai 1961, du commissaire central d’Alger Roger Gavoury a été empêché.

    Comme les années précédentes, la mesure d’interdiction de rassemblement autour du cimetière du Haut Vernet prise par le représentant de l’État dans le département a contraint le maire de Perpignan, M. Jean-Marc Pujol, à en fermer l’accès au public ce mardi.

    Il n’est pas inutile de rappeler que M. Pujol, militant actif de la cause de l’Algérie française, représentait son prédécesseur Jean-Paul Alduy lors de la cérémonie d’inauguration, en juillet 2003, de la stèle en question, vouée à exalter quatre criminels de l’organisation séditieuse.

    Une fois de plus, il convient d’affirmer que ce cénotaphe n’a pas sa place dans l’espace public et que la municipalité devrait, par souci de concorde, envisager son remplacement par un mémorial destiné à rendre hommage à l’ensemble des victimes de la guerre d’Algérie.

    Jean-François Gavoury

    Président de l’Association nationale

    pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS

     

    Perpignan, 7 juin 2016 : interdiction de célébration du terrorisme (Jean-François Gavoury nous informe) Merci.

     


    votre commentaire
  •  

    Par Christophe Giltay 

    Les autorités ukrainiennes ont arrêtés un Français de 25 ans soupçonné de vouloir commettre un attentat en France au cours de l’Euro 2016. L’homme a été arrêté fin mai, il est originaire d’une petite commune de la Meuse près de la frontière belge. Dans sa voiture on a trouvé des explosifs et des armes de guerre, un véritable arsenal qu’il aurait acheté auprès des rebelles pro-Russes de l’est de l’Ukraine. Comment décrypter cet événement ?

    arrestation

     

    C’est une affaire bizarre et complexe, et comme toujours dans ce genre de cas, il y a néanmoins une part de plausible.

    La part de plausible c’est que depuis les attentats de Paris et de Bruxelles il existe un vrai risque de contre-terrorisme, d’extrême droite visant les populations Arabo-musulmanes d’Europe. Ca fait d’ailleurs partie du plan de Daesh de provoquer un tel dérapage, voire un début de guerre civile. D’autant qu’il y a un précédent dans l’histoire de la France que les théoriciens du prétendu Etat islamique n’ignorent pas.

    Un passé colonial

    C’est un aspect de choses qu’on appréhende mal en Belgique, mais dans ces attentats anti-français, il y a comme des relents de guerre d’Algérie. Le père des Abdeslam est né à Oran, dans l’Algérie Française en 1949. Les terroristes du 13 Novembre  ont frappé la rue Charonne, endroit symbolique d’une grand manifestation qu’avait fait 9 morts en 1962… certains spécialistes vous expliquent  que parmi les motivations de ces jeunes djihadistes il existe la frustration d'une décolonisation mal vécue, qui se répercute dans les générations qui n’ont pas connu cette colonisation.

    OAS

     

    L’OAS veille

    Or en Algérie il a existé à la fin de la guerre, quand l’indépendance paraissait inéluctable, un contre-terrorisme pro « Algérie française », menée par une organisation appelée l’OAS, l’organisation armée secrète qui commettait des attentats à la fois contre les indépendantistes algérien et contre le pouvoir gaulliste. (Y compris en Belgique contre des soutiens locaux du FLN)

    Ce sont eux notamment qui ont tenté de tuer le général de Gaulle en mitraillant sa DS au Petit Clamart le 22 Aout 1962. Ainsi pour l’opinion publique française l’apparition d’une sorte de néo OAS qui combattrait à la fois le pouvoir et Daesh ne relève pas que du pur fantasme…

    Terrorisme ou trafic ?

    D’après les autorités Ukrainiennes le jeune homme arrêté entendait viser une quinzaine d‘objectifs dont des mosquées, des synagogues, des centres de prélèvement de l’impôt et des autoroutes. C’est un scénario intéressant sur le plan de la fiction…

    Les services secrets Ukrainiens sont tout à fait capables d’avoir manipulé un garçon que le maire de son village qualifie de « gamin très agréable avec ses voisins, intelligent et sympathique, qui était prêt à rendre service». D’ailleurs les services de police français restent très prudents, pour eux les faits de terrorismes ne sont pas avérés. Pour l’heure, une enquête préliminaire a été ouverte par la juridiction interrégionale spécialisée de Nancy, non pas pour terrorisme mais pour trafic d’armes.

    Un coup monté ?

    Les Ukrainiens l’ont arrêté le 21 mai, après disent-il l’avoir suivi depuis décembre 2015, soit près de 6 mois de filature ! Ça me fait penser un peu à ces opération antidrogue montées le FBI, où l’on fait tout pour qu’un type tombe dans le panneau propose de la drogue à un intermédiaire dans une chambre d’hôtel sous le regard de caméra cachée. C’était même arrivé à John de Lorean, le fondateur de la célèbre marque de voiture utilisée dans retour vers le futur. Il fut accusé d’avoir organisé un trafic de drogue pour renflouer sa boite. Il avait finalement été acquitté. Vous me direz quel intérêt pour les Ukrainiens ?

    Les intérêts de l’Ukraine.

    J’en vois au moins deux :

    Le premier se mettre bien avec la France et l’Europe au moment où le gouvernement de Kiev cherche notamment à assouplir la politique de visas avec l’union. Le second accuser les rebelles pro-russes et donc la Russie et donc Poutine de vouloir déstabiliser l’Europe…

    Bref cette histoire, un peu trop belle pour être vraie, requiert la plus grande prudence !

    SOURCE : http://blogs.rtl.be/champselysees/2016/06/07/letrange-terroriste-venu-dukraine/


    votre commentaire
  • On nous l'avait caché : Du temps

    de Valéry Giscard d'Estaing

    "La France projetait d'expulser

    35 000 Algériens et de dénoncer

    les accords d’Evian"...

    Et ce n'est pas tout...

     

    Nicolas Sarkozy a failli dénoncer, lui aussi,

    les accords d'Evian de 1962...

    La déclaration aurait dû avoir lieu le 26 avril 2012 lors de l'émission Des Paroles et des Actes sur France 2. Patrick Buisson avait convaincu Nicolas Sarkozy de dénoncer les accords d'Evian de 1962 avec l’Algérie. "C'est l'idée qui a germé, à quelques semaines du premier tour, dans le cerveau du conseiller. (...) Son idée ? Revenir sur la disposition qui prévoit que "les ressortissants algériens résidant en France, et notamment les travailleurs, auront les mêmes droits que les nationaux français, à l'exception des droits politiques". Ce régime privilégié a été revu à plusieurs reprises dans un sens plus restrictif, rapprochant les Algériens de la loi générale. Reste qu'ils peuvent encore obtenir un titre de séjour spécifique, le "certificat de résidence", qui permet de demeurer plus longtemps en France à condition de justifier d'une présence régulière sur le territoire, d'un emploi stable et de ressources suffisantes. C'est à ce "régime de faveur" que Patrick Buisson veut s'attaquer", assurent-elles. Finalement, Nicolas Sarkozy renoncera à annoncer une telle proposition.

    Alors qu'en sera-t-il du prochain président

    de la République en 2017 ?

    Mais pour le moment revenons

    à Valéry Giscard d'Estaing... 

     

    On nous l'avait caché : Du temps de Valéry Giscard d'Estaing "La France projetait d'expulser 35 000 Algériens et de dénoncer les accords d’Evian"

    L'historien Patrick Weil, au micro de France Inter - Capture d'écran 

     France Inter  

     

    Dans un interview donnée à France Inter, l'historien Patrick Weil révèle que l'ancien président a eu le projet de renvoyer des immigrés algériens à la fin des années 1970. 

    L'historien Patrick Weil, spécialiste des questions d'immigration et de citoyenneté a raconté sur France Inter, mardi matin, avoir découvert un document particulièrement surprenant au Quai d'Orsay: un ordre du président Valéry Giscard d'Estaing à l'encontre de ses négociateurs avec l'Algérie: "Veuillez négocier 35.000 adultes." Puis, ajouté à la main en dessous: "évitez d’évoquer des quotas d’enfants". Ce document a été confirmé par Jean-François Poncet, le ministre des Affaires étrangères de l'époque. 

    L'objectif du président : lutter contre le chômage et "remplacer, par exemple, les éboueurs étrangers par des éboueurs français et faire partir les étrangers...", selon Patrick Weil. Pour cela, il voulait "dénoncer les accords d'Evian qui permettaient la libre circulation entre la France et l'Algérie et changer la loi pour permettre l'arrêt des titres de séjour, ou la non reconduite des titres de séjour de ceux qui étaient là depuis dix, quinze ou vingt ans."  

    Raymond Barre et Simone Veil ont bloqué le projet 

    Un ancien conseiller de VGE a confié à l'historien avoir persuadé le ministre Jean-François Poncet de l'indécence de cette idée: "Comment va-t-on faire? Un jour, au petit matin, on ira avec des cars de police et de gendarmerie arrêter les gens chez eux pour les mettre dans des trains, des cars puis des bateaux? Et les enfants, on en fera quoi? Ils sont Français. On va séparer les enfants des parents? Ou on va renvoyer des parents français?" 

    Finalement, Valéry Giscard d'Estaing a fini par mettre un terme à son projet, face au blocage de Raymond Barre, Simone Veil et de la plupart des ministres, ainsi que du Conseil d'Etat. 

     

    SOURCE : http://www.bfmtv.com/politique/valery-giscard-d-estaing-a-projete-de-chasser-35-000-algeriens-de-france-896803.html

    "Au revoir" et sans regret...


    votre commentaire
  • Roger Hillel : « L'idéologie de l'Algérie française

    est encore très prégnante »

     

    Roger Hillel nous livre son regard personnel sur cette période toujours douloureuse. Photo dr LMRS - (c) Copyright Journal La Marseillaise

    Roger Hillel est l'auteur de la Triade nostalgérique. Un ouvrage-témoignage sur le combat contre les lieux de mémoires des nostalgiques de l'OAS à Perpignan.

    Qu'est-ce qui a motivé l'écriture de votre livre ?

    C'est un combat mené pendant plus de 7 ans au sein d'un collectif d'organisation. C'était rude, mais très beau, très fort, de réels liens de fraternité s'y sont noués. J'ai ressenti le besoin d'en faire un bilan, en livrant mon regard personnel.

    Qu'entendez-vous par triade « nostalgérique » ?

    « Nostalgérique », c'est un néologisme pour désigner les nostalgiques de l'Algérie française. La ville de Perpignan compte trois lieux au service de cette vision de l'histoire, je les nomme «triade» en assumant la connotation négative du mot. Il s'agit d'abord d'une stèle rendant hommage à l'OAS au beau milieu du cimetière. Ensuite, d'un monument aux disparus français de l'Algérie entre 1954 et 1963. Et enfin du centre de documentation des Français d'Algérie.

    En quoi constitue-t-elle un enjeu politique ?

    Il s'agit pour les promoteurs de cette triade d'encenser la présence française en Algérie et de souligner les « bienfaits » de la colonisation. L'Algérie a, en ce sens, une charge symbolique et politique beaucoup plus importante que d'autres ex-colonies, car il s'agissait d'une colonie de peuplement puis de trois départements. Il reste encore beaucoup de survivants de cette période, les rapatriés d'Algérie, qui constituent eux-mêmes un enjeu électoral. Une minorité d'entre eux repousse la nostalgie coloniale mais beaucoup d'autres continuent de penser aujourd'hui encore que l'Algérie aurait dû rester française. Il sont un point de jonction entre la droite et l'extrême droite du pourtour méditerranéen de la France.

    Vous écrivez dans votre ouvrage qu'« on n'en a pas fini » avec cette question. Pourtant elle est vieille de 50 ans...

    C'est vrai mais le souvenir de la guerre d'Algérie est encore très vivace. Le travail de mémoire est incomplet. Quid des générations qui vont suivre ? Des travaux de politologues soulignent un amoindrissement de l'attachement à l'Algérie française chez les descendants de pieds noirs mais difficile de savoir s'il signifie une prise de distance vis-à-vis de l'idéologie très prégnante qui est à sa source.

    Pourquoi estimez-vous que le combat contre la triade nostalgérique a été perdu à Perpignan ?

    Parce que la stèle OAS, le mur des disparus sont toujours là et que le centre de documentation des français d'Algérie a acquis un caractère officiel sous l'égide de la mairie de Perpignan. Il présente une histoire franco-algérienne frelatée, avec ses amnésies, ses dénis. Tout cela, légitimé aux yeux des visiteurs par la présence du centre au sein du pôle muséal de Perpignan.

    Vous avez néanmoins récemment remporté une victoire en justice.

    Les relations ont toujours été très rudes avec le cercle algérianiste mais elles étaient restées dans les limites de l'acceptable. Suite à une interview donnée à l'Indépendant, des réponses injurieuses à mon égard ont été publiées. On me traitait de stalinien, on m’assimilait à un révisionniste, un homme de haine. Cela m'a beaucoup atteint, moi qui ait été victime avec ma famille de la haine nazie. Ces propos de Mme Simon-Nicaise, représentante du cercle algérianiste [et adjointe au maire Ndlr], ont été condamnés en première instance. C'est la première fois. Je m'en félicite.

    Propos recueillis par Léo Purguette 

    l « La triade nostalgérique » de Roger Hillel, aux éditions Alter ego, 18 euros. 

    SOURCE : http://www.lamarseillaise.fr/culture/livres/49071-roger-hillel-l-ideologie-de-l-algerie-francaise-est-encore-tres-pregnante

     


    votre commentaire
  • Pourquoi je tiens à mettre  en ligne cette petite brève ?   Ce n’est pas pour vous parler de boxe où très peu car cela ne fait pas partie de la ligne rédactionnelle de mon blog.

    La légende de Mohamed Ali à travers le monde se sera cependant construite en dehors des rings, à travers des luttes et des engagements – dont sa conversion à l’islam – qui cristalliseront les peurs d’une Amérique encore déchirée par la ségrégation raciale et les guerres coloniales Mohamed Ali, qui avait refusé de faire son service militaire et de partir faire la guerre du Vietnam, était devenu "l’icône des insoumis du Vietnam et des minorités. 

    Mohamed Ali, boxeur de légende, est mort

     à l'âge de 74 ans

    L'ex-champion de boxe américain Mohamed Ali, décédé vendredi 3 juin 2016, à l'âge de 74 ans. Il souffrait depuis une trentaine d'années de la maladie de Parkinson et s'était montré très affaibli lors de ses dernières apparitions publiques.

    Maître mondial incontesté de la catégorie-reine des lourds, celui qu'on surnommait "The Greatest" (Le plus grand) avait choqué les Etats-Unis en 1967 en refusant de faire son service militaire et de partir faire la guerre du Vietnam, en raison de ses convictions religieuses. "Pourquoi irais-je tirer sur ces gens ? Pourquoi irais-je tirer sur des pauvres gens qui ne m'ont rien fait ? Ils ne m'ont jamais appelé 'négro', (...) Ils n'ont pas violé et tué ma mère et ma sœur... (...) Mettez-moi en prison !", explique-t-il à l'époque.

    Il avait été emprisonné, déchu de ses titres et interdit de boxer pendant trois ans et demi, avant de redevenir champion du monde en 1974, réunifiant les titres WBA et WBC lors de sa victoire par KO (8e round) sur George Foreman lors du "combat dans la jungle" à Kinshasa, en République démocratique du Congo, l'ex-Zaïre.

     

     

     

     


    votre commentaire
  • Quand les appelés d’Algérie s’éveillent... un ouvrage de Corinne Chaput-Le Bars

    Quand les appelés d’Algérie

    s’éveillent... un ouvrage

    de Corinne Chaput-Le Bars

    Jeudi 27 août 2015, par Daniel Dayot  

    Un travail sur les récits écrits par des appelés en Algérie, voilà à quoi Corinne Chaput-Le Bars a consacré son livre. En énoncer le contenu est facilité par la préface du Professeur Louis Crocq, psychiatre des armées et médecin-lieutenant en Algérie de 1954 à 1959 :

    (Corinne Chaput-Le Bars) […] a collecté quatre manuscrits d’anciens appelés – dont celui de son propre père – qui ont participé à la guerre d’Algérie comme appelés du Contingent et, revenus bouleversés, sont restés silencieux quarante ans ou plus avant de se décider à se libérer de leur fardeau par l’écriture […]
    Dans une première partie, Corinne Chaput-Le Bars a choisi de larges extraits de ces souvenirs-confessions et nous les présente assortis de sous-titres qui, inspirés par son propre « filtre de perception », proposent des bribes de sens à ces « histoires sans paroles ».
    Puis, dans une deuxième partie, elle a procédé à une analyse syntaxique de ces proses, discernant les diverses figures de style et les multiples procédés grammaticaux (« histoire aux cent paroles ») qui donnent forme, vie et présence à ces témoignages ressuscités de l’ombre.
    Et enfin dans une troisième partie, rapportant et commentant les entretiens qu’elle a menés avec chacun de ces quatre anciens soldats « restés en souffrance », elle les a amenés à se libérer de leur traumatisme et de leur amertume par l’énonciation spontanée jaillie de ces dialogues (« paroles d’histoire »).

    Corinne Chaput-Le Bars, docteure en Sciences de l’Education, maître de conférences, chargée de recherche, chercheuse associée à diverses institutions universitaires françaises ou étrangères a consacré une thèse aux traumatismes de guerre. Cet ouvrage, qui en est issu, est le deuxième d’un diptyque, précédé qu’il a été de « Traumatismes de guerre. Du raccommodement par l’écriture ». Toute sa thèse est là : l’écriture – mais aussi la parole - c’est la catharsis, le moyen de guérison dans « l’histoire blessée des hommes ».

    Dans l’interview dont vous pourrez visualiser la vidéo à la fin, sa démonstration est lumineuse, en particulier à travers la métaphore de l’homme à terre, muet, écrasé par le traumatisme, puis l’homme debout restauré dans l’estime de soi au fil de l’écriture ; enfin l’homme assis, rasséréné dans l’entretien final avec l’auteure.
    En somme elle aurait pu sous-titrer son ouvrage Vie et mort du stress post-traumatique – vision un peu idéale puisque si la souffrance a été surmontée et le « raccommodement » réalisé, demeure la trace de la cicatrice.

    Les narrateurs, écrit-elle (on en reconnaîtra de la 4acg), ont su à la fois donner à voir leur expérience et se regarder en train de la vivre pour mieux s’en détacher, ce qui n’induit pas nécessairement leur compréhension des comportements les plus inhumains et les plus dégradants dont ils portent témoignage. C’est là un des mécanismes à l’œuvre dans les quatre récits et que nous donne à voir, à côté de beaucoup d’autres, le travail de Corinne Chaput-Le Bars ; de même qu’elle souligne le caractère essentiellement individuel de la démarche d’écriture des appelés, en-dehors de toute appartenance organisationnelle, même si affleure dans chaque récit une forte solidarité avec les autres appelés embarqués dans la même galère.

    En sortant de cette lecture, on ne peut qu’appréhender différemment et désormais avec plus de profondeur les récits d’appelés.

    Daniel Dayot

    Quand les appelés d’Algérie s’éveillent, Denis, Philippe, Paul et les autres…
    Corinne Chaput-Le Bars - éditions L’Harmattan*

    SOURCE : http://www.4acg.org/Quand-les-appeles-d-Algerie-s-eveillent-un-ouvrage-de-Corinne-Chaput-Le-Bars

     


    votre commentaire
  • Merci Pierre Daum pour votre courage, pour le rétablissement de la vérité historique... contre tous ces falsificateurs d'extrême droite, racistes, islamophobes, en France et principalement dans le Sud... vous savez ceux qui font l'apologie des criminels et terroristes de l'OAS

    Michel Dandelot

    Merci Pierre Daum pour votre courage, pour le rétablissement de la vérité historique... contre tous ces falsificateurs d'extrême droite, racistes, islamophobes.

    « La sortie en Algérie de mon livre sur les harkis a provoqué de très riches débats, et une couverture médiatique très importante.
    Plusieurs passages à la télévision et de nombreux articles.
    Ici : Berbère TV »

    Pierre Daum

    Merci Pierre Daum pour votre courage, pour le rétablissement de la vérité historique... contre tous ces falsificateurs d'extrême droite, racistes, islamophobes.

    Le livre de Pierre Daum sur les Harkis est finalement disponible en Algérie 

    Paru en avril 2015 chez Actes Sud, le livre "Le dernier tabou, les "harkis" restés en Algérie après…

     


    votre commentaire
  • Nous n'avons pas tous vécu la même guerre d'Algérie 

    Nous n'avons pas tous vécu la même guerre d'Algérie  "Paysan sans frontières"

    "Paysan sans frontières"

    Bernard Dutoit, paysan du Gers, montre comment, à partir de son expérience en Algérie, il est devenu un artisan de paix et un paysan sans frontières.

    A notre retour d’Afrique du Nord, nous avons très peu parlé. Ce retour a eu lieu dans un climat d’indifférence totale qui nous rendait très amers d’avoir perdu près de 30 mois  de notre jeunesse, sans doute les plus efficaces professionnellement, dans un conflit inutile. Nous avions un sentiment d’injustice par rapport à tous les sursitaires de la même classe, exemptés d’Algérie, pour raison d’études.

    Aujourd’hui en tant qu’homme, citoyen, chrétien, je suis interpellé, souvent avec une certaine violence,  et traité de tortionnaire -  mot difficile à entendre.

    Le bilan humain de la guerre est lourd : plus de 25.000 copains tués ou disparus, plus de 143.000 du côté FLN et ALN (chiffres officiels). Il faut encore y ajouter les civils : 2788 Européens et 16378  Algériens tués ou disparus (source française, pas toujours très objective).

     

    Devoir de citoyen

    Comme la majorité des jeunes paysans de cette tranche d’âge,  j’ai répondu « présent » à l’appel de mon pays. J’imaginais accomplir mon devoir de citoyen dans une guerre que je ne comprenais pas,  mais que je savais dangereuse : un proche copain de mon village était mort en Algérie,  ainsi qu’un ami cavalier.

    Dans l’éducation transmise par notre environnement familial, villageois, paroissial, le sens du devoir était fondamental. Notre vicaire, héros de 14-18, remobilisé et prisonnier évadé en 39, après nous avoir enseigné le catéchisme,  était notre moniteur de préparation militaire. Il nous inculquait à tous, cathos ou pas, un sens profond du devoir et nous encourageait à devenir gradés avec une argumentation imparable : « Ne venez pas vous plaindre d’être commandés par des incapables. Devenez des citoyens responsables pour que nous soyons fiers de vous ! » J’ai entendu des paroles identiques lors de mon passage chez les Jésuites à Lille.

    Objection de conscience, insoumission étaient des mots inconnus. Mon grand-père avait fait la guerre de 14, mon père celle de 39 et 4 ans de captivité. Le grand père de ma fiancée, lieutenant, était mort au fort de Thiaumont en 1916 et son père avait fait lui aussi 4 ans de captivité. De plus, nous avons vécu notre prime jeunesse au milieu des Allemands et de la résistance dans mon département d’origine, le Nord. Même si nous ne comprenions pas très bien, nous devions obéir, comme les générations précédentes, et faire notre devoir en acceptant le hasard des affectations.

     

    Entraînement de bêtes de guerre

    En janvier 57, nous sommes satisfaits de ne pas partir directement en Algérie. Nous apprenons,  lors de notre incorporation à Sarralbe en Moselle, que nous sommes dans un régiment disciplinaire, ceci nous met tout de suite dans l’ambiance. Evidemment nous entrons dans un système particulièrement bien rodé pour formater des combattants et écraser toute velléité de résistance : 15 jours de cellule sur une planche avec une seule couverture  à –15° pour une minuscule vis de fusil-mitrailleur abîmée,  car c’était moi le responsable. Ceci est plus efficace qu’un comprimé pour calmer les contestataires.

    Nous subissons un entraînement particulièrement intensif, physique et psychologique,  où les plus faibles sont écartés et ridiculisés. Nous sommes devenus des bêtes de guerre, prêts à en découdre face à un ennemi décrit comme épouvantable et particulièrement cruel. Dur parcours quotidien du combattant avec toujours des records à battre. Il faut apprendre à tuer par tous les moyens, devenir des professionnels de la guérilla, invincibles, les meilleurs, les plus forts. Nous étions malheureusement devenus très fiers de nos performances … Ceux qui n’osaient pas sauter du haut  du portique étaient poussés de force et gagnaient l’hôpital : 7% de perte était l’excuse facile. Nous étions devenus de véritables animaux de combat très unis, particulièrement solidaires en fraternité, prêts à affronter,  pour les vaincre,  des  ennemis terroristes parés de tous les défauts.

     

    Nous n'avons pas tous vécu la même guerre d'Algérie  "Paysan sans frontières"

    Toujours sur le qui vive

    Après le passage obligé par Marseille et une traversée de la Méditerranée sur l’impressionnant « Maréchal Joffre »,  dans des conditions « indescriptibles » de confort, nous débarquons à Bône pour être parqués dans un immense hangar agricole entouré d’orangers. Le lendemain matin très tôt, des wagons à bestiaux nous attendent pour emprunter ce qui reste de voie ferrée entre Bône et Souk Arrhas. Nous réalisons enfin que nous sommes en guerre. Les poteaux électriques et leurs fils sont arrachés, des restes d’incendie fument encore. Notre train s’arrête : la voie a été minée dans la nuit.

    Après quelques kilomètres à pied, le long des rails détruits, avec notre célèbre paquetage, des véhicules nous attendent, accompagnés d’automitrailleuses devant, au-milieu et derrière, surveillés depuis le ciel par les avions et deux bananes. Nous rejoignons Bir el Ater, le long du barrage électrifié entre l’Algérie et la Tunisie, la ligne Morice. Nous mesurons nos responsabilités, oui, le conflit est réel et palpable. Pas très fiers, nous arrivons tard le soir après avoir essuyé quelques tirs rebelles venant, paraît-il,  de la frontière tunisienne. Les premières paroles d’accueil sont rassurantes : « Soyez toujours sur le qui-vive et économisez l’eau, un casque par homme et par jour pour boire et le reste ».

    Ambiguïté du discours : d’un côté, nous sommes là pour pacifier, distribuer des soins, pour l’alphabétisation et le développement,  et de l’autre, notre mission est celle de  combattants aguerris face à des terroristes rusés, sanguinaires, éliminant les prisonniers, connaissant le terrain et leurs frères villageois pris en otages des deux côtés.

     

    Nous n'avons pas tous vécu la même guerre d'Algérie  "Paysan sans frontières"

    Misère des fellahs

    Je suis en plein désarroi  après les premières sorties,  en découvrant l’immense misère de nos concitoyens de ce département français. Quel contraste avec les très riches exploitations de la plaine de Bône,  aperçues depuis notre luxueux train pour bestiaux !

    Cette grande pauvreté des fellahs est une véritable agression pour le paysan gersois que je suis resté sous le treillis et le chapeau de brousse. Mais pourquoi donc suis-je là avec une arme ? Mon rôle ne serait-il pas d’accompagner mes frères de profession avec une pelle à la place du pistolet mitrailleur ?

    Je découvre cette évidence : si j’étais fellah algérien, si j’avais ces conditions de vie, si j’étais exposé à toutes ces agressions, ces fouilles violentes, cette soumission,  ce racisme, ce non-respect des hommes et des femmes, moi aussi, je serais rebelle.

    Mon vécu d’enfant en zone occupée me fait comparer les « felouzes » aux résistants de la dernière guerre,  que l’on appelait eux aussi terroristes. Sous le treillis, je suis de plus en plus mal à l’aise face à ces Français complètement démunis de tout.

     

    Une fraternité interreligieuse

    « Seigneur Dieu, fais que je ne sois pas obligé de me servir de mon pistolet mitrailleur ». Cette prière, je l’ai partagée de très nombreuses fois avec les frères musulmans de mon groupe de combat. Je suis complètement paumé et  me rends compte que mes réactions sont très isolées et à contre-courant. Les copains ne me comprennent pas lorsque je m’insurge contre la brutalité. Que faire ?

    Le seul point d’eau potable suffisamment équipé se trouvait à 80 km de notre campement, à Elma El Abiod. Des mois durant, plusieurs fois par jour, j’étais chargé de la corvée d’eau en tant que chef de camion.  Cela m’allait bien, même s’il y avait des accrochages sans gravité en cours de route. Mais il fallait toujours avoir un œil sur la piste par peur de sauter sur une mine camouflée. Le sous-officier  qui m’a remplacé y a laissé ses deux jambes. Quelquefois, nous nous arrêtions pour éviter aux femmes les longues corvées d’eau. Souvent,  avec le chauffeur, nous rêvions de faire cette corvée d’eau pour nos frères et sœurs algériens qui en avaient davantage besoin.

    J’ai eu la grande chance durant quelque temps d’être le responsable d’un groupe de Français musulmans dont j’avais assuré l’instruction à Thionville.  Nous partagions la même guitoune, les mêmes craintes en embuscade, en opération, pendant les gardes. Nous avons ensemble vécu une très grande complicité mêlée à une merveilleuse confiance. Le repas du soir, partagé en période de Ramadan, était un temps d’échanges fraternels très forts, inoubliables. Ils me rappelaient ma prière de chrétien. Nous arrivions à prier ensemble. Cette période de fraternité vraie, interreligieuse, reste le meilleur souvenir de cette guerre aussi horrible que toutes les autres.

     

    Des injustices à dénoncer

    Que sont-ils devenus ces camarades dont les pères et grands-pères avaient combattu en Europe, à côté des nôtres,  pour la liberté que nous connaissons aujourd’hui ? J’ai honte de n’avoir jamais exprimé ma révolte face au lâche comportement de nos dirigeants et au nôtre en tant que citoyens. Nos responsabilités professionnelles étaient très prenantes et l’Algérie n’était pas notre souci prioritaire. La majorité des Français  ne s’est jamais préoccupée du traumatisme que pouvait provoquer le conflit algérien.

    Au cours d’une mission au Burkina Faso avec « Paysans sans frontières », j’ai rencontré Jean-Marie Ky,  paysan burkinabé, ancien combattant en Afrique du  Nord. Nous étions ensemble en 1958  à Bir El Ater. Son GMC a sauté sur une mine. Il lui reste des moignons de pieds et de mains. Invalide à 100%, il touche 300 francs par an de pension de guerre,  tandis que moi, invalide à 10 %,  je reçois 45 euros par mois, soit environ la somme que Jean Marie touche en une année. Ceci est incroyable mais vrai…

     

    Tout homme est fragile

    Bien évidemment, en Algérie,  nous avons entendu parler de la torture. Cette question nous mettait très mal à l‘aise et nous avions des avis divergents, d’un côté les va-t’en-guerre et de l’autre les pacifistes. Je pense que,  dans notre unité, elle n’a jamais été pratiquée,  car notre chef de corps  était très intransigeant sur cette horrible  méthode. En aucun cas on ne peut l’admettre.

    L’héroïsme, le courage, la bravoure ont une autre face ; ils côtoient toujours la violence, la peur, la haine et le racisme. J’ai vu de braves copains, des moutons incapables de se servir d’une arme,  devenir des loups furieux incontrôlables. En même temps, qui peut se permettre de juger la réaction violente d’un homme qui a vécu dans sa chair la mutilation ou la disparition de ses camarades de guitoune ?

    C’est avant la guerre qu’il faut ensemble prendre conscience que tout homme est fragile, que le système militaire est rodé depuis des millénaires pour entretenir la haine. Aimer ses ennemis, pardonner, c’est relativement facile avant  la vraie confrontation avec la mort.

     

    Refus d’obéissance

    Oser discuter ou contester un ordre en tant qu’appelé  exige une très forte personnalité ou de l’inconscience,  surtout en temps de guerre. C’est également plus facile pour un officier que pour un deuxième-classe. Les conséquences et les sanctions sont très différentes. J’ai pu réagir contre un caporal de la Légion qui empêchait les prisonniers musulmans de prier,  parce que j’avais un grade supérieur au sien. 

    Nous savions,  grâce à  nos patrouilles,  que des familles entières de paysans  survivaient avec leur cheptel en zone interdite, de l’autre côté du barrage électrifié de la ligne Morice. En tant que chef de groupe,  j’ai  refusé d’aller les éliminer. C’était de ma part un grave refus d’obéissance, passible de sanctions, puisque j’entraînais avec moi les copains musulmans de mon groupe. Après les menaces de mon supérieur, j’ai pu expliquer mon geste -certes répréhensible  mais moralement irréprochable-   à mon chef de corps qui l’a très bien compris. En conclusion, il m’a expédié 15 jours en centre de repos à Bugeaud. Là, étant donné le manque de sous-off, j’ai participé à plusieurs opérations avec la Légion Etrangère, ce qui en principe n’est pas prévu dans un centre de repos. Quelques jours après mon retour à Bir el Ater,  le lieutenant responsable du centre de Bugeaud a été tué dans une opération.

     

    Un simulacre de démocratie

    Responsable d’un bureau de vote pour le référendum du 28 septembre 1958,  j’ai pu mesurer le simulacre de démocratie et cela dans un département français. Tous les votants potentiels des douars étaient rassemblés de force dans un camp entouré de mitrailleuses. Les hommes montraient fièrement le bulletin OUI qu’ils distribuaient à leurs nombreuses femmes qui votaient pour la première fois. Cette manipulation à grande échelle renforçait l’écœurement de ceux qui parmi nous avaient envie de contester ce référendum. 

    Nous avons accompagné au bateau les copains libérables de la 56/2B. Deux mois après, la 56/2C devait suivre. Je m’étais organisé pour que mon frère mobilisable me remplace à la ferme jusqu’à mon retour. Mais sans explication, la 56/2C fut maintenue.

    Nous devenions difficiles à diriger,  car nous avions une peur panique de toutes les actions dangereuses (opérations, embuscades et gardes),  si peu de temps avant notre libération. Nous nous sommes alors mis à fumer et à boire  pour essayer de compenser le stress.

     

    Traité en sous-métayer

    Je rentre enfin en France en mai 1959. Mes premiers contacts avec la vie civile sont très difficiles, je découvre un monde qui se fout complètement des mois que nous avons passés en Algérie pour rien. 29 mois à 20 ans, c’est très long lorsqu’on  a des projets.

    Un boulot fou m’attend, c’est la période des semis, je n’ai pas de finances. J’ai simplement le choix  de m’abrutir au travail physique. La nuit, je ressens très longtemps la peur des embuscades. Aujourd’hui encore, sur la route,  je ne roule jamais sur un objet, au cas où il cacherait une mine.

    Dans mon département d’origine, le Nord,  nous sommes à 98 % fermiers. J’arrive maintenant  dans une région d’accueil de migrants, le Gers,  qui ne connaît pas ce statut de fermier. Le riche propriétaire  de la ferme que j’ai reprise me traite en sous-métayer avec beaucoup d’autorité,  sans jamais m’appeler Monsieur.  Pour moi cette forme de domination est une agression injuste, comme celle que nous avons infligée à nos frères algériens. Je me lance très vite dans le développement agricole en créant avec des jeunes de ma génération un CETA   (centre d’étude technique agricole). Je m’engage aussi dans le syndicalisme avec la section des fermiers. Aujourd’hui , je suis persuadé que ces diverses responsabilités  m’ont permis de rebondir -  au même titre que mon mariage avec la merveilleuse créature qui m’a attendu 29 mois et encouragé tout ce temps par des lettres quotidiennes.

     

    Nous n'avons pas tous vécu la même guerre d'Algérie  "Paysan sans frontières"

    « Non à la guerre »

    Et maintenant, plus 55 ans après, nous disons toujours « Non à la guerre ». Celle-ci  n’est pas une fatalité. Elle est  une défaite de l’humanité. La diplomatie et le dialogue sont des moyens pour résoudre les conflits. La guerre n’est pas un moyen comme un autre, utilisable pour régler les différends entre nations.

    Au début, j’ai été adhérent à la FNACA des Hautes-Pyrénées. Aujourd’hui, je suis à l’UNAC du Gers, je suis aussi membre de la 4acg. Ces associations en effet sont présentes là où je vis. Je pense qu’il est important  de faire passer le message « contre la guerre » dans ce type d’association, même si c’est difficile. En milieu rural, après quelques réactions négatives, le message finit par faire réfléchir. 

    Nous nous sommes organisés, contre vents et marées, pour faire un couscous  préparé ensemble - musulmans, protestants et catholiques - au profit d’actions de développement. Lorsque j’ai annoncé l’événement dans notre église, un copain de l’UNC, André, m’a apostrophé : « Bernard, t’as bouffé du bougnoule pendant presque 30 mois et tu veux qu’on bosse avec eux ? » Mon copain André était présent au couscous.

    Par ailleurs, nous constatons une islamophobie violente. Des paroles haineuses sont prononcées à l’encontre de nos frères et sœurs musulmans. Mais là, notre statut d’ancien combattant permet un rapprochement,  puisque  avec nos frères du FLN nous avons vécu dans nos tripes les horreurs de la guerre. Il peut sembler possible alors de changer les états d’esprit dès lors que prévalent la bonne volonté et la confiance en l’autre.

     

    Nous n'avons pas tous vécu la même guerre d'Algérie  "Paysan sans frontières"

    Paysans sans frontières

    C’est pourquoi nous nous mettons à rêver à une action de partenariat entre des paysans algériens et gersois dans le même style que celle pratiquée depuis 20 ans en véritable fraternité avec les paysans et paysannes béninois.

    Nous sommes persuadés que la  réconciliation entre l’Algérie et la France est fondamentale pour l’Europe, que nous devons dépasser les malentendus de l’histoire,  en nous engageant dans un partenariat entre nos deux pays,  sur la base de petits projets de développement  voulus par nos frères paysans algériens.

    Un de nos axes de travail pourrait être de promouvoir ensemble une  agriculture paysanne, fondée sur le juste équilibre entre résultat économique, bien-être social et gestion des ressources naturelles. Au sud comme au nord, les paysans partagent les mêmes valeurs fortes liées à leur métier de producteurs. Donc notre équipe de « Paysans sans frontières » gersois se propose de travailler en partenariat avec un groupe de paysans algériens. Demain, paysans algériens et gersois, nous pourrions démontrer ensemble qu’une fraternité réelle est possible et source de grande richesse. 

    L’engagement à l’AFDI (Agriculteurs français et développement international)  et au CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement) est certainement pour notre couple, un moyen de réparer les injustices commises au temps du colonialisme.

                                                        Bernard Dutoit


    votre commentaire


  •  



    La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), de Raphaëlle Branche, est sorti en mai 2016 dans la collection Folio-Histoire, chez Gallimard.

    Nouvelle édition du livre-choc

    de Raphaëlle Branche :

    « la torture et l’armée pendant la guerre

    d’Algérie »

    Plus d’un demi-siècle après les faits, la guerre d’Algérie continue de susciter d’intenses débats mémoriels en France. En témoigne la décision du maire de Béziers, Robert Ménard, de renommer une rue de la ville, précédemment « rue du 19 mars 1962 » (date des accords d’Évian qui mettent fin à la guerre), en « rue du commandant Hélie Denoix de Saint-Marc », du nom d’un partisan de l’Algérie française et putschiste de 1961. L’intérêt pour cette période trouble et polémique ne se dément donc pas et requiert la publication de solides travaux historiques. Il s’agit ici en l’occurrence d’une réédition d’un précédent livre paru en 2001, lui-même issu de la thèse de doctorat de Raphaëlle Branche (réalisée sous la direction de Jean-François Sirinelli). Spécialiste de l’étude des violences en situation coloniale et plus spécifiquement en Algérie, l’auteure fait partie aujourd’hui des historiennes les plus reconnues en France dans le domaine colonial.

    Très tôt, au cours de la guerre d’Algérie, des révélations firent connaître à l’opinion publique métropolitaine certains détails de l’usage de la torture par l’armée française. Les «opérations de maintien de l’ordre» dépendaient des autorités civiles mais leur réalisation fut laissée de plus en plus largement à l’appréciation de l’armée au fur et à mesure que l’insurrection nationaliste gagnait du terrain.
    Des débats passionnés mirent aux prises intellectuels et journalistes, hommes d’Église et hommes d’armée, avocats et écrivains. D’anciens soldats témoignèrent ; des victimes aussi : personne ne pouvait ignorer qu’en Algérie des militaires français pratiquaient la torture.
    Il fallait aller au plus près du terrain pour comprendre pourquoi, en définitive, tant de militaires français purent pendant plus de sept ans commettre des exécutions sommaires et des actes de torture et le faire avec l’assurance qu’obéissant à des ordres ils étaient ainsi au service de leur pays.
    Raphaëlle Branche éclaire comme jamais auparavant les mécanismes de la torture : si la référence à la période de l'occupation allemande était alors omniprésente, ils trouvent leur origine dans le racisme colonial et les méthodes héritées de la guerre d'Indochine.
     

       Le commentaire de Michel Berthelemy de la 4acg

    Quand elle a publié en 2001 « La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie », Raphaëlle Branche a jeté un pavé dans la mare. Le sujet venait d’être propulsé à la une de l’actualité suite aux articles parus dans « Le Monde » et aux aveux, entre autres, du général Aussaresses. L’ouvrage confirmait, en les amplifiant, les « révélations » de ces derniers.

    Le choc médiatique avait amené l’auteure à préciser d’emblée l’objet de sa recherche : on ne traitera pas ici de l’internationalisation du conflit, des violences des nationalistes algériens, notamment en métropole, ni de l’OAS« mais de »l’utilisation de la torture par l’armée française dans la répression du nationalisme algérien entre novembre 1954 et mars 1962.

    La ré-édition de l’ouvrage quinze ans plus tard procure toujours la même sensation d’effroi et d’horreur. La torture n’était en rien le résultat de dérapages individuels, elle était érigée en système, et encouragée. Elle était au cœur de la guerre d’Algérie, comme elle était au cœur de toute la période de colonisation depuis 1830.

    L’auteure analyse le comportement des principaux commandants de l’armée française. Pour le général Salan par exemple, être confronté à une « guerre révolutionnaire » impliquait l’utilisation de méthodes spécifiques. Il était impératif d’obtenir des renseignements, et l’ennemi étant fondu dans la population civile, il n’existait pas d’autre choix, selon les responsables militaires, que d’interroger tout individu paraissant suspect, par quelque moyen que ce soit. Pour Raphaëlle Branche, la violence des interrogatoires avait un double objectif : obtenir des renseignements, mais aussi (et surtout ?) terroriser les « rebelles » en marquant le corps des colonisés.
    De l’interrogatoire musclé aux emprisonnements illégaux, des déplacements de population aux corvées de bois, la liste était longue des sévices infligés à la population toute entière.

    L’une des forces de l’ouvrage est ainsi de démontrer que la pratique courante de la torture était acceptée non seulement par la hiérarchie militaire, mais aussi par les responsables politiques de l’époque.


     

     

     

     



    votre commentaire