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    Histoire. Guerre d’Algérie : « Le président

    de la République semble oublier

     le contexte »

      Histoire. Guerre d’Algérie : « Le président  de la République semble oublier le contexte »

     Raphaëlle Branche est professeure d’histoire contemporaine à l’Institut des Sciences sociales du politique à l’université de Paris Nanterre. | LÉONORE BRANCHE 

    Historienne, spécialiste de la guerre d’Algérie (1954-1962), Raphaëlle Branche sera l’invitée d’une rencontre-dédicace à Cholet, lundi 21 février 2022, à l’occasion du 60e anniversaire de la fin du conflit. L’occasion d’évoquer cette guerre oubliée et les récentes déclarations du président de la République, Emmanuel Macron.   

    Il y a 60 ans, en mars 1962,  la guerre d’Algérie prenait fin. L’historienne Raphaëlle Branche, enseignante à l’université de Paris Nanterre, a beaucoup travaillé sur le sujet, elle y a notamment consacré un livre « Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? » Elle répond à nos questions à quelques jours de sa venue à Cholet, le 21 février, pour dédicacer son dernier ouvrage et échanger avec Pierre Breton, professeur de philosophie.

    Comment en êtes-vous venue à vous intéresser à la guerre d’Algérie ?

    Raphaëlle Branche : « Mon intérêt remonte au lycée quand j’ai découvert, par des lectures et le film d’Alain Resnais, « Muriel ou le temps d’un retour », l’importance de ce conflit pour la société française. J’ai aussi pris conscience alors, dans les années 1980, que tous les hommes de 50 ans autour de moi, mes enseignants par exemple, avaient été susceptibles d’avoir fait cette guerre dont, personnellement, j’ignorais tout. Ça a été un choc et, de là, un désir de savoir qui n’a pas cessé. J’ai pu ensuite faire des études d’histoire au moment où les archives publiques commençaient à s’ouvrir et réaliser ainsi la première thèse d’histoire sur les violences illégales de l’armée française entre 1954 et 1962. »

    Combien d’appelés ont été envoyés en Algérie et quel est le bilan humain de cette guerre ?

    « Tous les hommes en âge de faire leur service militaire ont été envoyés en Algérie, sauf exception. On estime leur nombre à 1,5 million en intégrant non seulement les appelés mais aussi les maintenus, disponibles et rappelés c’est-à-dire des hommes ayant déjà accompli leurs obligations militaires et devant prolonger cette période pour les besoins de cette guerre qui, pourtant, ne disait pas son nom. Le bilan humain ? Si on parle des morts, les chiffres sont en constante évolution côté français suivant qui on compte exactement mais on peut donner des estimations qui permettront de prendre la mesure de ce qui s’est joué en Algérie : au moins 25 000 militaires sont considérés comme « morts pour la France », auxquels il faut ajouter plusieurs milliers de civils français morts du fait du conflit. Côté algérien, l’estimation est d’au moins 400 000 personnes tuées. Le bilan humain nécessiterait de compter aussi les blessés physiques et psychologiques. Un tel décompte n’a jamais été fait officiellement. »

    Comment expliquez-vous que cette guerre soit passée sous silence ? Les appelés ont très peu parlé…

    « C’est le sujet de mon dernier livre, « Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? ». La guerre n’a pas été passée sous silence mais, effectivement, au retour, les appelés ont peu parlé. Ils ont pourtant parlé et ont raconté. Mais ils ont aussi beaucoup euphémisé et alors, à leur retour, il devenait difficile de dire ce qu’on n’avait tu quand on était là-bas. Mais je montre aussi dans mon livre que ce silence relatif est aussi lié aux personnes à qui ils auraient pu raconter et qui n’étaient pas forcément très intéressées ou très réceptives ou même tout simplement capables de comprendre ce qui s’était passé pour eux en Algérie. Mais les choses ont beaucoup évolué et c’est aussi ce que je montre dans mon livre. »

      Histoire. Guerre d’Algérie : « Le président  de la République semble oublier le contexte »

    Le livre de Raphaëlle Branche raconte la guerre d’Algérie du point de vue des appelés. | ÉDITIONS LA DÉCOUVERTE

    Le président de la République vient de qualifier «d’impardonnable» la tuerie de la rue d’Isly en mars 1962 et a reconnu le massacre d’Oran en juillet 1962 perpétrés contre des partisans de l’Algérie française. Qu’en pense l’historienne? 

    « Rue d’Isly, à Alger, alors que l’Organisation de l’armée secrète (OAS) avait déclaré que les soldats français étaient devenus des soldats « ennemis » depuis la signature du cessez-le-feu le 19 mars et avait tué dans une embuscade certains d’entre eux quelques jours plus tôt, c’est bien une unité militaire débordée et paniquée qui a tiré sur une foule de Français d’Alger décidée à briser le blocus auquel était soumis le quartier de Bab el Oued, bastion retranché de l’OAS. Emmanuel Macron a reconnu le fait historique de ces balles françaises tuant des Français. Ces victimes étaient déjà honorées au mémorial du quai Branly depuis des années. Le Président leur donne de la visibilité ainsi et reconnaît la responsabilité de l’État mais on peut s’étonner du fait qu’il semble oublier le contexte de l’époque et le fait que l’OAS, très soutenue par les Français de Bab el Oued notamment, était engagée dans une guerre explicite contre l’armée française. L’OAS a tout de même été responsable de plusieurs tentatives d’assassinat du chef de l’État. »

    C’est pour contrebalancer son propos de 2017 quand il disait que la colonisation était « un crime contre l’humanité » ? 

    « Celui qui a dit cela n’était pas président mais candidat. Il me semble qu’il est important de s’en souvenir. En tant que président, Emmanuel Macron n’a pas repris cette affirmation même s’il est possible qu’il n’ait pas changé d’avis. Pourquoi est-ce que reconnaître la responsabilité de l’État dans le massacre de la rue d’Isly serait contrebalancer ? Je vous laisse cette affirmation. Assurément, en tout cas, le président de la République semble désireux de s’adresser à différents groupes qui ont demandé des comptes à l’État français pour ses actions passées. Il s’appuie sur des travaux scientifiques pour élaborer, ensuite, un discours politique qui, il me semble, dit toujours la même chose : j’ai entendu vos demandes et l’État reconnaît les torts qui vous ont été faits et sa responsabilité. Dans les détails, il y a des choix de la part du Président, des omissions ou des insistances qui lui sont propres. »

    La date de commémoration de fin de la guerre d’Algérie a longtemps fait débat. Le 19 mars, date des Accords d’Évian en 1962, est-elle indiscutable ? 

    « Il a en effet fallu des décennies avant qu’une date officielle soit fixée au 19 mars mais la date continue à ne pas faire consensus puisque certains considèrent qu’on oublie, en se focalisant sur le cessez-le-feu, les morts survenues après. Et elles sont nombreuses : soldats français tués par l’OAS, Français d’Algérie enlevés, Algériens tués par l’OAS ou dans des règlements de compte. Sous la présidence de Jacques Chirac, le 5 décembre a été proposé et reste aujourd’hui une date alternative aux commémorations : il y a actuellement deux dates dans le calendrier commémoratif français. Le 19 mars correspond à l’anniversaire du cessez-le-feu, le 5 décembre à celui de l’inauguration du mémorial du quai Branly à Paris. »

    Lundi 21 février à 19 h 30 au Passage culturel, place Travot. Gratuit.

    « Papa, qu’as-tu fait en Algérie » de Raphaëlle Branche. Éditions La Découverte, 25 €.

    Au lycée Champ-Blanc aussi

    Avant de venir en dédicace à Cholet, Raphaëlle Branche ira à la rencontre des élèves du lycée Champ-Blanc au Longeron (Sèvremoine), lundi 21 février dans la matinée. Pendant deux heures, elle répondra aux questions des élèves de terminale sur la guerre d’Algérie. C’est un sujet qui figure à leur programme d’histoire et forcément, les élèves ont tous, plus ou moins, un membre de leur famille qui a fait l’Algérie​, indique Pierre Breton, professeur de philosophie, qui anime ce projet avec ses collègues d’histoire-géographie.

    Source : Histoire. Guerre d’Algérie : « Le président de la République semble oublier le contexte » (ouest-france.fr)

    Monsieur le Président Macron quand allez-vous rendre hommage aux victimes de l'OAS ? Ecoutez ces terroristes et criminels responsables de 2700 victimes avant et après le 19 mars 1962 :


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    Grand remplacement… ou grand obscurantisme ?

    Grand remplacement… ou grand obscurantisme ? *** Le poison s’insinue à bas bruit dans les mairies brunes *** Benjamin Stora : « Très difficile de fabriquer du consensus sur la guerre d’Algér

    A Béziers, une campagne publicitaire de la mairie dirigée par Robert Ménard dénonce l'ouverture d'un Cada (centre d'accueil des demandeurs d'asile) dans le centre-ville, qui devrait accueillir une quarantaine de migrants. (Franck LODI/SIPA)

    Le « grand remplacement », quantitatif ou qualitatif, brandi désormais par la droite autant que par l'extrême droite, est-il un fantasme ou une réalité ?

    « Ne vous y trompez pas, aimait à dire François Mitterrand, l'extrême droite française est aussi dans la droite. » Jamais cette analyse cruelle, dont l'histoire de France fourmille d'exemples, n'a été mieux vérifiée que depuis quelques jours, avec les surenchères de politiciens de la droite officielle, paniqués à l'idée d'être dépassés par les deux candidats de l'extrême droite affichée. 

    Leurs dernières déclarations, sur le « grand remplacement » et les « Français de papier », renvoient à des vieux fantasmes qui occupaient tous les débats il y a un siècle, quand on disait la France menacée de « perdre son âme sous les coups de boutoir des envahisseurs italiens », puis polonais ; et toujours, des « envahisseurs juifs », vus, eux, non comme une menace numérique mais comme des parasites prenant la place des Français dans toutes les fonctions d'influence.

    Que penser alors aujourd’hui de ce « grand remplacement », quantitatif ou qualitatif : est-ce un fantasme ou une réalité ?

    D’abord, il correspond à une indéniable réalité biologique : chaque génération est remplacée par la suivante. Et, d’une certaine façon, la peur du grand remplacement renvoie tout simplement à la peur de la mort.

    Ensuite, il coïncide avec une réalité historique avérée : des peuples ont sans cesse été remplacés  par d’autres ; chaque pays d’Europe porte le nom d’un envahisseur ; l’Allemagne est même désignée sous le nom de trois d’entre eux (Alamans, Deutch et Germains) ; et la France d’aujourd’hui porte le nom d’un occupant, qui prit la place d’autres habitants (les Gaulois, qui eux-mêmes, etc..), en remontant jusqu’à la rencontre, sans doute en partie conflictuelle, entre les Homo sapiens et les Néanderthaliens.

    Enfin, le grand remplacement correspond aussi à un fait avéré de l’Histoire des religions : dans bien des régions du monde, les religions polythéistes ont été éliminées et remplacées par un des deux monothéismes prosélytes : par le christianisme en Europe et en Amérique ; par l’Islam en Afrique et en Asie.

    Ces mouvements continuent ; et on en a aussi la traduction dans l’évolution des langues, sans cesse nourries de mots venus d’ailleurs. Ainsi, bien des mots français viennent de plus d’une centaine d’autres langues ; ou y reviennent après avoir fait un détour par d’autres langues (tel « @mail », dont l’origine première est française, « la malle poste »).

    La menace nouvelle aujourd’hui ne vient donc pas de la poursuite de l’arrivée de gens venus  d’ailleurs : quoi qu’on veuille, ils viendront de plus en plus nombreux, d’Afrique et d’Asie, attirés en Europe par la sécurité qui leur manque tant. Et ils apporteront, comme l’ont fait les autres étrangers avant eux depuis des siècles, leur travail, leurs compétences, leurs volontés, leurs énergies, leur créativité, leur cuisine, leur musique, leur vocabulaire, leur culture.  

    La menace vient de ce que, après huit siècles de batailles en Europe pour obtenir l’indépendance de la pensée à l’égard du religieux, (bataille non encore gagnée dans beaucoup de pays), l’obscurantisme religieux tente de nouveau de vaincre les Lumières. Et nul ne pourra plus se réjouir du renversement de la dictature d’un obscurantisme chrétien, si c’est pour se voir imposer celle d’un nouvel obscurantisme, musulman ou autre.

    Il ne s’agit pas ici d’une menace de pays musulmans : les grands pays de l’Islam, du Maroc à l’Arabie Saoudite, avancent à marche forcée vers une modernité qui n’est en rien contraire à leur foi. Ni d’une menace des migrants de fraiche date : s’ils viennent en Europe, c’est justement, pour l’essentiel, parce qu’ils fuient l’obscurantisme et la dictature chez eux.

    La menace vient surtout de quelques descendants de ces migrants qui cherchent des réponses que la modernité occidentale ne leur fournit plus, et qui veulent recréer en Europe, par la terreur parfois, certains éléments d’un mode de vie que leurs parents ont fui et contraires à nos valeurs, en particulier à l’égard des femmes et de la démocratie.   

    La défense des Lumières et de la laïcité (et de notre mode de vie, qui en découle) est vitale. Et c’est sur cette base qu’il faut s’ouvrir aux gens venus d’ailleurs ; en étant très attentif à l’intégration durable de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Combattre l’obscurité par la lumière. 

    Grand remplacement… ou grand obscurantisme ? Le poison s’insinue à bas bruit dans les mairies brunes * Benjamin Stora : « Très difficile de fabriquer du consensus sur la guerre d’Algérie

    Jacques Attali

    Écrivain, Président de A&A conseil et de la Fondation Positive Planet francepositive.com

    Le grand remplacement est une réalité de la vie, des peuples, des cultures, des langues. Ce qui nous menace c’est plutôt le grand obscurantisme, qui verrait anéantir huit siècles de combat pour les Lumières et la laïcité.

     

    Source : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/grand-remplacement-ou-grand-obscurantisme-1388012 

     

    Le poison s’insinue à bas bruit

     dans les mairies brunes

    À Perpignan ou à Beaucaire, à Moissac ou à Béziers, les maires RN ou proches ont tous la même stratégie idéologique et la volonté de faire de leur gestion un tremplin vers le pouvoir central.

    Grand remplacement… ou grand obscurantisme ?

    Une partie des participants à la conférence de presse de Visa et des syndicats de l’association. photo a.M.( A.M )

    Il y a pire que le bruit des bottes, le silence de pantoufles. » Par cette citation de l’écrivain suisse Max Frisch, l’historien Richard Vassakos illustre le danger du laisser-faire face aux stratégies d’extrême droite.

    Le 9 février à Béziers, des syndicalistes des villes d’Occitanie que gèrent des maires du RN ou proches de lui et des membres de Visa* ont dépeint les similitudes de leur gestion. Similitudes qu’une brochure** qui sera distribuée dans les boîtes aux lettres résume.

    De Beaucaire à Béziers et de Perpignan à Moissac (Tarn-et-Garonne), tous relèvent des « attaques contre le service public » (Yvan Clariana FSU Béziers), des « brutalités contre les personnels » (Patricia Barbazange CGT Béziers), des « bouffées de racisme en conseil municipal » (Françoise Akoum, Réagir pour Beaucaire) et un « pouvoir illimité » sur la gestion du personnel de plus en plus « soumis à l’arbitraire » (Jean Boucher CGT Perpignan). La « montée des nationalismes et de la question identitaire chez les élèves » que dénonce Yvan Clariana, Jean Boucher la résume ainsi : « Dans toutes ces mairies, la politique est à l’ultra-chauvinisme. » Ce qui amène Louis Aliot à nier la catalanité de Perpignan, en supprimant tout ce qui rappelle la Catalogne dans le blason de la ville ou en interdisant le drapeau sang et or lors d’une manifestation catalane. Même chose à Beaucaire où le drapeau de la ville a disparu du blason remplacé par des références religieuses.

    Le catholicisme, c’est le dada de tous. Tous ont placé des crèches dans leur hôtel de ville. « Au début, le sous-préfet de Béziers intervenait pour faire respecter la loi, rappelle Mathilde Vidal (Solidaires), désormais même les décisions de justice sont ignorées. »

    L’apathie de l’État

    Une « apathie de l’État » qui « interpelle » Richard Vassakos. À Béziers, dit-il, même les cérémonies patriotiques ont été christianisées. Il ajoute : « Ceux qui vont à la messe dans les arènes ne le savent pas, mais ils intègrent une sorte de "nous chrétiens" face à "eux" dont on imagine qui ils sont. » Son dernier livre La croisade de Robert Ménard (chez Libertalia) dissèque d’ailleurs la manière « subtile » qu’a ce dernier de réécrire l’Histoire au profit de ses idées particulièrement de la « NostAlgérie » et de la haine du 19 mars qui a mis fin à la guerre coloniale.

    Et Daniel Kupferstein (Visa34) de dénoncer « cette convergence de gestion des mairies brunes » qu’il ne faut surtout pas laisser passer. « On a besoin d’unité et de se retrouver dans l’action », résume Jean Boucher « contre le tremplin vers le pouvoir central que représentent ces mairies brunes ».

    *Vigilance et initiatives syndicales antifascistes. 

    ** « S’armer contre l’extrême droite » (3€) dispo le 12 février.

    Source : Le poison s’insinue à bas bruit dans les mairies brunes (lamarseillaise.fr) 


     

    ENTRETIEN. Benjamin Stora : « Très difficile de fabriquer du consensus sur la guerre d’Algérie »

    Spécialiste de l’histoire de l’Algérie, où il est né en 1950, Benjamin Stora a rédigé un rapport en janvier 2021 sur les questions mémorielles liées à la guerre d’Algérie. L’historien décrypte ce conflit complexe.

    Grand remplacement… ou grand obscurantisme ? Le poison s’insinue à bas bruit dans les mairies brunes * Benjamin Stora : « Très difficile de fabriquer du consensus sur la guerre d’Algérie


    L’historien Benjamin Stora, spécialiste de l’Algérie, s’est intéressé à tous les groupes portant la mémoire de la guerre d’Algérie. | DANIEL FOURAY / OUEST-FRANCE

    À l’occasion des soixante ans des accords d’Evian mettant fin à la guerre d’Algérie, Ouest-France publie un hors-série intitulé France et Algérie : comprendre l’histoire, apaiser les  Ce hors-série revient sur l’histoire commune de la France et de l’Algérie et les initiatives pour apaiser les mémoires des deux côtés de la Méditerranée. À cette occasion, l’historien Benjamin Stora nous a accordé un entretien. Spécialiste de l’histoire de l’Algérie, il est également l’auteur d’un rapport, remis en janvier 2021 au président Macron, sur Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie .

    Selon l’historien Pierre Nora, « l’histoire rassemble, la mémoire divise ». Pourquoi alors, le travail des historiens a-t-il tant de mal à rassembler les mémoires sur la guerre d’Algérie ? 

    Le travail des historiens est considérable sur la guerre d’Algérie. À la fin des années 1990, j’avais recensé près de 3 000 ouvrages. Pourquoi est-ce si difficile ? Parce que, déjà, l’Algérie n’était pas une colonie française comme les autres. Contrairement au Maroc, à la Tunisie, au Sénégal ou à l’Indochine, c’était des départements français, une partie du territoire national.

    La fin de l’Algérie française a été ressentie comme une amputation d’une partie de la France, réduite ainsi à l’Hexagone. Ça a ouvert une crise du nationalisme français.

    La cohabitation entre les communautés dans l’Algérie française n’a pourtant jamais été réelle… 

    Il y avait les drapeaux, le kiosque à musique, les allées bordées de platanes, la mairie en face de l’église. On avait l’illusion de vivre dans une petite France reconstituée, mais avec un problème central. C’était à la fois la France et pas la France puisque la majorité, les Français musulmans, n’avait pas les mêmes droits que les citoyens français. On vivait dans une sorte de théâtre, de fiction.

    Les gens vivaient dans le même espace mais avec aussi une différenciation sociale forte. D’ailleurs, les citoyens français de plein droit n’avaient pas forcément une situation sociale supérieure aux gens de la Métropole. Beaucoup de pieds-noirs étaient pauvres. C’était assez incroyable et paradoxal, d’où la complexité de la situation.

    Une guerre classiquement anticoloniale mais aussi une guerre civile

    — Benjamin Stora

    C’est dans ce contexte que va éclater la guerre d’Algérie… 

    C’est une guerre classiquement anticoloniale, mais aussi une guerre civile. Ce qui explique qu’elle n’avait pas de nom car comment se faire la guerre à soi-même ?

    Après l’indépendance, il va donc y avoir en France un sentiment double de remords et de ressentiment. Remords de la colonisation, des exactions commises (tortures, napalm, déplacements de populations…) mais aussi ressentiment parce que toute une partie de la population a le sentiment d’avoir été trahie, abandonnée, incomprise.

    Pratiquement tous les groupes portant la mémoire de la guerre d’Algérie (soldats appelés du contingent, pieds-noirs, harkis, militaires, immigrés algériens pro-indépendance) ont eu le sentiment d’être incompris. De Gaulle avait dit : « Je vous ai compris » et tous ces groupes ont dit « il n’a rien compris » ou plus exactement « nous sommes des incompris ». Dans ces cas-là on s’enferme dans une solitude de l’incompris. Et cela représente des millions de personnes.

    Un million et demi de jeunes appelés français (ici des conscrits en 1955, lors de la traversée de la Méditerranée) vont être envoyés en Algérie entre 1954 et 1962. | STANISLAS HUTIN

    Cette solitude, pourquoi perdure-t-elle soixante ans après ? 

    Il y a d’abord une organisation de l’oubli. L’amnésie est construite par l’État qui fait différentes lois d’amnistie (de 1962 à 1982). Cette amnistie fabrique de l’amnésie car plus personne ne pourra porter plainte. Il n’y aura jamais de procès sur la guerre d’Algérie en France et cela nourrit aussi du ressentiment.

    Et puis il y a une amnésie dans la société elle-même. À la suite de guerres, d’effondrements, de catastrophes ou d’exodes, les gens n’ont pas trop envie de parler. Le travail de deuil se fait dans la solitude. Les gens qui sortent de la guerre ont envie de vivre, travailler, trouver un logement, élever leurs enfants. La société veut vivre, consommer, il y a quelque chose de l’amnésie volontaire.

    On est passé de l’amnésie à une hypermnésie. Or, ne rien oublier empêche de vivre.

    — Benjamin Stora

    Et la mémoire revient… 

    On va sortir de cet oubli au début des années 1990, avec les enfants de tous les groupes de mémoire. La mémoire revient en force mais dans des conditions compliquées parce qu’en même temps, en Algérie, il y a la guerre civile (la « décennie sanglante » face aux groupes islamistes), avec ses extensions en France. Il y a un télescopage des mémoires entre les deux guerres, un désordre. Chacun revendique alors pour lui-même.

    Dans les années 2000, avec la reconnaissance de la torture, il y a une tentative de sortie de guerre. Mais on a une situation internationale catastrophique avec la montée de l’islamisme, le durcissement identitaire. Cela se concrétise en France par la loi de 2005 de reconnaissance de la « mission civilisatrice de la colonisation ». Et là, ça met le feu aux poudres, tout le monde se replie sur ses positions. On en est resté là.

    On est passé de l’amnésie à une hypermnésie. Or, ne rien oublier empêche de vivre. Et là on passe à des mémoires qui peuvent devenir dangereuses.

    Comment cette mémoire est-elle entretenue en Algérie depuis l’indépendance ? 

    En Algérie, on a une histoire reconstruite par le pouvoir issu du FLN (Front de libération nationale). Une mémoire reconstruite idéologiquement, avec l’évacuation des leaders historiques du nationalisme algérien comme Messali Hadj et Ferhat Abbas, mais aussi l’éviction des acteurs de la Révolution elle-même.

    Dans la mesure où les principaux leaders politiques ne sont plus là, c’est une mémoire à caractère militaire qui va s’imposer. La guerre d’Algérie est considérée comme une victoire militaire, ce qui ne correspond pas à la réalité historique, la victoire algérienne étant essentiellement politico-diplomatique.

    La France était isolée au plan politique internationale. Pour de Gaulle, il fallait sortir de cette situation. Tout le problème des jeunes générations, c’est la réappropriation de l’histoire politique au détriment du militaire.

     

    Benjamin Stora estime que l’Algérie doit sortir de la culture de la guerre mais regrette aussi qu’en France, la guerre d’Algérie soit étudiée sans parler de la conquête de l’Algérie, cent ans avant seulement. | DANIEL FOURAY / OUEST-FRANCE

    Vous avez déclaré récemment que l’Algérie doit sortir de la culture de la guerre mais ne pas oublier que c’est la France qui a colonisé. C’est une condition préalable à un apaisement entre les deux pays ? 

    C’est un point d’équilibre à trouver. La culture de guerre est du côté algérien dans sa reconstruction post-indépendance. Du côté français, on aborde la question algérienne par sa fin mais on ne la traite pas par le début, la guerre de conquête, qui n’est pas étudiée. Et pourtant, durant plus de trente ans, elle a été effroyable… La guerre d’Algérie arrive cent ans seulement après. La mémoire algérienne est alors très forte sur les souvenirs de la conquête, avec les enfumades, les déplacements de population, les razzias, les dépossessions foncières…

    En tant qu’historien, comment conciliez-vous votre travail et votre propre mémoire personnelle, vous qui avez dû fuir l’Algérie en 1962, à 12 ans ? 

    Au début, je l’ai mise à distance et à la fin je l’ai prise avec moi. Mes derniers livres portent sur ma propre histoire. J’ai une mémoire double, la mémoire ancienne d’une communauté juive depuis l’Antiquité, mais aussi une mémoire d’engagement politique des années 1970. Je travaille avec cette double mémoire, celle de l’engagement à gauche et de la tradition religieuse. Je n’ai jamais rejeté ces deux mémoires. Ça a fabriqué mon identité personnelle et mon métier d’historien. Je travaille sur toutes les mémoires. Ce qui ne signifie pas que je considère que le colonisateur doit être mis sur le même plan que le colonisé.

    Benjamin Stora a remis en janvier 2021, au président Emmanuel Macron, son rapport intitulé « Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie ». | REUTERS

    Votre rapport a été très critiqué en Algérie, notamment par l’État. Comment l’avez-vous pris ? 

    C’est difficile à vivre. L’État algérien met la question des excuses comme préalable idéologique à toute discussion. À partir de là, on ne peut aborder aucun sujet. Je crois que c’est par les travaux pratiques que nous avancerons. Pas par des déclarations abstraites ou des excuses à répétition. Ça ne marche pas.

    Il faut prendre des initiatives sur des sujets très concrets, hautement symboliques.

    — Benjamin Stora

    Quelle est la bonne méthode ? 

    Il faut prendre des initiatives sur des sujets très concrets, hautement symboliques. Les disparus. Combien ? Les essais nucléaires. Combien d’irradiés, y compris parmi les appelés français ? Comment répare-t-on ? Qui gère les archives ?

    Vous proposez par exemple la restitution des corps des Algériens guillotinés en France…

    J’espère que des plaques seront posées dans les prisons françaises où ont eu lieu ces exécutions. Il y en a eu 45. C’est beaucoup. Je propose aussi que les cimetières européens et juifs d’Algérie soient enfin entretenus. Beaucoup de gens ont été sidérés en découvrant dans mon rapport qu’ils ne l’étaient plus depuis toutes ces années.

    Que dites-vous à ceux qui attendent que les Algériens fassent aussi un premier pas ? 

    On en est là depuis soixante ans… Si on attend que l’autre commence, on ne fera jamais rien ! Il faut faire le premier pas, mesurer l’étendue de ce qui a été accompli et voir ensuite comment on peut en faire un autre. Ensemble. Nos deux pays auraient déjà pu suivre cette méthode des « petits pas » sur les cimetières, les essais nucléaires et les archives. Ils n’ont pas besoin d’être d’accord avec la totalité de mon rapport pour agir.

    Le 4 juin 1958, le général de Gaulle prononce son célèbre « Je vous ai compris » à Alger. Pourtant, il n’a jamais réussi à fabriquer du consensus autour de la question algérienne. | AFP

    L’Occupation a, elle aussi, donné lieu à une guerre civile en France. La réconciliation avec l’Allemagne a été rapide. Pourquoi pas avec l’Algérie ? 

    Parce que de Gaulle a raté en 1962 ce qu’il avait réussi en 1945. Il a réussi à fabriquer du consensus en 1945 en décrétant que la France n’était pas représentée par Vichy. Ses amnisties ont fonctionné et la collaboration a été occultée jusque dans les années 1970.

    Qu’est-ce qui n’a pas marché en 1962 ? 

    L’unité nationale autour de la question algérienne a vite volé en éclat. De Gaulle a réussi à faire oublier l’Algérie entre 1962 et 1968 grâce à ses prises de position tiers-mondistes. Ses discours de Phnom Penh, de Mexico ou de Québec l’ont fait apparaître comme un décolonisateur, partisan de la libération des peuples, ce qui est quand même exceptionnel… Il a donné le sentiment aux Français que le pays était toujours une grande puissance mondiale. Mais il n’a pas construit de consensus national. C’est très difficile encore aujourd’hui de fabriquer du consensus sur la guerre d’Algérie.

    Même les dates de commémorations sont éclatées

    — Benjamin Stora

    Avec quelles conséquences ? 

    Cette absence de consensus nous a empêchés d’unifier la mémoire autour de l’Algérie. Même les dates des commémorations sont éclatées ! Les immigrés ont le 17 octobre 1961 ; les anciens appelés de la FNACA le 19 mars 1962, mais pas les anciens combattants de l’UNC ; les pieds-noirs se souviennent de la fusillade de la rue d’Isly le 26 mars 1962 ; et des disparus d’Oran du 5 juillet…

    Ne pas pouvoir commémorer, est-ce risquer d’oublier ? 

    On m’a souvent dit que tout passerait avec le temps, que ça irait mieux en Algérie après la mort de Bouteflika. Ce n’est pas si simple. Les groupes que j’avais identifiés dans mon livre La gangrène et l’oubli, en 1991, ont éclaté. Appelés du contingent, militaires de carrière, harkis, pieds-noirs… l’exil les avait rapprochés. Les enfants d’aujourd’hui sont parfois en désaccord avec leurs pères et leurs grands-pères. Les nouvelles générations peuvent dire les choses telles qu’elles sont, sans filtre. Mais la mémoire ne s’efface pas pour autant. Elle se transmet toujours au sein des familles.

    Pourra-t-on enseigner un jour la guerre de la même façon en France et en Algérie ? 

    Je ne crois pas qu’on puisse bâtir un récit commun, nos imaginaires nationalistes sont trop opposés. Et fragmentés, y compris chez nous. Certains refusent encore de reconnaître l’injustice du fait colonial, d’autres nient la dimension anticoloniale du pays. Clemenceau et Jaurès dès la fin du XIXe siècle, ou les communistes et certains socialistes, autrefois très puissants, ont toujours refusé le système colonial.

    Et sur les chiffres ? Parviendrons-nous à accorder nos bilans… 

    Non plus ! Ils sont devenus un enjeu mémoriel extraordinaire, des deux côtés de la Méditerranée. Donc un enjeu politique. Les Algériens en sont à un million et demi de « martyrs », alors que la plupart des historiens les estiment entre 300 000 et 400 000 morts… C’est délirant. Et ça gêne considérablement le travail de mémoire et d’histoire. C’est une évidence.

    Source : ENTRETIEN. Benjamin Stora : « Très difficile de fabriquer du consensus sur la guerre d’Algérie » (ouest-france.fr) 

     

     

     


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    Communiqué de Jean-François Gavoury

    Communiqué de Jean-François Gavoury  président de l’ANPROMEVO

     

    Madame,
    Monsieur,

    Radio Campus Paris, radio associative et locale d’étudiants et jeunes franciliens, a consacré l’une de ses émissions à la commémoration, le 8 février 2022 à Paris, de la manifestation qui s’est si tragiquement conclue, soixante ans plus tôt, au métro "Charonne".

    Le lien pour l’écouter est le suivant :
    https://www.radiocampusparis.org/recreation-sonore-charonne-1962-13-02-2022 

    Le recul de six décennies sur les faits en autorise des analyses et interprétations qui m’apparaissent originales et pertinentes.

    À noter, cependant, à la quarantième minute du reportage, l’intervention singulièrement laborieuse de l’excellent orateur Benjamin Stora :
    « Il y a quelque chose qui ne figurait pas dans mon rapport et que j’ai mentionné dans … disons …pour de prochaines initiatives : c’est en particulier ce qu’on pourrait appeler la mémoire communiste, et je plaide pour qu‘il y ait une reconnaissance publique du massacre de Charonne le 8 février 1962.
    « Donc, il y a une déclaration officielle de l’Elysée ou du Président de la République sur ce qui s’est passé à Charonne où, comme vous le savez, bien sûr, il y a eu … disons … huit - pardon neuf ! - manifestants qui ont été tués à cette manifestation contre l’OAS à Charonne. » 

    L’emploi par l’historien du mot « donc » permet à Muriel Ks de préciser :
    « Benjamin Stora a été entendu : ce 8 février 2022, la Présidence de la République a publié un communiqué de cinq lignes rendant hommage aux victimes de la manifestation […] »

    De deux choses l’une :
    - soit M. Stora se livre à la récupération d’un geste présidentiel dont le Comité Vérité et Justice pour Charonne s’était cru l’artisan tout en en ayant regretté la discrétion et la portée limitée ;
    - soit M. Stora dit vrai et mérite dans ce cas la gratitude dudit Comité ainsi que des mouvements et organisations ayant appuyé l’appel de ce dernier à commémorer. 

    Je ne peux décemment que retenir cette seconde hypothèse et serais obligé à M. Benjamin Stora de bien vouloir faire dès à présent savoir aux deux associations porteuses de la mémoire des victimes de l’OAS :
    - s’il a complété son rapport du 20 janvier 2021 par une préconisation tendant à la reconnaissance par le chef de l’État de la douleur de ces victimes et de celle de leurs familles ;
    - quelle est la date qu’il a avancée pour la célébration de leur souvenir, par exemple le 15 mars ou, à défaut, le 19 mars. 

    Je le remercie ici de sa bienveillante attention.

    Bien cordialement,

    Jean-François Gavoury
    Fils de victime de l’OAS
    Pupille de la Nation
    Orphelin de guerre

     

    Ce 13 février 2022, une émission à la fois historique

    et d’actualité. 

    Communiqué de Jean-François Gavoury  président de l’ANPROMEVO


    Ce même 13 février, il y a 60 ans tout juste aujourd’hui, se déroulait à Paris un des plus grands rassemblements populaires du 20è siècle, les obsèques des 9 manifestants tués lors d’une manifestation pour la paix et contre le fascisme, le 8 février.

     

    Parce que je craignais qu’on ne les oublie, 

    Parce que finalement, la République leur a rendu hommage… mais en 5 lignes, 

    Parce que leur mémoire est plus importante que jamais aujourd’hui. 

    Communiqué de Jean-François Gavoury  président de l’ANPROMEVO

    Communiqué de Jean-François Gavoury  président de l’ANPROMEVO

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Je remercie vivement toutes les personnes qui m’ont permis de réaliser ce documentaire : 

    Emmanuel Blanchard, historien,  Maître de conférences en sciences politiques de l’Université de Versailles-Saint-Quentin, spécialiste de l’histoire de la police, auteur notamment de « L’histoire de l’immigration algérienne en France », aux Editions La Découverte,
    Alain Dewerpe, historien, pour son livre « Charonne, 8 février 62, anthropologie d’un massacre d’état » aux éditions Gallimard,

    Maryse Douek- Tripier, sociologue, manifestante,
    François Kaldor, avocat honoraire, manifestant,
    Daniel Kupferstein, documentariste, auteur de « 
    Mourir à Charonne, pourquoi ? »
    Pierre Mansat, président de l’Association Josette et Maurice Audin,
    Charlotte Perry, documentariste, autrice de « 
    Non, non rien de rien, non les anciens de l’OAS ne regrettent rien » pour Là-bas si j’y suis, 
    Fabrice Riceputi, historien, chercheur associé à l’IHTP, co- animateur des sites
    histoirecoloniale.net et 1000autres.org et auteur d’ Ici on noya les Algériens ed.Le passager clandestin, 2021,
    Benjamin Stora, historien, professeur à l’Université Paris 13 , spécialiste de l’histoire du Maghreb et des guerres de décolonisations, auteur notamment d’un rapport sur
    « Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie »,
    Sylvie Thenault, historienne, directrice de recherche au CNRS, spécialiste de la guerre d’indépendance algérienne, autrice du livre  » Les Ratonnades d’Alger. Une histoire sociale du racisme colonial aux Editions du Seuil, 2022.

    Et mon père, José Luis Sanchez, manifestant. 

    “Charonne, 1962” est un documentaire de création de Muriel KSExtraits des films « Diabolo Menthe » de Diane Kurys et de « Mourir à Charonne, pourquoi? » de Daniel Kupferstein. 

    Cette émission a été préparée et présentée par Muriel KS . 

    Cliquez sur le lien ci-dessous pour écouter l'émission

     

     

     

     


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    Communiqué de Jean-Philippe Ould Aoudia

    Président de l'ASSOCIATION LES AMIS DE MAX

    MARCHAND, DE MOULOUD FERAOUN

      ET DE LEURS COMPAGNONS 

    Communiqué de Jean-Philippe Ould Aoudia

    Wikipedia : Barricades dans la rue Michelet d'Alger, avec une banderole des insurgés portant la mention « VIVE MASSU ».

    « Depuis plusieurs années, je suis sans illusion sur un quelconque hommage de l’Etat à la mémoire de ceux qui lui sont resté fidèles en y laissant la vie.

    Pour preuve ce communiqué diffusé par notre association le 18 janvier 2010 dont je retiens cette phrase : " Tout, alors, conduirait à penser que demain, la mémoire des victimes de l’OAS en France et en Algérie ne mériterait ni respect, ni hommage ".

     

    Pour protester contre l’annonce de manifestations publiques, organisées par d’anciens membres de l’OAS, visant à célébrer l’anniversaire de la journée dite des « Barricades », l’association a publié le communiqué suivant.

     

    Communiqué de Jean-Philippe Ould Aoudia

     

                                                                                                            Le 18 janvier 2010

    C O M M U N I Q U É

     

    D’anciens Ultras de la colonisation en Algérie envisagent de célébrer la journée des « barricades » le 23 janvier à Cagnes-sur-mer et le lendemain à Toulon.

    Le 24 janvier 1960 à Alger, voulant rétablir l’ordre, 14 gendarmes mobiles ont été tués et 125 blessés par les tirs des fusils-mitrailleurs servis par des insurgés embusqués. Les autorités n’ont jamais indiqué le nombre des gendarmes qui devaient succomber à leurs blessures.

    Un certain nombre d’entre eux ont été déclarés « Mort pour la France ».

    Ceux qui ont, ce jour-là, déclaré la guerre contre l’État, se retrouveront bientôt dans l’OAS. En tête des organisateurs des journées du Midi, figure Gabriel Anglade qui revendique sa participation à l’assassinat des six Inspecteurs des Centres sociaux éducatifs, le 15 mars 1962 à Alger, victimes dont notre association défend l’œuvre et la mémoire.

    Le pire serait à craindre si l’État ne dénonçait pas la récupération politique d’un jour noir pour la République, et s’il faisait preuve une fois encore de complaisance à l’égard de ceux qui n’ont pas hésité à mitrailler des gendarmes, tenter de renverser la République par le putsch le 21 avril 1961, abattre des policiers, assassiner des enseignants et tuer des magistrats, attenter à la vie du Chef de l’État.

    Tout, alors, conduirait à penser que demain, la mémoire des victimes de l’OAS en France et en Algérie ne mériterait ni respect, ni hommage

    Les autorités ont obligation de défendre et d’honorer la mémoire des civils et des militaires, des magistrats et des fonctionnaires, défenseurs des institutions et des valeurs de la République, victimes du devoir.

    Douze ans plus tard, je n’en retire pas un mot. Hélas. Puisse l’Elysée me donner tort ! »

     

                                                                                Le président

                                                                            Jean-Philippe Ould Aoudia

     

     


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  • « Morts pour la France dans l’anonymat »

    « Morts pour la France dans l’anonymat »

    « Ils avaient vingt ans et ont été incorporés pour un « simple maintien de l’ordre », qui a duré vingt-sept mois pour beaucoup d’entre eux. » | ARCHIVES AFP

    Le décès d’un soldat de la force Barkhane en Afrique fait l’objet d’une grande médiatisation et ses obsèques donnent lieu à des reportages largement télévisés sur les grandes chaînes nationales. Ces célébrations sont nécessaires pour la mémoire des disparus ainsi que pour leurs familles. Elles le sont aussi pour forger notre conscience nationale.

    Lors de la guerre d’Algérie, des dizaines de milliers de soldats du contingent y ont perdu la vie. Ils avaient vingt ans et ont été incorporés pour un « simple maintien de l’ordre », qui a duré vingt-sept mois pour beaucoup d’entre eux.

    Ils n’étaient pas des militaires professionnels et ils étaient bien jeunes. Aujourd’hui, les camarades de ceux qui ont été tués à leurs côtés voient la différence de traitement que notre pays aura faite entre ses « morts pour la France », ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui.

    D’un côté les honneurs, de l’autre la mort anonyme. Bien des familles de ces « petits gars » constatent qu’à l’époque, on faisait peu de cas de leur malheur. Des souvenirs douloureux tourmentent encore beaucoup de contemporains de ces événements, actuellement octogénaires. Pensons aussi à eux.

    Combien de bateaux de retour en métropole auront ramené des dizaines de cercueils dans leurs cales ?

    À l’époque, on ne communiquait pas sur le nombre de décès au combat. Les journaux faisaient état, de temps en temps, de « victoires françaises » sur le terrain.

    Tous ces dégâts humains pour quel résultat ? Une indépendance pour une population à qui on a toujours refusé la citoyenneté française dans ces trois départements où les uns, d’origine européenne, étaient citoyens alors que les autres, l’immense majorité, restaient des sujets. Ces derniers avaient les mêmes devoirs que les citoyens français, mais pas les mêmes droits.

    Et nos politiques de l’époque ont envoyé sur ce territoire notre jeunesse pour défendre l’indéfendable. Comme toujours, les responsables des conflits ont fait payer à leurs peuples – mais pas qu’à eux – les conséquences de leurs sanglantes expéditions.

    Citons Victor Hugo : « La guerre c’est la guerre des hommes. La paix c’est la guerre des idées. »

    « Guerre d’Algérie, les appelés n’avaient pas le choix »

    Guy Le Floch (Loire-Atlantique) :

    « Merci et bravo à votre lecteur  (O.-F. du 10 février). En effet, je suis entièrement d’accord avec son courrier nommé « Morts pour la France dans l’anonymat ». Bien que n’étant pas allé en Algérie durant mon service militaire classe 58 1 A, orphelin de guerre et pupille de la nation, j’ai quand même effectué vingt-huit mois sous les drapeaux.

    J’ai deux camarades qui se sont fait tuer en pénétrant dans une grotte où se trouvaient des combattants algériens et un autre s’est suicidé après ce qu’il avait enduré.

    Mes camarades n’avaient pas demandé à participer à cette opération appelée « maintien de l’ordre ». Ils étaient obligés d’y participer, contrairement aux soldats des opérations extérieures (Mali, Burkina, etc.) qui ont opté pour le métier des armes avec tout ce que comporte cette profession. Bien sûr, je compatis à la douleur de la famille et des amis. »

    SOURCE : https://www.ouest-france.fr/medias/ouest-france/courrier-des-lecteurs/morts-pour-la-france-dans-lanonymat-8ddfcd34-e573-4ee8-9858-515ade5fae4f 

    Et pour moi ce fut quoi "ma guerre d'Algérie" ?
     

     

    Ma Guerre d’Algérie

    Mon témoignage d'ancien combattant de la guerre d'Algérie "Pourquoi j'ai refusé la Croix du Combattant"

    J'avais à peine 20 ans, Thiout à quelques kilomètres d'Aïn Sefra, derrière moi

    la ligne de chemin de fer Oran-Colomb-Béchar 

     

    Et moi qui, dès l’âge de 16 ans n’a manqué aucunes manifestations contre la guerre d’Algérie je reçois ma feuille de mobilisation… j’ai à peine 20 ans, c’est le 1er mai 1961.  

    Départ pour Marseille, puis embarquement sur le "Ville d'Oran" pour le Club Med... façon "maintien de l'Ordre dans l'Algérie française" 


    Débarquement à ORAN

     

    Alors que j'arrive en civil sur cette terre déchirée par une guerre, qui ne dira son nom que 38 ans après en 1999, pour le moment ce n’était que des « évènements, du maintien de l’ordre… quelle hypocrisie » je ne me doute pas qu'au même moment, un autre garçon de mon âge prend lui le chemin du Djebel pour défendre sa Liberté, la vraie, celle de libérer son Pays du colonialisme.

    J’arrive donc à Oran pour quelques jours, avant de partir pour ma destination prévue, à quelques kilomètres de Aïn Sefra, dans la Palmeraie de Thiout,  dans ce pays  je ne vois que des exploités et des dominés, les souvenirs de mon enfance me remontent à la mémoire, je sens que je vais être obligé de faire des choses  contraires à mon idéal de paix et de tolérance, j'ai déjà le sentiment de ne pas me trouver du bon côté... Mais j'ai eu beaucoup de chance et je ne le savais pas encore, dans la région du Sud Oranais où je me trouvais il ne s'est rien passé... Je n'ai même jamais vu ce qu'on appelait un fellagha... Pour cette raison je n'ai jamais eu à me servir d'une arme individuelle... pour cette raison je "n'ai pas eu de sang" sur les mains...
      
    Mais je sentais que leur histoire allait devenir la mienne, c'est vrai comme le disaient les pieds noirs, qu'ils avaient repoussé les lions qui étaient aux portes d'Oran, sous-entendant, que leur présence avait contribué au développement du pays. OUI, c'est vrai, il y avait les hommes et les sous hommes ceux qui commandaient et ceux qui travaillaient dans les régions déjà développées, pour le reste, c'était encore le désert.  OUI l'injustice et les inégalités étaient criantes.
    OUI j'ai connu des gens qui se croyaient supérieurs et qui traitaient les "Indigènes de quantités  négligeables".

    Le summum de l’ignominie lorsque j’ai appris que l’armée française à la manière des nazis a brûlé des corps dans ce qui ressemblaient à des fours crématoires… c’étaient des fours à chaux… Quelle colère… quel dégoût… Je ne parlerai pas de la torture sous toutes ses formes les plus immondes, des villages brûlés au napalm, c’étaient autant … d’Oradour…

     

    Ma libération

                

    21 mois après, le 8 janvier 1963, je suis de retour en France, j'ai beaucoup de difficulté à me réadapter à la vie civile, je trouve difficilement le sommeil, le moindre bruit me fait réagir… car je pense aux événements de "là-bas" (comme ils disent), ce triste exode des populations Pieds Noirs dont les plus modestes ont tout perdu... car il n'y avait que 3 % de riches colons qui, eux, ont eu le temps de tout sauver. Pendant que 25000 à 30000 militaires français sont morts, environ  450000 Algériens (1 million et demi dit l'Algérie) ont été tués dans cette sale guerre coloniale. J’ai appris que la passation des pouvoirs ne s'est malheureusement pas faite en douceur comme en Tunisie, au  Maroc ou bien encore en Afrique du Sud avec Mandela.  
    En 1962, l'Algérie retrouve son indépendance après 132 ans de présence Française, cependant une autre guerre fratricide continue, les anciens Harkis désarmés par l'Armée Française en paieront le prix fort... mais dernièrement grâce au livre-enquête de Pierre Daum " Le Dernier Tabou " va à l'encontre des idées reçues.

    Deux ans et demi d’enquête, 20 000 km parcourus et des dizaines de témoignages inédits ont été nécessaires à Pierre Daum pour réaliser « Le Dernier Tabou, les harkis restés en Algérie après l’indépendance ». Avec cette publication, le simple mot de « harki » ne résonnera plus de la même façon, ni en France ni en Algérie.  

    Cette enquête bouleverse en effet pas mal d’idées reçues, notamment celle du « massacre massif » de harkis après la signature des accords d’Evian.
    Pour l’auteur de l’essai, « les nostalgiques de l’Algérie française instrumentalisent depuis 55 ans les souffrances (par ailleurs réelles) que de nombreux harkis ont vécues au moment de l’indépendance. En exagérant le nombre de morts (le chiffre de 150 000 est très souvent repris alors qu’il ne repose sur aucun fondement historique) et en parlant de "massacre" , voire de "génocide" des harkis, ces nostalgiques tentent, sous couvert d’un pseudo-humanisme, de justifier le combat des ultras de l’Algérie française, notamment de l’OAS. »

    L’argument est de fait, mis en avant de manière permanente par ceux qu’on appelle communément les « nostalgériques », dont on vient de voir à Béziers jusqu’où ils sont capables d’aller. Pierre Daum en est persuadé : « derrière leurs discours dénonçant le "massacre des harkis" , il faut en fait entendre : »nous n’aurions jamais dû lâcher l’Algérie, regardez ce que ces pauvres harkis ont subi ! « Discours plutôt efficace puisque la plupart des Français pensent qu’en 1962, les harkis ont soit réussi à s’enfuir en France, soit ont été massacrés. »
    « La version véhiculée par ces groupes postule qu’aucun harki n’est resté vivre en Algérie. Ce qui est complètement faux. Mon enquête, dit Pierre Daum, révèle qu’en réalité, la grande majorité des harkis est restée dans son pays sans y être assassinée. »

    Si l’on en croit les résultats de la longue et minutieuse enquête de l’auteur, la plupart d’entre eux sont retournés dans leurs villages et ont retrouvé la vie de paysans très pauvres qu’ils avaient avant la guerre. Beaucoup n’ont pas été véritablement inquiétés. D’autres sont passés par des tribunaux populaires, devant lesquels beaucoup ont réussi à s’en sortir, expliquant n’avoir « rien fait de mal », ou avoir été « forcés par les Français ».
    Certains, par contre, reconnus coupables de violences à l’égard de la population civile, ont été soumis pendant quelques semaines à des travaux forcés. Certains ont passé plusieurs années en prison avant d’être libérés.
    « En général, poursuit Pierre Daum, seuls les plus coupables (de tortures, viols, exactions en tout genre) ont été exécutés. Mais cela n’empêcha pas, en cette période de chaos de l’été/automne 1962, qu’aient lieu de nombreux crimes aveugles, des vengeances sordides et des exécutions sommaires, sans rapport parfois avec la guerre. Il s’agissait alors de vieilles querelles de terre, d’héritage ou de femmes. »

    Voilà un ouvrage qui va certainement soulever un certain nombre de polémiques et de protestations, tant du côte algérien que du côté des mouvements français d’extrême-droite qui ont beaucoup utilisé cet épisode pour alimenter leurs discours et leur « idéologie ».

     

    Pourquoi j’ai refusé la

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    Ma participation à cette guerre d’Algérie j'y étais opposé, je l’ai donc subie et je le regrette,  quant à mon statut de combattant, j'ai été contraint de l'accepter...

    Ceux qui ont participé à la seconde guerre mondiale, c'était leur devoir ou d'autres qui se sont engagés dans la Résistance ou ont rejoint l’armée de la France Libre pour combattre le nazisme. Ils choisirent, et firent là actes de citoyens libres et responsables. Si j’avais été dans ce cas-là j’aurai accepté la croix du combattant… mais en aucun cas pour la sale guerre coloniale d’Algérie…

    Je refuse de considérer les anciens des guerres coloniales de la France comme des combattants au même titre que ceux qui se sont engagés pour des causes justes ? (contre le nazisme par exemple).

    La croix du combattant je l'ai refusée parce qu'en Algérie on ne défendait pas la France mais l'Empire colonial.

    Et, enfin, comme je l'ai écrit plus haut, je n'ai pas combattu, je ne me suis jamais servi d'une arme individuelle, je n'ai pas de sang sur les mains.

    Mon témoignage d'ancien appelé de la guerre d'Algérie "Pourquoi j'ai refusé la Croix du Combattant"

    A la place de la croix du combattant je suis fier de voir la colombe de la Paix

       CONCLUSION

     
    Le 8 Octobre 1962, l'Algérie devient le 109ème Etat de l'Organisation des Nations Unies.

    A travers l'expérience de la guerre d'Algérie, je sais maintenant ce que valent véritablement nos hommes d'État.
     

     

    1956, la gauche française, élue sur le programme de paix en Algérie, lance une nouvelle guerre coloniale… avec Guy Mollet et François Mitterrand.

    Mais le PCF, qui condamnait la guerre en parole, dans les colonnes de l’Humanité, n’entreprit rien pour gêner le gouvernement. Son vote des pouvoirs spéciaux à Guy Mollet fut pour beaucoup une faute politique.  

    Si on a retenu que De Gaulle mit fin à la guerre d’Algérie, on a tendance à oublier qu’avec lui, la guerre dura encore quatre ans, entre le « Je vous ai compris » adressé à la population européenne algéroise le 4 juin 1958, et la reconnaissance  de l’indépendance algérienne en mars 1962.

    Avec De Gaulle ce fut la guerre pour le pétrole 

    Constatant l’impuissance française à vaincre politiquement et militairement la résistance algérienne,  De Gaulle se prononça en septembre 1959 pour le droit à l’autodétermination des Algériens, signifiant par là que les intérêts de la population européenne  d’Algérie devenaient secondaires au regard du redéploiement du capitalisme français dans le contexte de la décolonisation mondiale des années 1960. Les intérêts du gouvernement français en Algérie se focalisaient alors sur la question du pétrole et des bases militaires. Pour le gouvernement français,  la guerre d’Algérie est devenue de 1960 à 1962 une guerre pour le pétrole.

    La guerre a continué et redoublé, pour cet objectif principalement. C’est dans cette période qu’a été perpétré le massacre du 17 octobre 1961, contre une manifestation de milliers d’Algériens à Paris. Et du temps a ainsi été laissé aux généraux putschistes et à l’OAS pour s’organiser, en Algérie comme en France.

    De Gaulle essaya de conserver les territoires du Sahara sous domination française, n’acceptant  l’indépendance que pour le reste de l’Algérie. C’est seulement le 5 septembre 1961 qu’il finit par reconnaître l’appartenance du Sahara, les départements administratifs des Oasis et de la Saoura,  à l’Algérie et accepta donc de l’inclure dans les négociations globales avec le FLN. 

    Sept mois de guerre seront encore nécessaires  pour parvenir aux accords d’Evian.

    Pendant près de soixante ans maintenant, j'ai repoussé loin de moi ces souvenirs, aujourd'hui, rien n'a changé en moi, je disparaîtrai avec cette colère d’avoir été à 20 ans, incorporé, contre ma volonté, pour une cause indéfendable dans une SALE guerre (et le mot est faible) la guerre d’Algérie.


    Je suis en colère, comme mes amis, parce que des responsables politiques de gauche comme de droite m’ont fait perdre 21 mois de ma jeunesse… dans une guerre, pour une cause injuste que je désapprouvais.

    A l’époque de la guerre d’Algérie, les jeunes gens qui refusaient de porter les armes, les réfractaires, insoumis ou déserteurs, étaient mis au ban de la société française. Leur choix était le plus souvent incompris. Aucune institution, parti, syndicat ou église ne les soutenait. L’opprobre pesait sur leurs familles comme sur celles de malfaiteurs. Elles étaient convoquées à la mairie, subissaient des interrogatoires et des perquisitions de la part des policiers. Leur entourage les critiquait, les rejetait. Pour les réfractaires et les déserteurs, la seule alternative à la prison était l’exil. 

    Le temps a passé, mais aujourd’hui le choix des réfractaires et des déserteurs n’est guère mieux compris. Même ceux qui critiquent sévèrement la guerre, admettent difficilement leurs choix.
    Pourtant, les réfractaires comme Etienne Boulanger, les déserteurs comme Noël Favrelière nous enseignent qu’il est toujours possible de dire NON !

    Michel Dandelot

     

    Mon témoignage d'ancien appelé de la guerre d'Algérie "Pourquoi j'ai refusé la Croix du Combattant"

      
    Le témoignage de Jacques Pous, l’un de ceux qui ont dit NON.

    Pourquoi si peu de refus à faire la guerre ?

    Il ne faut pas oublier que la plupart des appelés sortaient de l’enfance (c’était le cas de la plupart de ceux que j’ai rencontrés au 24e RIMa) et ce n’est pas la lecture de Bled et de la grande presse, les discours lénifiants ou menteurs des politiques, des Églises et de la plus grande partie de ce que l’on appelle les élites qui allaient leur ouvrir les yeux. L’important, dans l’immédiat, c’était la bouffe et les "perms" (lorsque l’on a passé plusieurs jours dans une caserne, l’on est prêt à tout pour ne pas se faire punir et "se la faire" …) et, dans un avenir beaucoup plus lointain, compter à combien "au jus" l’on en était et "la quille, bordel", horizon ultime de la présence à l’armée, cri lancé avec dérision, par des centaines de milliers de jeunes, pour éviter de pleurer face à l’absurde. Le grand public et surtout les responsables de la politique de la France en Algérie n’avaient pas voulu, durant huit ans, entendre des gosses qui hurlaient leur souffrance, leur sentiment d’abandon et parfois même leur dégoût (Des rappelés témoignent) et maintenant ils étaient une nouvelle fois victimes d’une entreprise de récupération qui allait alimenter le silence dans lequel certains d’entre eux allaient s’emmurer.

    Tous, par contre, ont eu le sentiment de ne pas être compris et même parfois d’être jugés et condamnés lors de leur retour dans une société civile qui ne s’était intéressée à l’Algérie que lorsqu’un proche était concerné. Ils savaient que parmi eux ils avaient été nombreux à ne pas participer aux exactions, qu’il s’en était trouvé quelques-uns qui, comme des appelés le racontent à Patrick Rotman et Bertrand Tavernier, avaient bien traité des prisonniers, soigné des adversaires blessés, refusé de participer à la torture ou qui, comme le brigadier Monjardet, avaient été héroïques en refusant de tirer, malgré les ordres, sur des fellahs désarmés.

    Tous ceux-là ne pourront que refuser les généralisations dont ils étaient victimes et qui étaient la conséquence de l’amnistie accordée aux véritables coupables.

    Comment d’ailleurs pourrait-on juger des gosses auxquels l’on avait inculqué la soumission à l’autorité alors que l’on ne sait pas ce que, à leur place, l’on aurait fait. Pour ma part, en tous cas, je me refuse de me mettre dans la position du si : qu’aurais-je fait ou pas fait si … Ce qui compte, c’est ce que j’ai fait ou pas fait. C’est pourquoi il m’est difficile de juger les autres, en particulier ceux de ma génération, car je connais trop la part d’animalité et la part d’humanité qui hantent l’homme ; si j’avais été dans la même situation qu’eux, j’aurais, peut-être, agi comme eux. Cette problématique du « si » n’a, par ailleurs, aucun intérêt car il est à tout jamais impossible de savoir ce que l’on aurait fait si … Ceux qui prétendent le savoir s’illusionnent. Des enquêtes d’opinion ont d’ailleurs montré que, dans la génération de la paix, ils sont nombreux à proclamer que s’ils avaient été confrontés aux situations auxquelles ont été confrontés les appelés de la génération du feu, ils auraient refusé d’y participer ; à les entendre, si la même alternative leur était proposée, (11,5 % des élèves de terminale interrogés en 1977 par Jean-Pierre Vittori auraient opté pour la désertion), le chiffre fantaisiste des trois mille réfractaires serait donc aujourd’hui largement dépassé.

    Reste enfin une forte minorité qui a été victime de ce que l’on appelle le stress du combattant ou de la culpabilité de s’en être sorti ou encore du dégoût pour ce qu’ils avaient fait. Ce sont les véritables victimes d’une guerre que, dès 1955, Guy Mollet considérait comme "imbécile et sans issue" ; sans oublier ce qu’ont subi ceux d’en face qui, lors d’un conflit asymétrique sont dix fois plus exposés aux séquelles de la guerre. De nombreux travaux concernent les traumatismes des GI’s retour du Vietnam, d’Irak ou d’Afghanistan ; qu’en est-il des Vietnamiens, des Irakiens ou des Afghans qu’ils ont massacrés ? Qu’en est-il des Algériens, des réfugiés croisés en Tunisie, des Moudjahidins traumatisés par huit ans de guerre, des millions de personnes regroupées dans ce qui trop souvent ressemblait à des camps de concentration ? Peut-être qu’un jour les historiens se demanderont quelles ont pu être les séquelles lointaines de la guerre sur la population algérienne et sur un avenir de violences qui, là aussi, s’enracinent dans un passé qui ne veut pas passer.

    Quant à moi, j’avais choisi la trahison comme règle de vie : comment en effet ne pas trahir ses idéaux si l’on ne se résout pas, un jour, à trahir son pays. Toutefois, je n’ai pas eu immédiatement conscience qu’avoir pu dire NON, qu’avoir pu trahir en réalité et non en rêve, est une chance qui n’est pas donnée à tous ; l’obsession de trahir et la frustration de ne pouvoir le faire seront au cœur de mes engagements futurs. Combien de fois, par la suite, n’ai-je pas regretté de ne pouvoir refuser d’aller au Vietnam, de ne pouvoir refuser d’aller se battre en Irak ou en Afghanistan, de ne pouvoir désobéir à l’ordre d’aller bombarder la Serbie ou Gaza. De nombreux témoignages d’appelés du contingent mentionnent d’ailleurs le sentiment d’impuissance qui les étreignait lorsqu’ils étaient témoins de crimes contre lesquels ils avaient l’impression de ne pouvoir rien faire. Je ne voudrais pas, comme cela a été le cas pour eux, qu’un jour l’on vienne me dire que je suis responsable ou que je dois me repentir de crimes décidés et perpétrés par d’autres alors que l’on ne m’aurait jamais donné la parole et la possibilité de m’y opposer.

    Les associations d’anciens combattants, la FNACA ou l’UNC-AFN, au lieu de faire répéter par la dernière génération du feu les rites dérisoires du passé, auraient dû l’amener à demander des comptes à tous ceux qui, durant quarante ans, allaient continuer à diriger la France : eux, les décideurs politiques, ils savaient ce qu’ils faisaient. Ce n’est pas un hasard si ce sont d’abord les rappelés, ensuite les sursitaires et enfin les étudiants qui se sont le plus opposés au discours officiel. La grande erreur des tenants de l’Algérie française est d’avoir accordé des sursis ! Toutefois, plusieurs appelés, regroupés dans l’Association des anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre qui, eux, ont servi, durant de nombreux mois, "Au pays de la soif et de la peur" ne seront pas dupes et refuseront les décorations en chocolat (Carte, Croix et Retraite du combattant), telles ces médailles du travail que le système accorde aux prolétaires pour qu’ils se souviennent et se félicitent jusqu’à la mort d’avoir été exploités.

    Le communiste Étienne Boulanger, "insoumis sous l’uniforme", qui s’était résigné à servir après deux années passées en prison, refusera le certificat de bonne conduite et la médaille commémorative des opérations de maintien de l’ordre en Algérie que l’armée avait finalement décidé de lui attribuer. "Je ne me sentais pas une âme de médaillé, proclame-t-il. Le chien du régiment était à côté de moi. Je trouvais que ce chien, qui avait été dressé à mordre les Arabes sur commande, – le dressage n’avait pas marché pour moi – était plus méritant que moi. Je lui ai donc passé la médaille autour du cou". Quant à Jean Faure, il note dans ses carnets : « A Tizi Ouzou, dans la rigidité militaire, beaucoup à dire aussi sur les obsèques de ce copain. “Nous vous conférons la médaille militaire … la croix de la valeur militaire avec palmes …”, etc. Conférez tout ce que vous voudrez, ça ne vous coûte pas cher. Mais jamais vous ne rendrez la vie à Philibert, ni Philibert à sa famille ».

    Jacques Pous

     

     

     

     Vincent Liechti Lartiste

    Monsieur le Président

    je vous fais une lettre

    Une pensée le 19 mars 2022 où nous ne savons toujours pas si le président Macron sera présent ? Oui une pensée pour toutes les victimes de l'effroyable guerre d'Algérie. Sans oublier la poignée de soldats qui ont écrit au chef de l'État leur refus de combattre un peuple luttant pour son indépendance et l'ont payé d'années de prison, brimades et sévices. Parmi eux et le tout premier à l'avoir fait, le papa de l'artiste.

     

    Monsieur le président

    Je vous fais une lettre

    Qui vous fera peut-être

    Un peu grincer les dents


    Vincent Liechti Lartiste  Monsieur le Président  je vous fais une lettre

     

     


     

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    Mémoires d’appelés, mémoires blessées

    Soixante ans de silence

    Mémoires d’appelés, mémoires blessées. Soixante ans de silence

     

    Les armes se sont tues il y a plus de soixante ans, et pourtant le souvenir de ce conflit, emblématique de la décolonisation, ne cesse de hanter la France. Chez les anciens combattants, la parole se libère, âpre, amère, impérieuse aussi : comment, au temps des yéyés et à l’aube de la vie, accomplir son devoir tout en menant une guerre « sans nom », une sale guerre qui n’en finit pas d’étaler son absurdité et ses horreurs ? Pour ce numéro spécial sur l’Algérie, Historia a confié à Tramor Quemeneur, spécialiste de ce sujet, le soin de piocher, dans la correspondance de jeunes appelés et de leurs proches, des expériences et des témoignages qui rendent compte du vécu de ce conflit auquel nul n’était préparé. Émouvants, éclairants, présentés tels qu’ils furent écrits, ils tentent de donner un sens à ce qui fut, pour beaucoup, l’épreuve de leur vie. Nous dédions ce dossier à la mémoire de Bernard Bourdet, pour son amitié, et à celle de Pierre Genty et de Noël Favrelière, pour leur gentillesse.

    Après avoir laissé une bonne part de leur innocence là-bas, dans des combats que la métropole a vite oubliés, les conscrits français se sont longtemps murés dans le silence. 

    Les soldats de la guerre d'Algérie représentent la dernière « génération du feu ». Les conflits où s'est engagée la France n'ont depuis impliqué qu'un nombre limité de militaires de carrière. De plus, le nombre élevé de jeunes gens qui y ont participé (1,2 million de conscrits, auxquels il faut ajouter 200000 « rappelés », ceux qui avaient déjà effectué leur service et que les autorités françaises ont envoyés en Algérie) s'explique par la longueur du conflit. En tout, environ 2 millions de soldats ont servi dans l'armée française pendant la guerre d'Algérie.

    Deux générations précédentes avaient participé aux guerres mondiales. La contribution avait été plus massive, les combats s'étaient en grande partie déroulés sur le territoire métropolitain et avec un front bien établi. Rien de comparable avec la guerre d'Algérie, où c'est tout le territoire qui est devenu le lieu de combats - dont le modus vivendi, sauf en de rares occasions, était celui de la guérilla. De plus, les gouvernements successifs ont cherché à minimiser la situation en niant l'état de guerre et en qualifiant le conflit de simples « opérations de maintien de l'ordre ». Les combattants algériens étaient, eux, des « hors-la-loi » dans une « guerre sans nom ».

    Un retour laborieux et hanté de cauchemars 

    Tous ces facteurs ont contribué à ce que les appelés du contingent se retrouvent confrontés à des discours de leur famille et de leurs proches dénigrant la gravité des combats auxquels ils participaient. Ainsi, les anciens combattants leur disaient parfois que ce n'était en rien comparable avec ce qu'ils avaient vécu. En outre, à leur retour, les appelés ressentaient un profond décalage par rapport à ce qu'ils vivaient en Algérie. La société de consommation bouleversait de plus en plus la société française, les loisirs se faisaient de plus en plus prégnants - autant de préoccupations pouvant paraître frivoles pour ceux qui baignaient dans la peur et la mort des embuscades et des opérations. Pendant ce temps, leurs amis s'amusaient, les surprises-parties battaient leur plein, notamment avec le succès de l'émission Salut les copains ! sur Europe 1, à partir de 1959.

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    Parfois, aussi, leur fiancée s'éloignait, creusant un vide sentimental et émotionnel autour d'eux. Tout cela a contribué à ce que les appelés se murent dans le silence dès leur retour. La peur accumulée pendant des mois d'accrochages, le choc des combats et des horreurs vues et vécues ont contribué à ce que de nombreux soldats soient atteints de troubles de stress post-traumatique (post-traumatic stress disorder, terme développé par les Américains après la guerre du Vietnam). Des réflexes conditionnés pendant des mois de guerre conduisent à ce que beaucoup d'anciens appelés cherchent leur arme à leur réveil ou plongent au sol pour se protéger en croyant entendre une explosion dans la rue...

    La famille pouvait aussi constater un changement d'humeur, un caractère dépressif, une irascibilité, voire une violence chez les ex-appelés, conduisant parfois à ce que les proches ne les interrogent pas sur les raisons de leur mal-être. Enfin, les cauchemars ont commencé à peupler les nuits des anciens appelés, réapparaissant par séries dès qu'un événement faisait resurgir le souvenir de la guerre. C'est pourquoi de nombreux anciens appelés ont évité de lire ou de regarder des films qui évoquaient cette période, afin de ne pas raviver les traumatismes.

    Certains ont réussi à se réadapter très vite. Ils ont repris leur travail dès leur retour et sont parvenus à oublier rapidement la guerre. Parfois même, la guerre leur a permis de faire des rencontres ou d'acquérir des savoirs qu'ils ont réinvestis ensuite dans le domaine professionnel. Une partie des appelés a mis plusieurs mois avant de reprendre un travail, du fait des syndromes de stress post-traumatique qui les handicapaient. D'autres, enfin, n'ont jamais pu se réadapter. Certains ont basculé dans la folie et passé leur vie dans des hôpitaux psychiatriques : les statistiques des hôpitaux militaires sont sur ce point encore inconnues.

    Des dégâts sous-estimés 

    Il est évident que les 60 000 blessés reconnus officiellement du côté français sont largement sous-estimés, les problèmes psychologiques n'ayant pour une large part pas été comptabilisés. De même, certains soldats qui n'ont pas supporté le poids de ce qu'ils avaient vécu en Algérie se sont suicidés à leur retour. Ce sujet est évoqué par le romancier Vladimir Pozner dans Le Lieu du supplice, un recueil de nouvelles tirées de faits réels publié en 1959 chez Julliard.

    Mémoires d’appelés, mémoires blessées. Soixante ans de silence

    Pour d'autres conscrits, les problèmes psychologiques ont été masqués par un alcoolisme dans lequel ces soldats avaient commencé à sombrer pendant le conflit. Ce sujet apparaît dans le roman de Laurent Mauvignier, Des hommes (publié en 2009 aux Éditions de Minuit).

    Mémoires d’appelés, mémoires blessées. Soixante ans de silence

    Il est impossible de quantifier les cas d'alcoolisme imputables à la guerre d'Algérie, tout comme il est impossible de savoir dans quelle mesure les actes de violence pratiqués par d'anciens appelés sont dus à la guerre. Un autre phénomène qui a gangrené la société française après 1962 est le racisme. Celui-ci existait bien évidemment avant la guerre. Mais, pendant et après celle-ci, il a pris pour cible les « Arabes », c'est-à-dire presque exclusivement les Maghrébins et, encore plus, les Algériens. Leur rejet trouve notamment son origine dans les épisodes douloureux que les soldats ont vécus en Algérie, par le racisme colonial qui existait en Algérie et que certains pieds-noirs ont rapporté en métropole, mais aussi par la propagande du 5e Bureau, chargé de « l'action psychologique » - notamment à destination des soldats -, qui véhiculait des préjugés raciaux sur la population algérienne. Ce racisme a trouvé à partir des années 1970 une expression politique avec la création du Front national.

    Une reconnaissance tardive du statut de combattant 

    Dès la fin de la guerre d'Algérie, les faits commis pendant les hostilités ont commencé à être amnistiés à la suite des accords d'Évian. Des décrets puis des lois d'amnistie ont été adoptés en 1962, en 1964, en 1966 et en 1968 - cette dernière ne concernant quasi exclusivement que les membres de l'OAS. Les officiers sanctionnés pour leur action contre les institutions françaises (participation au putsch des généraux en 1961 et à l'OAS) ont même été réintégrés dans leur carrière, notamment afin qu'ils bénéficient de leur pleine retraite. Parallèlement, les appelés du contingent luttaient pour leur reconnaissance en tant qu'anciens combattants d'une guerre qui, officiellement, n'en était pas une. Plusieurs associations existaient avant même la guerre d'Algérie, en particulier l'Union nationale des combattants et l'Association républicaine des anciens combattants - toutes deux issues de la Première Guerre mondiale.

    Dès la guerre d'Algérie sont créées des associations d'anciens d'Algérie, qui ont formé ensemble une première fédération en 1958. Celle-ci est devenue la Fédération nationale des anciens combattants d'Algérie, de Tunisie et du Maroc (FNACA) en 1963. Elle est alors présidée par le directeur de L'Express, Jean-Jacques Servan-Schreiber. Cette association a pris de l'ampleur, jusqu'à comprendre plus de 300000 membres et devenir la première association d'anciens combattants. Ce terme de « combattant » revêtait une importance particulière, car les « anciens d'Algérie » n'étaient justement pas reconnus comme ayant participé à des combats, mais seulement à des « opérations de maintien de l'ordre ». Leur première revendication concernait donc le fait qu'ils avaient participé à une guerre et en avaient subi toutes ses conséquences. Leur lutte aboutit plus de dix ans plus tard, en 1974, et encore de manière restrictive : il faut avoir été dans une unité combattante en Algérie pendant plus de cent vingt jours. Il a encore fallu attendre la loi du 18 octobre 1999 pour qu'enfin les autorités françaises reconnaissent que les « opérations de maintien de l'ordre » étaient une véritable guerre.

    Se souvenir, mais quand ? 

    Une autre lutte de la FNACA a été (et reste encore) la reconnaissance du 19 mars comme jour officiel de commémoration de la guerre d'Algérie. En 2013, le 5 décembre est devenu par décret la journée officielle de commémoration, mais ce jour a été choisi car il ne correspond à aucun événement de la guerre d'Algérie (il serait donc « neutre »). La date du 19 mars réclamée par la FNACA est récusée par d'autres associations portant une mémoire pied-noire et harkie, lesquelles affirment (à juste titre mais en occultant la responsabilité de l’OAS) qu'il y a eu de nombreux morts après le 19 mars. Mais cette date apparaît comme la seule à posséder un sens symbolisant la fin de la guerre. D'ailleurs, depuis la loi du 6 décembre 2012, elle a été officialisée, bien que des associations « nostalgiques de l'Algérie française » continuent de s'y opposer. Les commémorations se déroulent devant les monuments aux morts locaux ainsi que devant des monuments départementaux - le premier a été inauguré à Troyes en 1977. En 2002, un monument national, composé de trois colonnes sur lesquelles défilent les noms des morts en Algérie, a été érigé au quai Branly, à Paris, tout près de la tour Eiffel.

    Mémoires d’appelés, mémoires blessées. Soixante ans de silence

    Près de soixante après la fin de la guerre, les appelés en Algérie arrivent au terme de leur vie. Se pose alors la question de la transmission de leur mémoire aux générations suivantes. Dans leur très grande majorité, leurs enfants ont été marqués par leur silence, par les non-dits autour de cette guerre - même s'ils ont vécu indirectement avec elle, par les cauchemars et les traumatismes des pères. Aujourd'hui, toutefois, la guerre d'Algérie est plus étudiée dans les collèges et les lycées ; d'anciens appelés interviennent dans les établissements scolaires pour raconter leur guerre, et les jeunes, plus réceptifs à cette question, interrogent leurs grands-pères sur ce qu'ils ont vécu en Algérie.

    Le poids du silence des mémoires se déleste peu à peu. On pourra ainsi mieux saisir la complexité de cette guerre des deux côtés de la Méditerranée et les tensions entre les groupes « porteurs de mémoire » pourront s'estomper. Alors, seulement, une mémoire sereine, familiale et collective, pourra se transmettre et sera à même d'éviter que de lourds secrets ne continuent à hanter nos sociétés.

    FEMMES D'APPELÉS

    Des appelés se sont mariés avant leur départ en Algérie, surtout s'ils étaient rappelés (ils avaient déjà terminé leur temps de service). Quelquefois, c'est au cours d'une permission que ce mariage s'est effectué. Mais le plus souvent, les appelés étaient célibataires, voire fiancés, leur union étant repoussée au retour d'Algérie. Parfois, le promis n'est jamais revenu, laissant une blessure indélébile pour ces « veuves blanches », puisqu'elles n'étaient pas encore mariées. L'éloignement et le temps ont pu faire s'envoler l'amour, laissant alors les soldats dans un terrible vide sentimental. Quelquefois, au contraire, l'amour est né sous les drapeaux, avec la rencontre d'une femme en Algérie ou lors de la correspondance avec une « marraine de guerre ». Au retour, certaines épouses et fiancées ont constaté combien la guerre avait transformé leur compagnon, ce qui a conduit à des séparations difficiles. Pour les autres, il a fallu apprendre à vivre ensemble, avec les cauchemars qui pouvaient hanter les nuits des époux, sans savoir ce qu'ils avaient vécu ni ce qu'ils avaient fait là-bas. Parfois, l'historien qui interroge le mari en sait davantage sur son parcours en Algérie que l'épouse... Et pourtant, les femmes d'appelés ont souvent été essentielles à l'équilibre psychique de ceux qui ont été traumatisés par la guerre. 

    RÉCONCILIER ET TRANSMETTRE

    En 2004, la petite Association des anciens appelés en Algérie contre la guerre (4ACG) a été créée. Ses membres reversent leur retraite d’ancien combattant pour une action importante : la réconciliation entre Français et Algériens. Enfin, l’Espace national guerre d’Algérie (ENGA) créé en 2017 a pour but de collecter des témoignages, de sauvegarder et de transmettre l’histoire et les mémoires de la guerre d’Algérie.

    Tramor Quemeneur  

    SOURCE : https://www.historia.fr/m%C3%A9moires-dappel%C3%A9s-m%C3%A9moires-bless%C3%A9es-soixante-ans-de-silence 

     


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    Une avocate porte plainte contre les essais

    nucléaires français en Algérie

     dans les années 60

      Une avocate porte plainte contre les essais nucléaires français en Algérie   dans les années 60

     Un nouveau-né à Reggane en Algérie   -   Tous droits réservés  Cleared

    Il y a 62 ans, la France effectuait le premier de ses essais nucléaires atmosphériques. "Gerboise Bleue", le nom du test, avait eu lieu à Reggane, loin dans le Sahara algérien. Les habitants de la région, des décennies plus tard, vivent toujours avec les effets des retombées de ces essais nucléaires.

    Aujourd'hui, Fatma Zohra Benbrahan, avocate algérienne et militante des droits de l'Homme, porte plainte contre les autorités françaises, et les présidents, de Valéry Giscard-d'Estaing à Emmanuel Macron, devant la Cour pénale internationale à La Haye.

    Selon elle, les essais ont impacté Reggane et plus largement sur 700 kilomètres de diamètre : "C'est la zone dans laquelle se trouvaient les victimes de ces explosions atomiques, explique l'avocate. Cela mérite d'être mentionné car jusqu'à ce jour, la France ne veut pas reconnaître le diamètre dans lequel ces explosions ont eu lieu. La liste des maladies radio-induites qui s'élève actuellement à 42 maladies radio-induites n'est reconnue que pour 12 de ces cas. Il convient d'en citer quatre autres. On est donc loin d'une reconnaissance de l'impact sanitaire sur les citoyens."

    Des victimes aujourd'hui encore

    La localité de Reggane continue de compter encore un taux important de cancéreux, de personnes souffrant d'hypertension et d'innombrables cas de malformations et autres pathologies liées à ces essais de la France coloniale.

    Un vieil homme aveugle raconte son 13 février 1960 :

    "Après ce jour-là, tous les Français ont quitté la région en avion pour la France, pendant que nous on restait là. J'ai perdu la vue ce jour-là." 

    Des essais en Algérie, avant la Polynésie française

    Pour mener son combat, l'avocate Fatma Zohra Benbraham s'appuie sur un document officiel dans lequel le gouvernement français a reconnu les 200 essais nucléaires effectués en Polynésie française entre 1966 et 1996.

    Les essais nucléaires dans le désert algérien ont duré six ans, jusqu'en 1966.

    La série Reggane était un groupe de 4 essais nucléaires atmosphériques de bombe A menés par la France entre février 1960 et avril 1961, vers la fin de la guerre d'Algérie pour l'indépendance.

    Les bombes ont explosé au Centre d'expérimentation militaire saharien près de Reggane. C'était la première fois que la France faisait exploser des armes nucléaires.

    Une série de 13 essais nucléaires souterrains et cinq essais nucléaires atmosphériques ont été menés ensuite dans les montagnes du Hoggar, près d'In-Ekker, entre novembre 1961 et février 1966.


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    Dans la casbah d'Alger : « Zemmour, c’est comme si l’OAS renaissait »

    Dans la casbah d'Alger : « Zemmour, c’est comme si l’OAS renaissait »

    REPORTAGE. Comment le candidat d’extrême droite à la présidentielle française est-il perçu dans le pays d'où est originaire sa famille ? Éléments de réponse.

    « Il ne nous aime pas parce qu’il a honte de lui-même, il a honte d’être originaire d’ici, il faut qu’il soit dix fois plus raciste que les autres pour qu’il se fasse accepter en France », dit Hamoud, ex-fonctionnaire algérien des impôts à la retraite. © FRANCOIS PAULETTO / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

    « Ce n'est pas Zemmour qui m'inquiète, ce sont ses idées, c'est le fait que de bons amis français, qui vivent pourtant en Algérie, qui connaissent la complexité du réel, commencent à me dire : "quand même, tu as vu nos villes et nos banlieues, nous ne sommes plus chez nous !" » Cet homme d'affaires algérois, qui partage sa vie entre Alger et Marseille, suit de près l'actualité hexagonale, marquée par une campagne présidentielle dominée par les thèmes identitaire, sécuritaire et migratoire. « À entendre tout ce beau monde, il suffira de jeter à la mer tous les Noirs et les Arabes pour qu'il pleuve des milliers d'euros et des emplois sur la tête des bons Français », soupire-t-il.

    « C'est un raciste ! »

    SOURCE : https://www.lepoint.fr/afrique/zemmour-vu-d-alger-c-est-comme-si-l-oas-renaissait-13-02-2022-2464665_3826.php 

     

    APPEL : cet article est réservé aux abonnés du Point, si c’est le cas d’un ami je lui serai reconnaissant de m’envoyerà l’adresse dandelotmije@orange.fr   l’intégralité de cet article. En attendant voici un autre article daté de février 1962

    Michel Dandelot

    Dans la casbah d'Alger : « Zemmour, c’est comme si l’OAS renaissait » *** Le peuple algérien en a assez de l’O.A.S.

    Le peuple algérien en a assez de l’O.A.S.

    Dans la casbah d'Alger : « Zemmour, c’est comme si l’OAS renaissait » *** Le peuple algérien en a assez de l’O.A.S.

    Article paru dans La Voix du peuple, février 1962, p. 1 et 4 

    En ce début de l’année 1962, le monde entier est plus que jamais convaincu du caractère inéluctable de l’indépendance algérienne. Les soucis de tous les gouvernements, conscients de leurs responsabilités internationales, concernent bien plutôt les moyens et méthodes d’obtenir rapidement le rétablissement de la paix en Algérie, que l’issue finale du conflit. Car personne ne doute plus de la volonté des Algériens de vivre libres et de reprendre leur place au sein des nations souveraines. En France même, l’immense majorité du peuple appelle de tous ses vœux la paix et l’ouverture d’une nouvelle ère de coopération entre les deux rives de la Méditerranée.

    Une seule voix discordante dans ce concert raisonnable et quasi-unanime : celle d’un groupe de fanatiques rétrogrades, de fascistes et d’assassins, qui se parent du titre de « patriotes » et se cachent sous le sigle OAS. Ces gens, qui en 1962 veulent imposer une politique coloniale digne des plus beaux temps de l’impérialisme du siècle dernier, qui tentent misérablement de faire reculer la roue de l’Histoire, qui prétendent contraindre tout un peuple à continuer de vivre sous le joug et cherchent même à obliger par la force leurs propres compatriotes à les suivre dans le gouffre, ces gens, où veulent-ils en venir en vérité ? On peut se demander en effet s’ils croient eux-mêmes à leur slogan « Algérie française », objet de mémorables symphonies de casseroles. Leurs chefs seraient-ils à ce point atteint d’infantilisme – ou de sénilisme – politique ?

    Pour notre part, nous doutons fortement de leur bonne foi. La France, l’Occident et même la Chrétienté – nous voici revenus au temps des croisades ! – ne sont là que de beaux prétextes, qui dissimulent une réalité bien plus matérielle. Le vrai but des excitations au meurtre, des provocations en tous genres auxquelles se livre l’O.A.S. c’est – et nous avons déjà attiré l’attention de nos lecteurs à ce sujet – de semer la haine entre les communautés algériennes, d’anéantir à l’avance toute possibilité d’entente, de créer un fossé de sang infranchissable. Car, au fond, certains n’ont pas abandonné l’idée du partage et ils essaient ainsi de la justifier. Les gros colons, ceux de l’Oranie en particulier, y voient leur dernier espoir de pouvoir continuer à « faire suer le burnous » en toute tranquillité ; et c’est d’ailleurs pourquoi ils figurent en bonne place parmi les commanditaires de l’OAS qui n’est que leur sanglant instrument.

    Ces messieurs, qui ne sont préoccupés que de leurs gros sous, ne sont pas difficiles quant aux méthodes. Ils ont choisi des hommes de main qui se mettent à cent pour assassiner un passant musulman attardé, ce qui est considéré comme un « acte patriotique » et une grande victoire. Des aventuriers haineux montent de toutes pièces des provocations dont ils s’empressent de fuir les conséquences. On ne peut même pas leur reconnaître le moindre courage personnel car, finalement, ils sont sûrs de l’impunité.

    De hautes complicités protègent en effet les assassins. Puis, ils s’évadent avec une facilité stupéfiante ; toutes les mesures qui pourraient leur nuire leur sont connues d’avance ; ils ont des armes en abondance car il leur suffit de puiser dans les magasins de l’armée française. Le gouvernement français proclame quotidiennement qu’il va « prendre les mesures appropriées », mais son action se limite à ces proclamations. Comment expliquer, dans le cas contraire, que tout l’appareil policier et répressif de l’Etat français – qui s’exerce si volontiers contre les nationalistes algériens – soit si lamentablement impuissant contre la clique qui constitue l’OAS ? En vérité, si le gouvernement français voulait réellement agir, il n’aurait sans doute pas à chercher très loin les responsables qui se cachent bien près de lui.

    Quoiqu’il en soit, le peuple algérien pour sa part est loin de craindre l’OAS. Mais il en a assez de ces « ratonnades » et autres agressions et est fermement décidé à en finir au plus tôt. Salan et compagnie ne trouveront pas de complices qui puissent les protéger de la juste colère des Algériens. Pendant sept longues années, notre peuple a tenu tête à toute une armée et il ne s’effraie pas aujourd’hui de la poignée de tueurs qui veulent lui en imposer. Car il ne s’agit là que d’un petit nombre, qu’il convient de ne pas confondre avec la communauté européenne toute entière où règne surtout la peur. Bien que certaines calomnies aient tenté d’accréditer l’idée contraire, le Mouvement National Algérien, défenseur du peuple, a pris sa place dans ce combat pour faire œuvre de justice. Il affirme clairement que les assassins n’échapperont pas à leur châtiment.

    Toutefois, ceux qui ont le plus à perdre des activités de l’OAS sont avant tout les membres de la communauté européenne. Ne voient-ils donc pas que chaque meurtre amoindrit les chances qui leur sont réservées dans l’avenir ? Attendront-ils que tout soit perdu pour réagir et chasser de leur sein les brebis galeuses qui, par la menace, veulent leur faire endosser les pires infamies ? Comment pourraient-ils avoir foi en les affirmations hypocrites ou insensées des provocateurs ? L’Algérie «française» est morte et notre territoire national ne sera pas partagé. Ce sont là des évidences, des réalités que le peuple algérien saura faire respecter. Jouer sur un autre tableau, c’est jouer perdant!

    Dans notre Algérie future, la communauté européenne à sa place ; le MNA l’a maintes fois affirmé. Mais cette place, il convient que les Européens d’Algérie la préservent eux-mêmes. Qu’ils ne souffrent donc pas qu’une clique de meurtriers et de gros colons – dont la retraite est d’ores et déjà assurée – hypothèquent si sombrement leur avenir ! Et c’est ce à quoi le Mouvement National Algérien les convie en les appelant à joindre leurs efforts aux siens et à ceux des Musulmans pour neutraliser et anéantir l’Organisation des Assassins de Salan.

    SOURCE : https://sinedjib.com/index.php/2022/02/03/le-peuple-algerien-en-a-assez-de-lo-a-s/ 

     


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    Guerre d'Algérie : les victimes

     de l'OAS (Organisation Armée Secrète)

    délaissées

     

    Guerre d'Algérie : les victimes de l'OAS (Organisation Armée Secrète) délaissées

    Lorsque le journal africain afriquemediatv explique pourquoi les victimes de l'OAS sont occultées par le Pouvoir de la France donnant comme exemple de victime de l'organisation terroriste Roger Gavoury.

     

    (PS) La diffusion est de mauvaise qualité au début je vous conseille de passer à 1 minute 30'' jusqu'à 12 mn 40''

     

     


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  • Comme à la prunelle de mes yeux

    Comme à la prunelle de mes yeux *** Le cri d'alarme d'une rescapée d'Auschwitz "La bête immonde n'est pas morte"

    DOMINIQUE VIDAL

     

    Historien et journaliste, spécialiste des relations internationales et notamment du Proche-Orient, collaborateur du "Monde diplomatique", membre du Bureau de l'Iremmo, collaborateur bénévole de La Chance 

    Comme à la prunelle de mes yeux

     

    Le 8 février 1962, Charonne : neuf syndicalistes, dont huit communistes, sont massacrés par la police enragée d’un « préfet nazi » - déjà. Le 13, des centaines de milliers d’hommes et de femmes accompagnent les martyrs de la Bourse du Travail au cimetière du Père-Lachaise. Parmi eux, un petit garçon de 11 ans, donnant la main à sa maman…

    Regardez bien ce petit losange de carton bordé de noir : j’y tiens comme à la prunelle de mes yeux. 

    Comme à la prunelle de mes yeux *** Le cri d'alarme d'une rescapée d'Auschwitz "La bête immonde n'est pas morte"

     

    Mon losange...

    Je l’ai porté il y a 60 ans, avec les 500 000 personnes - certains disaient un million - qui accompagnèrent les neuf morts de Charonne, dont huit communistes, jusqu’à leur dernière demeure. Cinq semaines plus tard, la France signait avec les dirigeants du Front de libération nationale (FLN) le cessez-le-feu qui mit fin à huit ans de guerre barbare. 

    C’était ma première manif, aux côtés de ma maman, qui, courageuse « porteuse de valises », engagée avec Pierre Vidal-Naquet et Laurent Schwartz, se battait depuis si longtemps pour la liberté de ce peuple martyr. 

     

    Comme à la prunelle de mes yeux *** Le cri d'alarme d'une rescapée d'Auschwitz "La bête immonde n'est pas morte"

    L'Humanité, 9 février 1962

    Je garde au cœur la fierté de ce gigantesque défilé, mais aussi la honte que, quatre mois plus tôt, les centaines de victimes algériennes du 17 octobre 1961 n’aient pas soulevé la même émotion. 
    Soixante ans plus tard, nous faisons face au même ennemi : cette « bête immonde » contre laquelle Bertolt Brecht, à la fin de son « Arturo Ui », nous mettait en garde. 
    Il ne passera pas !

    D. V.

    SOURCE : Comme à la prunelle de mes yeux — Le Club (mediapart.fr) 

    Le cri d'alarme d'une rescapée d'Auschwitz "La bête immonde n'est pas morte"

    Comme à la prunelle de mes yeux *** Le cri d'alarme d'une rescapée d'Auschwitz "La bête immonde n'est pas morte"

     

    Magda Hollander-Lafon a été déportée à l’âge de 16 ans à Auschwitz-Birkenau. Rescapée, elle est devenue psychologue pour enfants. Elle vit aujourd’hui à Rennes.

    Magda Hollender-Lafon, rescapée d'Auschwitz âgée de 91 ans, s'inquiète de la recrudescence de l'antisémitisme, de tous les racismes et de la montée de l'extrême-droite en Europe.

    À 91 ans, Magda Hollander-Lafon, rescapée du camp d'Auschwitz, s'inquiète de la recrudescence de l'antisémitisme et de la montée de l'extrême-droite en Europe. "La bête immonde n'est pas morte", dit-elle. "Je sens le danger. Il y a d'abord la banalisation des propos humiliants", poursuit-elle. Magda raconte ainsi cette blague : "Quel est l'hôtel qui a le plus d'étoiles ? Auschwitz". Glaçant, qui plus est dans sa bouche.

    Il y a aussi l'extrême-droite qui prospère. La Hongrie, l'Autriche, la Pologne, l'Italie sans oublier la France "Je constate une similitude aujourd'hui avec ce que j'ai vécu. Je le sens dans ma peau. J'ai froid dans le dos", dit-elle.

    À 91 ans, Magda continue de témoigner dans les lycées pour que jamais l'histoire ne se répète. "Pas une question de principe", dit-elle. Non. Elle le fait parce qu'elle en a fait la promesse, il y a 74 ans, à une autre déportée. Une femme mourante qui l'a interpellée près d'un baraquement d'Auschwitz. "Tu es jeune, tu dois vivre. Vivre pour témoigner de ce qui se passe ici, pour que ça n'arrive plus jamais dans le monde".

    Une femme chaleureuse nous ouvre sa porte, à Rennes. Sourire lumineux. Invitation spontanée à s’appeler par nos prénoms. Elle nous a invités, comme une amie, pour se confier. Témoigner de l’indicible. Encore une fois. Une des dernières. Le temps presse. « Je suis en fin de parcours », sourit Magda Hollander-Lafon, 91 ans.

    Rescapée d’Auschwitz-Birkenau où elle fut déportée, adolescente, en avril 1944, depuis sa Hongrie natale, elle a passé sa vie à parler, surtout aux jeunes, de l’enfer des camps de la mort, pour que « cette réalité qui dépasse l’imagination » ne se reproduise plus jamais.

    Comme à la prunelle de mes yeux *** Le cri d'alarme d'une rescapée d'Auschwitz "La bête immonde n'est pas morte"

    Un engagement scellé près d’un baraquement d’Auschwitz. Une mourante lui fait un signe. « Je suis allée vers elle et elle m’a dit : « Tu es jeune, tu dois vivre pour témoigner de ce qui se passe ici afin que ça n’arrive plus jamais dans le monde. » 

     

     


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    Emmanuel Macron a rendu hommage mardi

    « aux citoyens tués lors de la manifestation

    au métro Charonne à Paris

     le 8 février 1962 » (Ecrit précis de l’Elysée)

      Emmanuel Macron rend hommage   aux victimes  du métro Charonne, en 1962   à Paris ***  Une première toutefois qualifiée d'insuffisante par des militants et collectif de victimes

    Le préfet de police Didier Lallement, mardi 8 février, rendant hommage aux victimes de Charonne au cimetière du Père-Lachaise, à Paris. LUDOVIC MARIN / AFP 

    Figé face à la gerbe de fleurs, le préfet de police, Didier Lallement, a salué mardi 8 février, paume gantée effleurant la casquette, la sépulture collective des victimes de Charonne dans le carré du Parti communiste du cimetière du Père-Lachaise, à Paris. L’hommage a été rendu au « nom du président de la République ».

    Emmanuel Macron a rendu hommage mardi aux manifestants morts au métro Charonne à Paris le 8 février 1962 lors d'un rassemblement contre l'OAS violemment réprimé, une première en 60 ans, toutefois qualifiée d'insuffisante par des militants et collectif de victimes.

    C'est le premier président, en soixante ans, à rendre hommage aux neuf victimes de cette manifestation organisée entre autres par le parti communiste, la CGT, et l'UNEF. Elle suivait une série d'attentats de l'OAS - l'Organisation armée secrète, bras armé clandestin des ultras de l'Algérie française - dont l'un, visant André Malraux, avait défiguré la veille une fillette de 4 ans.

    La fillette de 4 ans c'est Delphine Renard

      Emmanuel Macron rend hommage aux victimes  du métro Charonne, en 1962 à Paris *** Une première toutefois qualifiée d'insuffisante par des militants et collectif de victimes

      Emmanuel Macron rend hommage   aux victimes  du métro Charonne, en 1962   à Paris ***  Une première toutefois qualifiée d'insuffisante par des militants et collectif de victimes

      Emmanuel Macron rend hommage   aux victimes  du métro Charonne, en 1962   à Paris ***  Une première toutefois qualifiée d'insuffisante par des militants et collectif de victimes

    Delphine Renard ce 8 février s'exprimant devant une foule importante. A sa gauche Philippe Martinez, à sa droite Jean-François Gavoury et Henri Cukierman.  

    Ce 8 février 1962, la manifestation avait été interdite aux termes du décret pris le 23 avril 1961 après le putsch des généraux à Alger. Mais plusieurs cortèges avaient tenté de rejoindre le rassemblement prévu place de la Bastille. Dans leurs rangs, de nombreux jeunes.

    Sous autorité du préfet Maurice Papon, la manifestation pacifique fut violemment réprimée par la police, armée à l'époque de "bidules", ces matraques en bois. Elle se solda par huit morts, dont trois femmes et un apprenti de 16 ans. Un homme mourut huit semaines plus tard de ses blessures. Tous étaient syndiqués à la CGT et - sauf un - membres du parti communiste.

    Mardi, en fin d'après-midi, des gerbes ont été déposées sous la plaque scellée sur le carrelage blanc du métro où sont inscrits leur nom. Une minute de silence a été respectée en leur mémoire.

    Gerbe du préfet

      Emmanuel Macron rend hommage   aux victimes  du métro Charonne, en 1962   à Paris ***  Une première toutefois qualifiée d'insuffisante par des militants et collectif de victimes

    Dans la matinée, c'est le préfet de police de Paris Didier Lallement qui a déposé une gerbe au nom du président, lors d'une cérémonie au cimetière du Père Lachaise. Dans un bref communiqué, M. Macron a déclaré : "le 8 février 1962, une manifestation unitaire a été organisée à Paris pour la paix et l’indépendance en Algérie et contre les attentats de l’OAS. Elle a été violemment réprimée par la police : neuf personnes ont perdu la vie, plusieurs centaines furent blessés".

    "Soixante ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes et de leurs familles", a-t-il ajouté. Attendu depuis longtemps, cet hommage "s'inscrit dans une démarche globale de reconnaissance de toutes les mémoires liées à la guerre d'Algérie et qui vise à construire cette mémoire commune", précise son entourage.

    Déjà le 16 octobre, le chef de l'Etat avait fait un geste mémoriel, 60 ans après le massacre de dizaines de manifestants algériens à Paris le 17 octobre 1961, déclarant que ces "crimes" commis "sous l'autorité de Maurice Papon" étaient "inexcusables pour la République". Depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron a multiplié les gestes mémoriels pour tenter de "réconcilier les mémoires" entre Français et Algériens, mais sans "repentance".

    "Petit pas"

    Cependant, pas plus que pour le 17 octobre, ses propos sur Charonne n'ont apaisé mardi les associations et syndicats qui réclament une reconnaissance d'un "crime d'Etat". "L'agression policière d'Etat exercée" n'est toujours pas réparée, a réagi Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT avant la cérémonie réunissant à l'extérieur du métro plusieurs dizaines de militants et de témoins de l'époque.

      Emmanuel Macron rend hommage   aux victimes  du métro Charonne, en 1962   à Paris ***  Une première toutefois qualifiée d'insuffisante par des militants et collectif de victimes

    "On ne saurait se contenter d'un communiqué de l'Elysée sous formes d'excuses, c'est insuffisant", a-t-il appuyé. Egalement présent, le candidat communiste à la présidentielle Fabien Roussel a qualifié de "modeste" et "petit pas" le geste de Macron, et insisté sur l'indispensable "devoir de la mémoire" à l'heure où "le vent mauvais de la haine souffle à nouveau".

      Emmanuel Macron rend hommage   aux victimes  du métro Charonne, en 1962   à Paris ***  Une première toutefois qualifiée d'insuffisante par des militants et collectif de victimes

    Henri Cukierman, président du collectif "Vérité et justice pour Charonne", a salué "la première prise de position d'un président" mais déploré que "la responsabilité de l'Etat soit tue". "Ce n’est pas le préfet Papon qui est responsable du 17 octobre ou du 8 février ou de toute brutalité, c’est l'Etat", estime M. Cukierman, qui était présent sur ce même trottoir soixante ans plus tôt, au moment du drame.

      Emmanuel Macron rend hommage aux victimes  du métro Charonne, en 1962 à Paris *** Une première toutefois qualifiée d'insuffisante par des militants et collectif de victimes

    Mardi, il a de nouveau demandé "la vérité et que justice soit faite" pour ces deux "crimes" de 1961 et 1962, malgré une "une loi d'amnistie de l'époque qui a permis d'éviter que la justice puisse faire son travail".

     


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    19 mars 1962

    Un moment unique

    de commémoration historique

    Aucune autre date ne peut être

    prise comme telle !!!


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    Ce soir 8 février 2022

    commémoration du 60e

    anniversaire du massacre au Métro

    de Charonne

    Ce soir 8 février 2022 commémoration du 60e anniversaire du massacre au Métro de Charonne

     

     

     

    Ce soir 8 février 2022 commémoration du 60e anniversaire du massacre au Métro de Charonne

     

     

     

    Ce soir 8 février 2022 commémoration du 60e anniversaire du massacre au Métro de Charonne

     

    Ce soir 8 février 2022 commémoration du 60e anniversaire du massacre au Métro de Charonne

     

     

    Ce soir 8 février 2022 commémoration du 60e anniversaire du massacre au Métro de Charonne

     

    Ce soir 8 février 2022 commémoration du 60e anniversaire du massacre au Métro de Charonne

    Ce soir 8 février 2022 commémoration du 60e anniversaire du massacre au Métro de Charonne

     

    Ce soir 8 février 2022 commémoration du 60e anniversaire du massacre au Métro de Charonne

    Ce soir 8 février 2022 commémoration du 60e anniversaire du massacre au Métro de Charonne

     

    Ce soir 8 février 2022 commémoration du 60e anniversaire du massacre au Métro de Charonne

    Communication consécutive

     à la commémoration de « Charonne »

    Plaisir et fierté, ce mardi 8 février en début de soirée, à me trouver au côté successivement, du maître de la cérémonie commémorative (Henri Cukierman, président du Comité Vérité et Justice pour Charonne), de Delphine Renard, de François Vauglin (maire du 11e arrondissement de Paris), de Fabien Roussel (député, secrétaire national du Parti communiste), de Philippe Martinez (secrétaire général de la CGT). 

    Émotion à l’écoute de Delphine Renard qualifiant si opportunément de "Justes" les neuf morts de Charonne et bénissant leur mémoire. 

    Émotion au moment d’intervenir face à un auditoire aussi massif dans lequel je reconnais outre un nombre important d’adhérents franciliens de l’association au nom de laquelle je suis appelé à prendre la parole, des amis tels que représentants de la FNACA de Paris, président de l’Espace Guerre d’Algérie (EGAL), auteure de la bande dessinée "Charonne - Bou Kadir", historien auteur de "Nostalgérie. L'interminable histoire de l'OAS". 

    Même sentiment en entendant l’implacable réquisitoire contre les autorités de l’époque prononcé par l’estimable maire de l’arrondissement, le discours de campagne du candidat Fabien Roussel et celui, sans complaisance, du responsable de la CGT à qui l’on a dû le rappel des noms et qualités des neuf "Justes de Charonne". 

     

    =============

     

    Communication de l’ANPROMEVO

     le 8 février 2022 à 18h00

     au Métro Charonne 

    La République, ce n’est pas la police aux ordres d’un préfet tel que Maurice Papon : c’en est même l’opposé ! La République, ce n’est pas un homme politique prétendant haut et fort l’incarner et exprimant sur son visage sa haine féroce de la police : c’en est même la caricature ! 

    La République, elle est ici, représentée physiquement par ses victimes, leurs descendants, leurs amis. 

    Oui, la République française a fait des victimes, en nombre, en masse, il y a une soixantaine d’années, en Algérie comme en France. Des victimes désormais reconnues pour la plupart d’entre elles. Mais d’autres restent occultées : celles de la police parisienne le 8 février 1962 et de l’OAS. Une police et une organisation qui, ici, à Charonne, ont semblé se confondre et s’unir dans un même élan de sauvagerie homicide. 

    Des victimes, disais-je, passées par pertes et profits, réduites au silence par des autorités qui, au sein de l’Armée, ont organisé ou couvert la destruction par un certain 2e bureau des archives militaires traitant de l’OAS, par des ministres qui, hier, ont couvert de distinctions honorifiques le torse des tueurs de l’OAS et qui, aujourd’hui, accordent leur sympathie compassionnelle aux anciens complices de ces criminels. 

    La République doit reconnaître ses propres faiblesses, ses erreurs, ses fautes, ses forfaits : ce sont son devoir, sa dignité, son honneur. 

    Elle doit dénoncer le double discours d’un Roger Frey qui, au lendemain du 8 février 1962, imputait la responsabilité des morts de Charonne aux manifestants eux-mêmes et qui, le 10 mars suivant, dans une allocution télévisée au journal de 20h00, dénonçait la « folie sanguinaire » de l’OAS, cherchant à « s’emparer du pouvoir par des méthodes que le régime hitlérien n’aurait certes pas désavouées », et en fustigeant les membres, qualifiés de « fascistes » et de « revenants de la collaboration » 

    Sachons gré au préfet de police Didier Lallement de sa contribution significative à la vérité, ce matin même, au cimetière du Père-Lachaise. 

    Pour conclure sur une note familiale (c’est tendance !), sur une note apaisée, sur une note d’espérance, je voudrais rapprocher deux déclarations distantes de soixante ans : 

    - celle de mon père, le jour de son accès au poste de commissaire central du Grand Alger : « L’horizon commence à blanchir et bientôt, je l’espère, luira sur l’Algérie l’aube de la paix. Je voudrais, de toute mon âme, être le Central de la pacification, la vraie cette fois, celle des esprits. Je rêve d’une Alger où les hommes s’entraiment enfin, sans plus être séparés par des races, des religions ou des mers. » ; 

    - celle à Amboise, il y a trois jours, de l’actuel ambassadeur d’Algérie, M. Antar Daoud, appelant à faire de la Méditerranée un « lac de paix partagée et non un lac de division ». 

    Vive la République ici présente, et surtout vive la paix civile, vive la paix des mémoires. 

     

    Jean-François Gavoury 

     

     


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    Charonne 1962, ces souvenirs

     de la répression "qui ne s'effacent pas"

    Charonne 1962, ces souvenirs de la répression "qui ne s'effacent pas"

    Les funérailles, le 13 février 1962 à Paris, des victimes de la manifestation du 8 février 1962

    pour la paix en Algérie afp.com

     

    L’exigence absolue de la vérité

     

    Soixante ans, comme une trace de nos propres âmes, des taches de sang séchées, des vies sacrifiées. Les morts de « Charonne » le clament encore : un passé qui ne passe toujours pas, lui non plus. Quand le temps même, au nom de l’Histoire, donnait une chance, une grande chance, aux combats libérateurs, à la liberté sacrée, se réduisant parfois à l’élan de militants si engagés qu’ils s’exposèrent en première ligne.

    Le 8 février 1962, un crime d’État était perpétré en plein Paris, aux abords de la station de métro devenue depuis tristement célèbre. Cruauté des dates. Le 19 mars, les accords d’Évian mettraient un terme à la sale guerre d’Algérie. Quarante jours de trop… Les victimes étaient toutes membres de la CGT, huit sur neuf des communistes – ce qui confirme avec éloquence la place des uns et des autres dans la lutte anti­fasciste, face au déchaînement et aux attentats de l’OAS, et pour l’indépendance de l’Algérie. Trois de ces martyrs travaillaient à l’Humanité. Six hommes, trois femmes. Le plus jeune avait 15 ans. L’un d’eux avait choisi la France quand il quitta l’Italie des Chemises noires de Mussolini. Ce massacre, survenant moins de quatre mois après celui des Algériens, le 17 octobre 1961, acheva de faire basculer l’opinion publique dans le refus de poursuivre la guerre.

    Inoubliables morts par la laideur des actes : matraqués, assommés, étouffés dans la maudite bouche de métro. Ignominie de leurs responsables : flics fanatiques aux ordres de l’odieux préfet Maurice Papon, ministres menteurs, gouvernement cynique, tous sous la présidence du général de Gaulle qui, avant de clore le chapitre, en prolongea parfois les pires méthodes au nom de la « supériorité civilisationnelle », idée abjecte qui resurgit, aujourd’hui, telle une matrice traditionnelle, au cœur même de la droite extrême…

    Voilà pourquoi, soixante ans après, le travail de mémoire reste une épreuve et un enjeu hautement politique en tant que devoir d’Histoire. Nos gouvernants, souvent amnésiques, ne doivent jamais oublier que la réception d’un legs, avec ses pages sombres, se rappelle à nous quand nous procédons à sa négation. La reconnaissance des crimes d’État n’est pas abaisser la France, mais la grandir. Pour nous glisser dans les pas de l’exigence, qui ne souffre d’aucune lassitude. Cette exigence absolue : la vérité.

    Ils sont pas lourds, en février, à se souvenir de Charonne

    L’État n’a toujours pas reconnu ses responsabilités dans le massacre du 8 février 1962. De nombreuses organisations l’appellent à le faire soixante ans après les faits. Un communiqué de l’Élysée est attendu dans la journée. Aucun membre du gouvernement ne participera aux cérémonies.

     

    Charonne 1962, ces souvenirs de la répression "qui ne s'effacent pas"

    AFP

    Il y a soixante ans, la police française assassinait neuf personnes au métro Charonne, à Paris. Toutes étaient membres de la CGT. Toutes étaient membres du PCF, à l’exception d’une. Daniel Féry avait 15 ans, et assurait le routage de notre journal. Suzanne Martorell et Édouard Lemarchand travaillaient eux aussi à l’Humanité. Leur faute ? Qu’avaient-ils bien pu faire pour mourir étouffés dans le métro, matraqués à mort ? Pourquoi la police leur a-t-elle jeté les lourdes grilles qui entourent les arbres parisiens ? Parce qu’ils étaient venus manifester pacifiquement contre les crimes et les attentats de l’OAS, et pour le droit à l’autodétermination du peuple algérien. « Ils sont pas lourds, en février / À se souvenir de Charonne / Des matraqueurs asser­mentés / Qui fignolèrent leur besogne », chantait Renaud dans Hexagone (1975). Emmanuel Macron s’en souvient-il seulement ? Le président de la République, qui est devenu le premier à participer à une cérémonie dédiée aux massacres du 17 octobre 1961, ne fera pas de même pour le 8 février 1962, puisqu’il est en déplacement entre la Russie et l’Ukraine.

    L’Élysée assure néanmoins qu’une gerbe sera déposée, et qu’un communiqué officiel de la présidence sera rédigé. Son contenu est attendu de pied ferme. Soixante ans après, la France va-t-elle enfin reconnaître la responsabilité de l’État dans la tuerie de Charonne ? Ou bien va-t-elle de nouveau botter en touche, n’incriminant que le préfet de police de l’époque, ce coupable idéal qu’est Maurice Papon ? C’est exactement ce qu’a fait Emmanuel Macron le 17 octobre 2021 au sujet de l’assassinat de centaines de travailleurs algériens en Île-de-France en 1961, dédouanant au passage les plus hauts responsables de l’époque, à savoir le président de la République, Charles de Gaulle, le premier ministre, Michel Debré, et le ministre de l’Intérieur, Roger Frey. Ce sont pourtant eux qui ont donné les ordres de réprimer brutalement les manifes­tations d’octobre 1961 et de février 1962.

    L’admiration de Debré pour Papon… 

    « Ce que nous attendons, ce que les familles des victimes attendent, c’est la reconnaissance de la vérité, celle d’un acte criminel de l’État, avec le but explicite de tuer, coordonné au plus haut niveau entre Maurice Papon et Michel Debré », témoigne Henri Cukierman, président du Comité vérité et justice pour Charonne. Un texte soutenu par de nombreuses organisations invite à ce que la République française regarde pleinement l’histoire en face. L’appel est signé par Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, et Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, qui participeront tous les deux, ce mardi, à une cérémonie métro Charonne, à 18 heures. Il est également paraphé entre autres par la Ligue des droits de l’homme, le Mouvement pour la paix, le MJCF et l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS. 

    « Il faut une reconnaissance officielle », affirme Philippe Martinez, qui précise que « la CGT s’est toujours mobilisée contre les guerres coloniales et le racisme, et pour le devoir de mémoire ». «Dans le climat actuel, se remémorer Charonne, se remémorer la violence de l’extrême droite et de l’OAS, c’est essentiel pour ne pas la banaliser », ajoute le diri­geant syndical. À l’époque des faits, le gouvernement ose pourtant incriminer les manifestants. Roger Frey les décrit en « groupes organisés de véritables émeutiers, armés de manches de pioche, de boulons, de morceaux de grille, de pavés, d’outils divers qui ont attaqué le service d’ordre ». Il va même jusqu’à mettre sur un pied d’égalité l’OAS et le PCF en les qualifiant tous deux d’ennemis de la République. Michel Debré se rend pour sa part dans les locaux de la police parisienne pour « apporter le témoignage de sa confiance et de son admiration », et rend « hommage » à Maurice Papon, soulignant ses « qualités de chef et d’organisateur ». 

    Le 8 février, la police a pourtant chargé alors que la CGT et le PCF venaient d’annoncer la dispersion de la manifestation, comme le rappelle Henri Cukierman, présent ce soir-là. Pourquoi, diable, charger une manifestation non violente ? Et ce, alors que la paix et l’indépendance de l’Algérie étaient en train d’être discutées ? En janvier 1961, 75 % des Français s’étaient d’ailleurs prononcés par référendum pour le droit à l’autodétermination du peuple algérien… « C’est le comble de l’absurde ! On a du mal à comprendre cette violence de la police alors que le gouvernement est en pleine négociation avec les représentants algériens pour un accord de paix signé un mois plus tard », observait l’historien Pierre Vidal-Naquet. 

    Aller au-delà des « petits pas » 

    « Mais nous étions dans un climat anticommuniste haineux consubstantiel de la naissance de la Ve République », relève Alain Ruscio. « Il ne faut pas oublier que de Gaulle était au départ favorable à la répression des résistants algériens. Debré et Papon étaient des partisans de l’Algérie française jusqu’au bout des doigts. De Gaulle a cherché, farouchement, à dissocier la colère populaire de la cause algérienne, en la réprimant, car celle-ci risquait d’abîmer son récit », précise l’historien. «Les morts du 8 février auraient servi, assure-t-on au gouvernement, à démontrer à l’armée et à la droite conservatrice que le rempart contre le communisme était assez solidement maintenu par l’État », écrit même Jean Daniel dans l’Express du 15 février 1962. 

    Un important travail de mémoire a depuis été réalisé sur le massacre de Charonne. Une plaque, avec les noms de toutes les victimes, est fleurie chaque année à l’intérieur de la station. Le 8 février 2007, Bertrand Delanoë, alors maire de Paris, a baptisé une place du 8-Février-1962. Mais une partie du travail historique est encore empêchée. « Les archives de la préfecture de Paris sont officiellement ouvertes, mais de nombreux documents sont inaccessibles, notamment ceux relatifs au rôle de l’État », note Alain Ruscio. Un État qui n’a toujours pas reconnu ses torts. « L’écriture sereine et dépassionnée de l’histoire coloniale est des plus difficiles. Il y a un lobby de la nostalgie coloniale et la volonté de ne pas égratigner des icônes du roman français, comme de Gaulle », mesure l’historien. « On ne reconstruit pourtant pas une France apaisée en éludant les faits et les responsabilités. Plutôt que d’assumer une ligne, une cohérence, Macron tente de ménager un peu tout le monde », regrette Guillaume Roubaud-Quashie, responsable archives et mémoire du PCF. Ainsi, s’il a su reconnaître la responsabilité de l’État dans les assassinats de Maurice Audin et Ali Boumendjel, le président doit aller au-delà des « petits pas » et se libérer de «conceptions électoralistes», observe Henri Cukierman. Reste à savoir ce que dira le communiqué attendu. 

    SOURCE : https://www.humanite.fr/politique/massacre-de-charonne/ils-sont-pas-lourds-en-fevrier-se-souvenir-de-charonne-737359 

     

    Charonne 1962, ces souvenirs de la répression "qui ne s'effacent pas"

    Charonne 1962, ces souvenirs de la répression "qui ne s'effacent pas"

    Charonne 1962, ces souvenirs de la répression "qui ne s'effacent pas"

     

    Ce matin, au cimetière du Père Lachaise, le préfet de police Didier Lallement s'est recueilli et a déposé une gerbe devant la sépulture des Victimes de Charonne.

    Charonne 1962, ces souvenirs de la répression "qui ne s'effacent pas"

    Le préfet de police Didier Lallement, mardi 8 février, rendant hommage aux victimes de Charonne au cimetière du Père-Lachaise, à Paris. LUDOVIC MARIN / AFP

    Ce geste a été suivi de la communication ci-après sur le site Internet de l'Elysée :

    Charonne 1962, ces souvenirs de la répression "qui ne s'effacent pas"

    PUBLIÉ LE 8 FÉVRIER 2022

    Déclaration de M. Emmanuel Macron, Président de la République, en hommage aux citoyens tués lors de la manifestation pour la paix et l'indépendance de l'Algérie du 8 février 1962.

    Charonne 1962, ces souvenirs de la répression "qui ne s'effacent pas"

    « Le 8 février 1962, une manifestation unitaire a été organisée à Paris pour la paix et l’indépendance en Algérie et contre les attentats de l’OAS. Elle a été violemment réprimée par la police : 9 personnes ont perdu la vie, plusieurs centaines furent blessés.

    Soixante ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes et de leurs familles ».

     


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    ANPROMEVO " Le quotidien Le  Monde  à l’écoute

    des victimes de l’OAS "

    ANPROMEVO « Le quotidien Le  Monde  à l’écoute des victimes de l’OAS 

    Cérémonie d'obsèques de Roger Gavoury en la cour de l’École de police d’Hussein-Dey à Alger le 3 juin 1961. Il fut assassiné dans l’exercice de ses fonctions de commissaire central d’Alger le 31 mai 1961 par l'OAS.

    à l’attention de Mesdames et Messieurs les adhérents,
    amis et correspondants de l’Association nationale
    pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS
     - 

    Chaville, 7 février 2022.

    Chère Madame,
    Cher Monsieur,

    Depuis que la France est entrée dans l’année du soixantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, l’ensemble de la presse nationale s’est tenue à distance des victimes de l’OAS, préférant évoquer les mémoires douloureuses des partisans de l’Algérie française, des harkis et des représentants du monde rapatrié.

    Probablement faut-il y voir la double et négative influence, d’une part, des services de l’administration centrale en charge des anciens combattants et, d’autre part, d’un rapport d’historien partiel intitulé « Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie » remis au Président de la République le 20 janvier 2021.

    En me proposant une interview téléphonique, Le Monde a, le premier, brisé cette forme d’omerta. Il faut dire que ce quotidien se rappelle avoir, le 15 février 1962, subi l’épreuve d’une bombe visant Jacques Fauvet, son rédacteur en chef adjoint, mais qui blessa légèrement sa fille âgée de huit ans : sombre reproduction de l’attentat dirigé une semaine auparavant contre le ministre André Malraux et dont Delphine Renard sortit à quatre ans et demi mutilée à vie.

    Telle était l’OAS dont l’État s’est déshonoré en en célébrant, quasi continûment depuis février 1973, des faits d’armes de même nature. Telle était l’OAS dont la République a délaissé autant les victimes survivantes que les familles des victimes décédées, au nombre estimé de quelque 2 700 ces dernières.

    Puisse l’article ci-annexé du journaliste Frédéric Bobin - dont je salue le travail impartial - contribuer à l’édification de ses lecteurs à l’Élysée et encourager Monsieur Emmanuel Macron à laver l’injure nostalgérique faite à la mémoire de l’Émir Abdelkader le samedi 5 février à Amboise : la commémoration, demain, à Paris du drame de Charonne sera pour lui l’occasion d’exalter le souvenir des personnes tombées, des deux côtés de la Méditerranée, sous les coups d’un belligérant aveugle et barbare.

    Veuillez agréer, chère Madame, cher Monsieur, l’expression de mes sentiments dévoués.

    Jean-François Gavoury
    Président de l’ANPROMEVO

    ANPROMEVO « Le quotidien Le  Monde  à l’écoute des victimes de l’OAS

    ANPROMEVO « Le quotidien Le  Monde  à l’écoute des victimes de l’OAS

    ANPROMEVO « Le quotidien Le  Monde  à l’écoute des victimes de l’OAS

    ANPROMEVO « Le quotidien Le  Monde  à l’écoute des victimes de l’OAS


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  • Il y a 60 ans, le drame sanglant du métro Charonne

    à Paris

    Il y a 60 ans, le drame sanglant du métro Charonne à Paris

    Des personnes blessées lors de heurts violents entre la police et des manifestants anti-OAS, le 8 février 1962 au métro Charonne, à Paris
    afp.com - -


    Il y a 60 ans, le drame sanglant du métro Charonne à Paris

    Le 8 février 1962, une manifestation pour la paix en Algérie se soldait par neuf morts au métro Charonne à Paris et devenait, peu avant la fin de la guerre d'Algérie, un symbole sanglant de la répression d'Etat.

    Les jours précédents, une série d'attentats de l'OAS (Organisation armée secrète), opposée à l'indépendance de la colonie française, ont fait plusieurs blessés graves, dont l'un, visant André Malraux, a horriblement défiguré une fillette de 4 ans.

    Les Français se sont pourtant déjà majoritairement prononcés pour l'autodétermination de l'Algérie et les accords d'Evian proclameront bientôt, le 18 mars, un cessez-le-feu ouvrant la voie à l'indépendance.

    Le bref rassemblement pacifique prévu le 8 février Place de la Bastille, à l'appel du Parti communiste, du PSU, de la CGT et d'autres syndicats comme la CFTC, la FEN et l'UNEF ainsi que des organisations de gauche, est interdit par le préfet Maurice Papon, sur fond d'état d'urgence en vigueur depuis avril 1961.

    Mais les organisateurs appellent "les travailleurs et tous les antifascistes de la région parisienne à proclamer leur indignation, leur volonté de faire échec au fascisme et d'imposer la paix en Algérie".

    Cinq cortèges de manifestants partis de différentes stations du métro doivent rejoindre la Bastille pour écouter leur intervention, mais la police a ordre de disperser coûte que coûte les rassemblements.

    Un certain nombre y parviennent toutefois, malgré des heurts déjà violents avec les forces de l'ordre, et un texte est lu. Mais c'est au retour que le drame éclatera.

    - "Pourquoi pas moi ?" -

    Boulevard Voltaire, des heurts entre les CRS qui chargent, "matraques en avant", et "les manifestants qui s'étaient coiffés de cageots à légumes pour se protéger la tête" et "jettent des pierres et des pavés", ont fait plusieurs blessés, écrit à l'époque l'AFP.

    Des manifestants cherchant à fuir une charge policière s'engouffrent dans le métro Charonne.

    Une bousculade meurtrière s'ensuit, des policiers poursuivent les manifestants pour les frapper, d'autres jettent vers ceux qui tentent de ressortir les lourdes grilles qui entourent les arbres.

    Des personnes bloquées par les portillons d'accès aux quais sont étouffées sous la pression, d'autres meurent le crâne fracassé sous les coups. On relèvera huit morts, dont trois femmes et un apprenti de 15 ans. Un homme mourra huit semaines plus tard de ses blessures. Tous sont syndiqués à la CGT et membres du PC, à l'exception d'une victime.

    "La précipitation dans le métro, les portillons fermés, puis le grand trou noir" : Jacqueline Guichard, alors jeune employée des chèques postaux, adhérente à la CGT et au PC, a évoqué en 2002 cette terrible fin de journée.

    "Nous sommes parties à 7 ou 8 copines", a-t-elle raconté. Parmi elles, Anne-Claude Godeau, 24 ans, qui n'en reviendra pas.

    "On défilait depuis un moment, la nuit tombait, on criait +Paix en Algérie+. C'était revendicatif, mais sans plus. A Charonne, la tête de la manif nous a donné l'ordre de nous disperser. Et puis, ça a commencé", poursuit Mme Guichard. "Subitement, la police avec casques et matraques a chargé" et la foule s'est engouffrée dans le métro : "Pourquoi on est entré dans ce métro ? Je ne saurai jamais. Pourquoi Anne-Claude a pris des coups ? Pourquoi pas moi ? Je ne le saurai pas non plus."

    - "Le comble de l'absurde" -

    A l'avant, Jacqueline perd de vue ses camarades et se retrouve coincée contre les portillons. En haut, de premières victimes tombent. Elle parvient, hagarde, à rentrer chez elle vers 21h00 : "J'ai compris le désastre en écoutant la radio...".

    Pour l'historien Pierre Vidal-Naquet, disparu en 2006, "c'est le comble de l'absurde. On a du mal à comprendre cette violence de la police alors que le gouvernement est en pleine négociation avec les représentants algériens pour un accord de paix signé un mois plus tard. Et pourtant ce fut une répression d'Etat", déclarait-il 40 ans après la tragédie.

    "Sans doute de Gaulle voulait-il montrer que son autorité était intacte".

    Il n'avait pas non plus "intérêt à ce que le Parti communiste fasse démonstration de sa force", analysera l'historien Olivier Le Cour Grandmaison.

    Ce "massacre d'Etat", selon l'historien Alain Dewerpe, sera suivi le 13 février du rassemblement de 100.000 à 200.000 personnes pour les obsèques des victimes.

    Il occultera longtemps dans la mémoire collective un autre drame sanglant, celui de la répression policière de la manifestation du 17 octobre 1961 au cours de laquelle plusieurs dizaines d'Algériens protestant à l'appel de la fédération de France du FLN contre le couvre-feu décrété par le même Maurice Papon trouvèrent la mort à Paris.

    Une occultation que l'historien Gilles Manceron explique notamment par le silence imposé par les autorités françaises autour du massacre de 1961 et une mobilisation moindre de la gauche française, qui n'en était pas l'organisatrice.

    Cliquez sur le lien ci-dessous pour visualiser une vidéo

    https://information.tv5monde.com/sites/info.tv5monde.com/files/jwplayerfield/4e088554-0038-4590-947e-bb4b9dce3f88.640x360.mp4 

     

    SOURCE : https://information.tv5monde.com/info/il-y-60-ans-le-drame-sanglant-du-metro-charonne-paris-443625 

     

    Il y a 60 ans, le drame sanglant du métro Charonne à Paris

    Il y a 60 ans, le drame sanglant du métro Charonne à Paris

    Il y a 60 ans, le drame sanglant du métro Charonne à Paris

     


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    LILLE : Zemmour accueilli

     par des centaines de manifestants

     avant son meeting

     

     LILLE : Zemmour accueilli par des centaines de manifestants avant son meeting

    Le président de SOS Racisme, Dominique Sopo (à dr.), lors de la manifestation à Lille avant le meeting d’Eric Zemmour, le 5 février 2022. REUTERS

    Quelques centaines de manifestants, 500 selon la préfecture, se sont rassemblés samedi matin à Lille pour dire «Non au racisme, non à l’extrême droite» avant la venue d'Eric Zemmour. 

    «Nous sommes face à un personnage dont le seul moteur est la haine notamment raciste», «lorsqu’on est face à l’extrême droite, il faut se lever et contester (...) la logique de haine», a lancé à la foule Dominique Sopo, le président de SOS-Racisme, à l’initiative du rassemblement de Lille (nord de la France), soutenu par plusieurs partis de gauche, des syndicats et des associations.

    « Zemmour a le droit de s’exprimer mais nous avons le droit et le devoir de nous réunir pour dire que nous combattons tout ce qu’il est, ce qu’il dit, ses thèses», lui a fait écho la maire socialiste de Lille Martine Aubry, présente à la manifestation. Elle avait appelé ses concitoyens à rallier le rassemblement en déclarant que le candidat n’était « pas le bienvenu ». « Cet homme ne marche que par la haine (…) il porte et entraîne la violence », « prenons l’engagement de ne plus le laisser dire ces horreurs », a-t-elle encore lancé, sous les applaudissements. 

    Avant la manifestation « antifa »

    Ce rassemblement d’un peu plus d’une heure, qui a surtout mobilisé des militants de toute génération, ouvrait le bal des contestations de la présence du candidat du parti Reconquête !, avant une manifestation « antifa » qui doit démarrer en début d’après-midi à quelque 800 m du Grand Palais accueillant le meeting.

    Avec jusqu’à 8000 participants attendus, Eric Zemmour doit y tenir dans l’après-midi une deuxième démonstration de force après le meeting du 5 décembre à Villepinte, en région parisienne, marqué par des violences. A la mi-journée, une longue file d’attente s’était déjà formée dans l’attente de l’ouverture des portes, des jeunes arborant notamment un masque de Zemmour. 

    « L'opposé de nos valeurs »

    Mais pour Sabine Donnaint, 49 ans, co-présidente de la section de Dunkerque de la Ligue des droits de l’homme qui a répondu à l’appel de Sos-Racisme, pas question de ne pas se mobiliser « contre le candidat du rejet de l’étranger et du non-accueil » qui « mène une politique qui n’est pas à la hauteur de la France. » « Zemmour c’est l’opposé de nos valeurs », fulmine Dominique Lesart, 70 ans, retraité et militant associatif, qui déplore que « certains partis trouvent porteur de prendre les migrants et étrangers comme bouc émissaire.»

    « Militants antifa, féministes, antiracistes, on n’a pas le choix, il faut nous réunir » face à l’extrême droite, lance de son côté Raphaël Arnault, un jeune militant « antifa » venu de Lyon. « La vieillesse emmerde Zemmour » proclame un peu plus loin une pancarte brandie par un retraité. Anne-Françoise, médecin, est toutefois déçue de l’affluence limitée : « Pour moi qui ai connu la grande période de la gauche, venir ici et trouver aussi peu de monde c’est navrant », se désole-t-elle.

    (AFP)

    SOURCE : Lille (F)  – Zemmour accueilli par des centaines de manifestants avant son meeting  - Le Matin 

    Merci de cliquer sur le lien ci-dessous pour voir la maire

     de lille martine aubry et dominique sopo

    https://dai.ly/x87na7i 

     

     

     LILLE : Zemmour accueilli par des centaines de manifestants avant son meeting

    « Même si Zemmour et Le Pen et d'autres ne le veulent pas nous sommes Français, nous aimons la France multiculturelle, la France de toutes les couleurs,

     

     LILLE : Zemmour accueilli par des centaines de manifestants avant son meeting


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  • Mémoire

    France-Algérie : la stèle

     en hommage à l’émir Abdelkader vandalisée avant son inauguration

    La stèle de l'émir algérien Abdelkader qui devait être inaugurée ce samedi à Amboise a été vandalisée. (Guillaume Souvant/AFP)

    La sculpture en hommage à cette figure de la résistance à la colonisation de l’Algérie au XIX siècle a été inaugurée ce samedi dans la ville d’Indre-et-Loire où il fut détenu avec sa famille.

    Sa silhouette découpée dans une feuille d’acier rouillée fixe le fleuve. Sur la promenade des bords de Loire, au pied du palais royal d’Amboise (Indre-et-Loire), une sculpture en hommage à l’émir Abdelkader et soutenue par l’Elysée a été inaugurée ce samedi par le maire (LR) de la ville, Thierry Boutard. Mais dans la matinée, elle a été retrouvée vandalisée. Sa partie basse notamment a été largement abîmée. L’édile a aussitôt fait part de son «indignation», l’ambassadeur d’Algérie en France, Mohamed Antar Daoud, a de son côté appelé à «davantage de dialogue et de compréhension».

    L’œuvre de l’artiste Michel Audiard, inspirée d’une photographie conservée par la Bibliothèque nationale de France, a été dévoilée devant une poignée d’élus locaux, quelques curieux et Georges Morin, un rapatrié d’Algérie membre de la commission «Mémoire et vérité» mise en place après la remise du rapport Stora sur «les mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie» – rapport dans lequel la construction d’une stèle en hommage à l’émir était préconisée.

    «Une réconciliation mémorielle entre la France et l’Algérie passe par une circulation des images, des représentations réciproques, des découvertes mutuelles», écrivait Stora. «Je ne me situe pas du tout dans une histoire franco-algérienne politique», explique de son côté Thierry Boutard. L’élu tourangeau défend un «personnage historique» dont la ville est fortement attachée. «C’est une figure majeure du XIXe siècle», abonde l’historien franco-algérien Ahmed Bouyerdene, auteur d’une riche biographie de l’émir Abdelkader.

    Sur Twitter le maire d’Amboise Thierry Boutard dénonce un « saccage

    ignoble » dans une « période où certains se complaisent dans la haine

    des autres »

    L’inauguration de cette stèle avait toutefois été ciblée par l’extrême droite sur les réseaux sociaux. Le site Fdesouche qualifiant, sur Twitter, l’émir de «héros de la lutte contre la France». L’ancien député du Gard Gilbert Collard, soutien d’Eric Zemmour, parlait, lui, d’«adversaire historique de la France».

    Reprise partielle de l’article du quotidien Libération : https://www.liberation.fr/societe/france-algerie-la-stele-en-hommage-a-lemir-abdelkader-vandalisee-avant-son-inauguration-20220205_OP6J7PPLINDQ3DMCMD5UROP2GQ/ 

     


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    Guerre d'Algérie : Deux victimes innocentes d’attentats terroristes… Delphine Renard victime d’un attentat OAS, Danielle Michel-Chich victime d’un attentats FLN

    Il y a 60 ans

    Delphine Renard a été victime

    de la bombe (OAS)

    le 7 février 1962…

    Mutilée à vie elle est annoncée

    comme présente à la commémoration

    des victimes de la police aux ordres

    de Papon au Métro Charonne

    le 8 février 2022

     

     

    Il y a 10 ans, en 2012 je mettais en ligne

    cet article

     

    ll y a 60 ans Delphine Renard a été victime de la bombe (OAS) le 7 février 1962… Le 8 février 2022 elle est annoncée comme présente à la commémoration des victimes du Métro Charonnes

    ll y a 60 ans Delphine Renard a été victime de la bombe (OAS) le 7 février 1962… Le 8 février 2022 elle est annoncée comme présente à la commémoration des victimes du Métro Charonnes

     

     

    Le bouleversant récit de la petite victime de l’OAS *** Leçon de vie Février 1962 : Delphine Renard est blessée dans un attentat et perd la vue. Elle n’avait jamais parlé …

     

    Article de Emilie LANEZ dans le Point n° 2079

     paru le 19 juillet 2012 

    Ses mains dansent tandis qu’elle choisit soigneusement ses mots. Elle a 55 ans et de grands yeux couleur noisette, qui ne voient plus. Le 7 février 1962, Delphine Renard, 4 ans et demi, joue dans sa chambre après le déjeuner. Dans quelques instants, elle retournera à l’école maternelle de Boulogne où sa mère la conduira. André Malraux, ministre des Affaires culturelles et locataire de ses parents, s’est absenté, ce qu’ignore le jeune étudiant, activiste de l’OAS, l’Organisation armée secrète, qui pose une bombe sur le rebord de la fenêtre. Il veut tuer le ministre du général de Gaulle, mais c’est la moitié du visage poupin de Delphine qui est emportée, l’œil droit de Delphine qui s’éteint à jamais, son autre œil étant transpercé d’éclats de vitre. Delphine Renard, victime de la folie meurtrière des factieux de l’Algérie française. Incarnation de l’innocence blessée, son visage ensanglanté, mutilé, fera le tour du monde. Il bouleverse la France, qui découvre avec effroi la rage de ces colonialistes. Dès le lendemain, Paris défile pour manifester son chagrin, tandis que des médecins s’acharnent à sauver la fillette.

    "Le jour de l’attentat, les photographes ont retardé mon transport par police secours, car ils voulaient avoir le temps de prendre le plus de photos possible". C’est dit calmement. "Plus tard, à la campagne, je marche avec ma mère. Un journaliste nous demande très poliment la permission de me photographier, ma mère refuse, la conversation est aimable. Il rebrousse chemin et alors ma mère comprend que c’était un piège, un autre caché dans les buissons m’avait photographiée tout le temps de la discussion." Ce 7 février 1962, le premier hôpital sollicité ne souhaite pas accueillir la blessée, tant il est certain qu’elle mourra. Elle sera transportée à l’hôpital Cochin, dont les chirurgiens lui sauvent la vie, mais leurs techniques de reconstruction plastique ne suffisent pas à lui réparer le visage. "Quand je me suis réveillée de la longue anesthésie générale, l’opération continuant sous anesthésie locale, j’ai touché ma joue et mon doigt s’est enfoncé. J’ai demandé pourquoi on m’avait mis tant de crème sur la figure. Le chirurgien m’a priée d’enlever ma main en me disant que ce n’était pas de la crème. J’ai compris plus tard que mon doigt traversait ma joue", dit-elle. Un chirurgien plastique new-yorkais, le professeur Converse, propose à ses parents de l’opérer gratuitement. L’enfant ne peut prendre l’avion, car son œil valide contient encore un éclat de verre, que l’on ne peut extraire et qui risque de bouger en altitude. "Ma grand-mère a vendu tout ce qu’elle a pu pour financer ce qui était nécessaire et nous avons aussi été aidés par des personnes merveilleuses comme Pierre Dreyfus, le patron de mon père à la Régie Renault, qui nous a offert la traversée transatlantique en première sur le paquebot ’France’, je lui en garde une très grande reconnaissance.". À cet instant du récit, lorsqu’elle évoque, émue, ce voyage vers New York, on comprend que Delphine Renard est une sage et heureuse personne, parce qu’elle sait, talent rare, se réjouir d’un instant. "Mes parents n’ont jamais parlé entre eux de l’attentat, c’était une douleur indicible. Ma mère n’a plus trouvé la paix", ajoute-t-elle.

    Le tic-tac du cauchemar 

    À l’invitation du maire de Paris, le 6 octobre 2011, Delphine Renard, accompagnée de sa mère, désormais veuve, assiste, pour la première fois, à une cérémonie officielle ; le dévoilement de la première stèle édifiée à la mémoire des victimes de l’OAS au cimetière du Père-Lachaise. "J’avais choisi jusque-là de garder le silence sur la guerre d’Algérie. Mais quand j’ai découvert que, depuis presque cinquante ans, jamais un hommage n’avait été rendu aux victimes des exactions de l’OAS, je n’ai pu continuer à me taire. Il m’a paru nécessaire de prendre publiquement position et j’ai voulu que mon nom et le souvenir de ma photo servent à quelque chose. C’est pourquoi j’ai décidé de participer à cette cérémonie". Sa présence est un événement. Profondément choquée par "le révisionnisme rampant de la France", elle soutient l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS, créée par le fils du commissaire Gavoury, assassiné par l’OAS à Alger en 1961. Elle raconte, la voix toujours posée, que "dans le Midi sont érigées des stèles à la mémoire des terroristes de l’OAS". Un monument édifié dans le cimetière de Marignane en juillet 2005, dont trois ans plus tard, en novembre 2008, le tribunal administratif de Marseille ordonna la démolition, mais que le lobby des anciens OAS de la région a fait remettre en place un an plus tard, sous couvert d’une infime modification, jusqu’à ce que le Conseil d’État statue définitivement sur son illégalité en novembre 2011. Elle ajoute, avec une froideur écœurée, que "certains de ces anciens militaires, pourtant jadis condamnés par la justice, sont maintenant décorés de la Légion d’honneur. Un sous Chirac, trois sous Sarkozy". Elle perçoit une pension de victime de guerre et comprend mal que ces "criminels, assassins" en touchent une également.

    À New-York, en 1962, la fillette sera opérée tous les mois par le chirurgien Converse. Il accomplit des prouesses sur son jeune visage, qui ne porte aujourd’hui qu’une cicatrice peu visible sur la joue droite. Entre deux interventions, elle est scolarisée. « Ma mère m’avait appris à lire avant l’attentat, lorsque j’avais 3 ans. C’est une chance, non ? ». Elle rit. Elle lit avec une grosse loupe, écoute attentivement mais ne parvient pas à voir le tableau, même assise au premier rang. Elle est une élève douée, travailleuse, elle songe à faire médecine puis entre à Sciences po, suit une préparation à l’Ena, bien que gênée par sa peur insurmontable des oraux. Passionnée d’art, elle travaille comme critique dans une revue spécialisée. « Les tableaux, je pouvais les percevoir puisque je voyais de près, avec mes grosses lunettes, et je pouvais rester longtemps devant. ». Elle emmagasine de la beauté. Elle ne sait pas encore qu’elle en aura besoin. La jeune femme a cessé d’être hantée par son cauchemar, celui d’un bonhomme de neige, qui fait tic-tac dans des rues désertes, où elle fuit, hurle, court pour lui échapper. Le tic-tac s’est tu vers la fin de son enfance.

    Entre 1986 et 1988, elle a à peine 30 ans, sa vision baisse, très vite, de semaine en semaine. Delphine Renard se refuse à y croire : « J’ai peur, terriblement peur, je mets beaucoup de temps à l’admettre, c’est invraisemblable pour moi de perdre la vue une seconde fois, car les deux mois suivant l’attentat j’avais déjà été plongée dans le noir. ». Un glaucome traumatique, séquelle de l’explosion, emporte inexorablement l’œil qui voyait encore un peu. Delphine se cogne, elle tâtonne. Elle marche seule dans la rue, "envahie d’une angoisse vertigineuse, comme perdue dans l’espace". Un ami aveugle de naissance la convainc de prendre enfin une canne blanche. Treize ans après, elle acceptera d’accueillir Phèdre, sa chienne guide, de race golden retriever, qui ronfle, débonnaire, à ses pieds. "Elle m’a changé la vie. Se prendre un lampadaire de plein fouet, c’est chaque fois un gros coup de désespoir". Puis fut inventé l’ordinateur à synthèse vocale, une révolution bienvenue. Désormais, elle peut scanner tous ses livres ou les télécharger de la bibliothèque en libre accès de Chicoutimi, au Québec. L’ordinateur les lui lit à haute voix. Delphine Renard correspond, écrit, travaille. Beaucoup.

    "J’ai perdu la vue tandis que j’étais en analyse, ce fut une aide", à tel point qu’elle conçoit, après plusieurs années, l’idée de devenir elle-même psychanalyste, et pour ce faire s’inscrit en faculté de psychologie, obtient un DESS puis un DEA, avant de rédiger une thèse sur Lacan et le judaïsme, qui donnera lieu à un livre récemment publié (1). "J’avais assisté très jeune à quelques séminaires de Lacan, mais je n’y comprenais pas grand-chose. J’ai d’abord lu ses œuvres sans rien attendre et en laissant faire, puis, grâce à l’enseignement de Jacques-Alain Miller et d’autres professeurs remarquables, les notions se sont éclaircies". Elle reçoit aujourd’hui des patients. "J’ai une autre écoute, je ne suis pas distraite par le visuel". Elle demande parfois au téléphone au futur patient s’il n’est pas allergique aux chiens, précisant qu’elle a un chien guide, étant aveugle. "Mais je ne le dis pas toujours, car je préfère qu’une personne ne revienne pas après un premier rendez-vous plutôt qu’elle ne vienne pas du tout à cause de ce qu’elle fantasme sur les aveugles".

    Chambre condamnée 

    Delphine Renard n’exprime aucune colère. Elle pourrait en ressentir tant. Celui qui a posé la bombe a été jugé et condamné, "mais on arrête la main, pas la tête". Nous évoquons alors André Malraux, l’homme visé par l’attentat. Qu’a-t-il fait pour cette enfant qui paiera de sa vue la tragique méprise et qui faillit la payer de sa vie ? "Rien, jamais". Un hasard qu’il n’ait pas été présent dans la maison le jour de l’attentat ? "Sans doute", répond-elle. Elle se tait. Pourquoi ce "sans doute" ? "Le commissariat du quartier semble avoir été averti d’un risque d’attentat, Malraux a-t-il été prévenu ? À quinze mètres de ma chambre, un gendarme dans une guérite garde notre domicile, qui est celui du ministre. Il n’a rien vu…". André Malraux ne s’est jamais manifesté auprès de sa famille, à laquelle il est pourtant lié d’amitié, ne s’est pas enquis de sa lutte pour la survie ni de sa convalescence. "Après l’attentat, mon père lui a demandé de quitter notre maison, mais Malraux a refusé et a alors coupé toute communication avec lui, au point que mon père a dû se rendre à son ministère pour discuter avec lui. Malraux l’a même menacé de faire réquisitionner la maison". Le ministre finira par quitter les lieux et la famille Renard s’y réinstallera. La chambre de Delphine n’a jamais été réhabilitée, "les volets sont restés fermés, elle servit de garde-meuble".

    Delphine a aujourd’hui rejoint les associations de victimes, qu’elle soutient de cœur et de raison. "J’ai eu beaucoup à faire pour m’en sortir, et longtemps je n’ai vraiment pas été disponible pour la moindre action politique ou publique. Mais, maintenant, le temps en est venu". Intéressée par le judaïsme pour des raisons familiales, elle a étudié la pensée juive, lu avec passion la Torah, "un livre extraordinaire. Le judaïsme porte une vocation de libération, malgré tous ses préceptes, car on peut tout y questionner. D’ailleurs, le premier des dix commandements du Décalogue n’énonce-t-il pas : ’Je suis l’Éternel, ton Dieu, qui t’a fait sortir d’Égypte, de la maison des esclaves’ ?". Elle joue du violoncelle, du piano. Elle a monté une troupe d’opérette qui a choisi pour nom, en hommage à un théâtre parisien du second Empire spécialisé dans le répertoire lyrique léger, la compagnie des Délassements comiques. En nous raccompagnant à la porte, Delphine Renard confie nous avoir reçue chez une amie, qui lui a prêté son appartement. Afin que la presse n’entre pas chez elle.

    (1). "Judaïsme et psychanalyse : les ’discours’ de Lacan", de Delphine Renard (Cerf).

    P.-S. 

    Ce témoignage-reportage, ô combien poignant, démontre l’urgence que représentent, pour les plus hautes autorités de la République, la reconnaissance des victimes du terrorisme de l’OAS et la cessation définitive de toute forme de réhabilitation publique des tenants du colonialisme.

    Cela concerne évidemment le président Macron qui hésite d’employer le mot OAS dans ses discours ? 

     

    Les souvenirs de Delphine Renard  

    la petite fille victime de l'OAS 

    Le 7 février 1962, en pleine guerre d'Algérie, une bombe explose chez André Malraux. Une petite fille de quatre ans, Delphine Renard, est grièvement blessée. Elle devient, malgré elle, le symbole des victimes du terrorisme. Aujourd'hui, dans un livre - "Tu choisiras la vie" (Grasset) - elle raconte l'évènement qui a changé sa vie. 

    Delphine Renard est au milieu de ses jouets, dans sa chambre, à Boulogne Billancourt. Elle est allongée, par terre, plongée dans une livre. Soudain, une énorme explosion retentit. La pièce vole en éclats. La petite fille pousse un hurlement. Elle s'en souvient comme si c'était hier : "j'ai les yeux fermés, collés par le sang, mon côté droit n'est plus qu'une bouillie". Les secours se précipitent. Les reporters, aussi. Paris Match publie la photo de l'enfant. Le magazine écrit : "ce visage mutilé accuse l'OAS". 

    L'OAS, c'est l'organisation de l'armée secrète, qui commet des attentats pour empêcher l'indépendance de l'Algérie. Quand les Français voient cette photo, quand ils découvrent l'histoire de Delphine Renard, ils sont bouleversés. 

    Deux drames, en deux jours  

    Si la bombe a explosé chez elle, c'est simplement parce que Delphine Renard habite le même immeuble qu'André Malraux. C'est lui, le ministre du général de Gaulle, qui était visé. Au moment de l'attentat, Malraux n'était pas chez lui. 

    Le lendemain, une manifestation a lieu à Paris. Le préfet de police, Maurice Papon, l'a interdite. Mais des milliers de personnes descendent malgré tout dans la rue. Elles protestent contre les attentats. La police charge les manifestants. Il y a des bousculades. Neuf personnes sont tuées au métro Charonne. 

    Deux drames, en deux jours. Après des mois de violence, après la répression du 17 octobre 1961, la guerre a atteint un niveau insupportable. D'ailleurs, les Français ne la supportent plus. Le conflit s'arrête quelques semaines plus tard. Les accords d'Evian sont signés le 18 mars 1962.  

    À 56 ans, elle trouve la force d'écrire sur l'événement  

    Pendant ce temps-là, Delphine Renard va d'hôpital en d'hôpital. Dans l'attentat, elle a perdu un œil. Elle subit des opérations en série. Elle grandit. Elle se construit, dans l'ombre de cette histoire. Parfois, dans la rue, des passants la reconnaissent : "Êtes-vous la petite Delphine Renard ?". Elle n'aime pas beaucoup ça. 

    Elle suit des études brillantes. Elle devient critique d'art, puis psychanalyste. A 29 ans, elle perd son deuxième œil. Encore une conséquence, tardive, de l'attentat. Aujourd'hui, Delphine Renard a 63 ans. Elle a trouvé la force d'écrire sur l'événement qui a bouleversé sa vie.

      

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    Delphine Renard, une petite fille victime de l'OAS par FranceInfo

     

     

    « Des élus de la République se recueillent régulièrement devant des monuments élevés en  hommage à quatre assassins de l’OAS »

    ll y a 60 ans Delphine Renard a été victime de la bombe (OAS) le 7 février 1962… Le 8 février 2022 elle est annoncée comme présente à la commémoration des victimes du Métro Charonne

    Ménard maire de Béziers mettra les drapeaux en berne le 19 mars prochain

    ll y a 60 ans Delphine Renard a été victime de la bombe (OAS) le 7 février 1962… Le 8 février 2022 elle est annoncée comme présente à la commémoration des victimes du Métro Charonne

    Robert Ménard ici avec Elie Aboud devant la stèle de la Honte 




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    Histoire d’une chanson :  Le Temps des Cerises

    Histoire d’une chanson :

     Le Temps des Cerises

    Histoire d’une chanson :  Le Temps des Cerises

    Cette rubrique évoque le destin et l’histoire d’une chanson qui, plus de 150 ans après sa création, reste dans l’idéal collectif la fusion de l’amour et de la révolution. La chanson de Jean-Baptiste Clément " Le Temps des Cerises " est liée à la Commune libre et autogérée de Paris en 1871. C’est aussi une chanson d’amour. Pour les millions de personnes qui l’ont fredonnée,  Le Temps des Cerises  c’est peut-être l’alliance de l’amour et de la révolution.

    Le contexte historique 

    La défaite de Napoléon III en 1870 provoque l’encerclement de Paris et laisse les Parisiens se défendre seuls contre les armées prussiennes. Napoléon III a abdiqué et un gouvernement provisoire a abandonné la capitale pour se réfugier à Bordeaux et plus tard à Versailles. Le siège et l’encerclement de Paris par les Prussiens durent 5 longs mois, entre septembre 1870 et janvier 1871, cinq mois de combats et de famine où Paris ne capitule pas.

    Dès la signature de l’armistice Thiers et son gouvernement multiplient les mesures vexatoires contre la population parisienne qui a résisté seule contre l’envahisseur. Le 18 mars 1871 l’insurrection éclate c’est le début de la Commune de Paris. Pendant plus de deux mois une commune libre et autogérée va résister aux assauts des 130.000 soldats déployés par Thiers pour reprendre la ville. La Commune de Paris s’achève dans le sang le 28 mai 1871 mais cette répression n’efface pas le souvenir de cette merveilleuse parenthèse que fut la Commune.

    La chanson de Jean Baptiste-Clément perpétue ce souvenir depuis plus de 150 ans.

    L’auteur 

    Jean-Baptiste Clément connaît très tôt la prison sous Napoléon ; c’est un républicain qui va évoluer vers le socialisme. Son engagement est passionné, radical et poétique, puisqu’il compose de nombreuses chansons et comptines. La chanson "Le Temps des Cerises" est publiée sans le visa de la censure, depuis la Belgique, où Clément s’est réfugié. Militant pour la commune de Paris dés le 18 mars 1871 (il a été maire de Montmartre) Clément participe aux dernières barricades. Exilé à Londres à la fin de la commune, il est condamné à mort par contumace. Amnistié en 1879, il rentre à Paris en 1880 et participe à tous les combats de la gauche révolutionnaire. Il meurt le 23 juin 1903 à l’Age de 66 ans. Plusieurs milliers de personnes participent à son enterrement au cimetière du Père Lachaise à Paris.

    La chanson 

    Bien qu’écrite 5 ans avant la commune de Paris, la chanson "Le Temps des Cerises " restera à jamais assimilée à la commune et aux révolutions. Cette assimilation s’explique par des paroles qui parlent "d’une plaie ouverte", "d’un souvenir que je garde au cœur ", "de cerises d’amour qui tombent en gouttes de sang", paroles qui peuvent tout aussi bien évoquer une révolution qui a échoué qu’un amour perdu. On peut facilement y voir une métaphore poétique où les cerises représentent les impacts de balles, balles auxquelles il est fait allusion sous l’image des belles qu’il vaut mieux éviter. La coïncidence chronologique fait aussi que la semaine sanglante qui marque la fin de la commune se déroule fin mai au moment du temps des cerises. C’est sans doute tous ces signifiants doublés de la personnalité de l’auteur et son engagement qui ont été investis à posteriori par tous les anonymes qui avaient lutté pour une commune libre et autogérée pour perpétuer un souvenir et une expérience si durement réprimée.

    Chanter  Le Temps des Cerises, c’est leur rendre hommage en chantant l’amour et la révolution. 

    Il existe un nombre incalculable de versions chantées du « Temps des Cerises » : mes préférées sont celles de Mouloudji, Francesca Solleville et Noir Désir… Mais aujourd’hui restons dans l’air du temps, celui des manifestations, des grèves, des violences policières, des yeux éborgnés, des bras arrachés, des femmes tirées par les cheveux dans les bouches du Métro pour les empêcher de manifester la veille de la Journée Internationale des Femmes… Nous n’oublierons jamais ces 18 mois de brutalités et le jour approche où nous ferons payer très cher les responsables de cette honte…

     

    Histoire d’une chanson :  Le Temps des Cerises

     

     


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  • RECTIFICATIF D’ANNE CASTEL 

    L'Élysée rend hommage

     à l'Émir Abdelkader

    L'Élysée rend hommage à l'Émir Abdelkader

    RECTIFICATIF D’ANNE CASTEL

    L'Élysée rend hommage à l'Émir Abdelkader

    La sculpture représentant l’émir Abdelkader, installée jeudi en face du château d’Amboise, sera inaugurée samedi 5 février.

    © Photo NR

    Bonjour Michel,

    Ce n’est pas une « statuette » mais une véritable sculpture en creux visible de loin qui va être inaugurée demain à Amboise :

    https://www.lanouvellerepublique.fr/amboise/amboise-gros-plan-sur-l-emir-abdelkader-une-personne-lumineuse 

    Et le chef de file des protestataires algériens, qui d’ailleurs raconte des bêtises, car cela fait longtemps que, à Amboise et ailleurs en France on dit la vérité sur Abd-el-Kader, à savoir qu’il a été trahi par la France qui n’a pas respecté ses promesses, n’est pas le petit-fils de l’Émir mais son arrière petit-neveu.

    Pendant les premières années de sa détention à Amboise, l’Émir n’est pas sorti du château, mais il a ensuite noué des relations avec des habitants, effectué des promenades le long de la Loire jusque dans la campagne environnante, et dans l’une des églises d’Amboise on peut toujours admirer un magnifique lustre offert par l’Émir.

    Enfin il y a dans l’enceinte du château un lieu consacré à tous les membres de sa suite qui sont morts à Amboise, voir ici : https://www.lanouvellerepublique.fr/amboise/un-lieu-unique-en-france-de-recueillement-et-de-sepultures 

    Ce n’est donc pas d’aujourd’hui que date l’inscription de la mémoire de cet homme dans la patrimoine de la ville.

    Ce serait bien que vous fassiez un rectificatif.

    Amicalement,

    Anne

    P.-S. Je n’écris pas cela pour défendre Macron ou Stora, vous vous en doutez, mais la ville d’Amboise et ce projet qui durera plus longtemps qu’eux. La promenade le long de la Loire à Amboise est une splendeur à toutes les heures du jour très prisée des habitants et des touristes, nombreux venus de tous pays, le choix de l’emplacement de la statue me semble idéal pour qu’elle attire l’attention.

    Autre lien pour comprendre l’esprit de la sculpture :

    https://www.ville-amboise.fr/58-1724/fiche/devoilement-du-passage-abdelkader.htm

    Anne

     

     Le quotidien algérien observalgerie.com s'exprime ainsi :

     

    La question de la mémoire constitue l'un des sujets de discorde entre l'Algérie et France. Le passé colonial français en Algérie revient souvent dans le débat, notamment depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Élysée. Ce dernier multiplie en effet des gestes allant dans le sens de la glorification de la présence française en Algérie, mais aussi pour dénoncer les « crimes » commis par les Français durant cette période.

    Se voulant le chantre de l'apaisement avec l'Algérie sur la question de la mémoire, le président français Emmanuel Macron a confié, en juillet 2020, à l'historien Benjamin Stora, spécialiste de l'Algérie, la rédaction d'un rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la Guerre d'Algérie. Ce rapport, remis à l'Élysée au mois de janvier 2021, énonce plusieurs recommandations pour avancer sur un chemin d'apaisement et de reconnaissance de toutes les mémoires entre la France et l'Algérie.

    Une statuette à l'effigie de l'Émir Abdelkader

     sera inaugurée le 5 février à Amboise

    C'est dans le sillage de ce rapport que l'Élysée a décidé de rendre hommage à l'un des symboles algériens durant le début de la colonisation française. Il s'agit de l'Émir Abdelkader, chef de guerre qui avait lutté contre la présence coloniale française en Algérie avant qu'il n'abdique en 1847 et se voit ensuite détenu en France en compagnie de sa famille.

    L'hommage de l'Élysée consiste en la réalisation d'une statuette à l'effigie de l'Émir Abdelkader dans la ville d'Amboise en France. Une ville dans laquelle l'Émir a été détenu en 1848 au lendemain de sa reddition, avant qu'il ne soit expulsé, sur sa demande, vers la Syrie. Cette statuette en hommage à l'Émir Abdelkader, « ce modèle de tolérance, érigé en symbole de réconciliation », sera inaugurée le jeudi 5 février 2022 à Amboise sur les bords de Loire.

    Cette statuette de l'Émir Abdelkader, réalisée par le sculpteur Michel Audiard et qui a coûté 35 000 euros, est financée en grand partie par des subventions de l'Élysée, rapporte le journal français La Nouvelle République, qui explique que pour la réalisation de son œuvre, Michel Audiard s'est inspiré d'un portrait en pied de l'Émir Abdelkader issue du fond de la Bibliothèque nationale de France.

    SOURCE : L'Élysée rend hommage à l'Émir Abdelkader (observalgerie.com) 

     

    ET POURTANT

    EN 2021

    La famille de l'Emir Abdelkader

     se prononce sur la construction

     d'une statue en France

    La famille de l’Emir Abdelkader s'est prononcée sur la proposition de l'historien français Benjamin Stora de construire une statue à l'effigie de l'Emir en France. Les proches de ce dernier rejettent catégoriquement cette suggestion, rapporte, dans son édition de vendredi 12 février 2021, le média arabophone El Khabar.

    Selon le même quotidien, les membres de la famille de l’Emir s'opposent tous à la suggestion formulée par l’historien français Benjamin Stora, spécialiste de la guerre d'Algérie, d'ériger une statue en hommage à l’Emir Abdelkader, en France.

    C'est l'un des petits-fils de l'émir Abdelkader, en l'occurrence Mohamed Boutaleb, président d’une association au nom de l’Emir en Algérie, qui a pris la parole pour dire non à cette proposition. Cette dernière a été faite dans le sillage de la démarche de réconciliation des mémoires entre l'Algérie et la France. Une démarche initiée par les gouvernements français et algérien.

    Mohamed Boutaleb dénonce le fait que « la France prétend que l’Emir Abdelkader s’est rendu dans l’Hexagone pour le tourisme, mais la vérité, a-t-il souligné, est qu’il a été emprisonné, et tenu en otage et sujet à de nombreuses tentatives d’assassinat avec d’autres prisonniers ».

    Le petit-fils de l'Emir Abdelkader fait savoir qu'une pétition en ligne a été lancée contre cette proposition figurant dans le rapport élaboré par Benjamin Stora et remis au président français, Emmanuel Macron, dans le cadre du travail mémoriel engagé entre la France et l'Algérie.

    « Nous avons préparé une pétition électronique pour recueillir des signatures afin de rejeter la proposition contenue dans le rapport français, parce que c’est dans l’intérêt de la France et non de l’Algérie. Le nom de l’Emir est internationalement connu et sa position politique et militante n’a pas besoin d’une statue en France, qui a occupé son pays durant 132 années », conclut M. Boutaleb.

    Lire aussi : Des Algériens s’opposent à la construction d’une statue de l’Emir Abdelkader en France 

    A propos d’un monument

    Un article de Jacques CROS 


     

    L'Élysée rend hommage à l'Émir Abdelkader

    Abdelkader a organisé la défense de son pays contre sa conquête par la France. Las, les moyens militaires dont disposait la puissance étrangère étaient supérieurs en armement à ceux dont disposaient les autochtones.

    La prise de la Smala le 16 mai 1843 par le duc d’Aumale avait rendu compte de l’infériorité des défenseurs de l’intégrité territoriale de la Régence. Abdelkader avait toutefois réussi à échapper à l’encerclement de sa capitale mobile. La guerre a encore duré jusqu’en 1847, le 24 décembre l’émir se rend au général Lamoricière.

    Selon les conventions il devait être exilé avec sa famille à La Mecque ou à Saint-Jean d’Acre mais libre. Il fut de fait emmené prisonnier et incarcéré au fort Lamalgue à Toulon. De là il sera transféré à Pau où il restera quelque temps avant de regagner le château d’Amboise où il finira par être libéré le 16 octobre 1852. Il partira alors à Damas où il finira ses jours.

    Nous savons qu’Abdelkader a transité par Béziers le 26 avril 1848, via le Canal du Midi, lors de son envoi à Pau. Auguste Fabrégat, alors conseiller municipal et futur maire de la ville est allé le saluer lors de la montée des Neuf Ecluses de Fonséranes. L’édile nous a fourni un récit du passage de la péniche transportant l’émir et sa suite.

    Il est rapporté un commentaire de l’illustre vaincu devant les paysages verdoyants qu’il a rencontrés « Pourquoi les Français sont-ils venus en Algérie où il y a essentiellement des cailloux ? ».

    Une statue du personnage doit être inaugurée le samedi 5 février devant le château d’Amboise. C’est une des préconisations de Benjamin Stora. Il faudrait se saisir de l’occasion pour dénoncer la conquête de l’Algérie, la colonisation, la domination militaire qui a permis à la France de se maintenir dans un pays qui n’était pas le sien, y compris par une guerre atroce qui a duré plus de sept ans. Et en profiter pour rendre justice à un combattant de l’indépendance de son pays, l’Algérie envers lequel on n’a pas tenu les promesses faites qu’il serait libre après sa reddition.

     

    SOURCE : http://cessenon3.centerblog.net/143-a-propos-d-un-monument?fbclid=IwAR3BPA0uxd32nTK607BHMYv5Ft9x3Bm59ZNl1foxS8fmk1KHAQeAgA5Hfj8

     

     

     

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  • Présidentielle en France : l’Algérie, sujet incontournable des candidats

    Présidentielle en France : l’Algérie, sujet incontournable des candidats

    Histoire, guerre et paix s’imposent à nouveau dans la présidentielle française. La question mémorielle entre Français et Algériens ne cesse d’être ravivée par les candidats à la fonction présidentielle.

    C’est Emmanuel Macron, l’actuel président français qui est le premier à utiliser la relation franco-algérienne dans la campagne présidentielle. Le chef d’Etat, qui n’a certes pas encore officiellement déclaré sa candidature, fait d’opportuns allers-retours sur le passé colonial de la France à quelques mois du scrutin.

    Le non choix d’Emmanuel Macron 

    Le président de toutes les versions de l’histoire. C’est ainsi qu’Emmanuel Macron est perçu par une partie de l’opinion française, alors que la France et l’Algérie s’apprêtent à commémorer en mars prochain les accords d’Evian.

    La semaine dernière, le président français revenait sur les massacres d’Européens par l’armée française dans la rue d’Isly (actuelle Rue Larbi Ben M’hidi) à Alger le 26 mars 1962, qui ont fait 60 morts.

    Il a qualifié ces « massacres » d' »impardonnables ». « Les soldats français, déployés à contre-emploi, mal commandés, ont tiré sur des Français », a reconnu Emmanuel Macron. Pour la première fois, un président français avouait la responsabilité des autorités françaises dans l’abandon des pieds noirs.

    Emmanuel Macron a également demandé à l’Etat algérien de reconnaître les massacres d’Européens à Oran le 5 juillet 1962, appelant l’Algérie à « regarder en face » cet épisode qui a donné lieu à la mort de « centaines d’Européens, essentiellement des Français ». Une demande décalée au moment où l’Algérie réclame la reconnaissance des crimes commis durant la colonisation française.

    Cette fois, le président semble faire de l’œil à l’électorat pieds-noirs

    Parmi les nombreuses associations de pieds noirs, l’information a été reçue de différentes manières. Si certains Français d’Algérie ont été émus d’entendre les mots « massacre » et « impardonnable » dans la bouche de leur chef d’État, d’autres associations, à l’inverse, n’y ont vu qu’un discours sans fond et sans actes. Et surtout pour beaucoup ils ne viennent pas annuler la reconnaissance de la colonisation comme crime contre l’humanité par Emmanuel Macron en 2017.

    Alors qu’il était seulement candidat à la présidentielle à l’époque, il avait profité d’un déplacement à Alger pour admettre l’horreur de la colonisation. Ces mots, les pieds noirs ne lui ont pas pardonné. Quant aux Algériens, pour eux ce n’était qu’un début de réconciliation et le travail de cicatrisation mémorielle est encore long.

    Depuis le début de son mandat, Emmanuel Macron tente de redessiner les contours de l’histoire entre la France et l’Algérie, il a des mots pour toutes les exactions que la France n’a jamais voulu admettre, des Algériens noyés le 17 octobre 1961, aux tirs sur les Français quelques jours après les accords d’Evian dans la rue d’Isly.

    Refus du manichéisme ou enjeu électoral, la posture d’Emmanuel Macron est surtout perçue comme maladroite.

    L’Algérie, vue de loin, débattue de près 

    La mémoire algéro-française n’est finalement qu’une porte d’entrée pour se positionner face à l’Algérie. Chaque élection présidentielle ressort la carte Algérie pour diverses questions, tant la France est liée à ce pays. Immigration, passé colonial, coopération bilatérale. A chaque élection française, tous les chemins mènent à l’Algérie, ça ne rate pas.

    On aurait pu croire que pour cette présidentielle 2022, l’Algérie serait un bien lointain sujet. D’ailleurs on remarque que cette année aucun candidat ne s’est (encore) déplacé à Alger, alors que c’était une tradition française.

    Les précédentes campagnes impliquaient à minima un voyage présidentiel officiel. Nicolas Sarkozy, François Hollande ou encore Emmanuel Macron avaient effectué leur voyage de « candidat » à Alger avant d’être élus.

    Même les profils un peu plus outsider se pressaient aux portes algériennes. On se souvient d’Arnaud Montebourg, fier de revendiquer les origines algériennes de sa mère. Les négociations en amont avec l’Algérie semblaient être un passage obligé pour les candidats à la présidentielle.

    Cette fois, personne ne se rend sur les terres algériennes. Le covid-19 est une excuse valable pour éviter les déplacements politiques. Alors on joue la question algérienne à domicile.

    Pas de campagne présidentielle sans Algérie

    Dès que les premières candidatures ont été déclarées, le rapport à l’Algérie est très rapidement ressorti. Emmanuel Macron n’a pas été le seul à prendre à bras le corps le sujet Algérie, bien au contraire.

    Eric Zemmour en fait quasiment son thème de campagne. On ne compte plus les mesures anti-algériennes que l’homme a promis.  Sa dernière sortie sur l’Algérie date seulement de dix jours. Il promettait d’exclure la repentance française et de négocier « entre hommes » avec les dirigeants algériens.

    Le candidat d’extrême-droite a promis de détruire les dernières pierres des accords négociés entre la France et l’Algérie au lendemain de l’indépendance. Il veut en finir avec les accords de 1968, qui favorisent les déplacements des Algériens vers la France. Eric Zemmour se sert des vieux désaccords mémoriels pour rompre avec l’Algérie d’aujourd’hui.

    Toujours à droite, Valérie Pécresse s’est également engouffrée dans la question mémorielle. L’occasion pour la candidate de s’opposer à Emmanuel Macron, qui selon elle « a un problème avec l’histoire », puisqu’elle estime qu’il n’y a jamais eu de crime contre l’humanité dans cette histoire commune.

    A l’inverse, à gauche, on observe une mise en scène de soutien à l’Algérie. Jean-Luc Mélenchon s’épanche sur ses liens avec le Maghreb dans des confidences intimes livrées au magazine Gala. Sa grand-mère qui avait quitté l’Algérie pour le Maroc lui fait monter les larmes dans les colonnes du magazine people. Elle qui vivait « en osmose avec les musulmans » suscite aujourd’hui encore son admiration.

    L’Algérie devient ainsi une sorte de balle de tennis que les candidats s’envoient en pleine face pour gagner quelques suffrages par-ci et par-là ou pour mettre en danger les candidats rivaux.

    A trop être citée, l’Algérie en devient un sujet qui permet de toucher de nombreuses communautés, que ce soit les franco-algériens, les immigrés, les pieds-noirs, les anti-immigrations ou encore la fachosphère. Pourquoi donc s’en passer ?

    SOURCE : Présidentielle en France : l’Algérie, sujet incontournable des candidats (tsa-algerie.com)

     

     


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  • Zemmour contre l'histoire Ép.3/ Sylvie Thénault

    Le massacre du 17 octobre 1961 n'est pas la répression

    d'une manifestation

    Zemmour contre l'histoire Ép.3/ Sylvie Thénault. Le massacre du 17 octobre 1961 n'est pas la répression d'une manifestation

    Faut-il répondre à Éric Zemmour sur le terrain de l'histoire ? C'est la question que se sont posée un collectif d'historiennes et d'historiens, agacés des falsifications et manipulations du passé effectuées par le candidat d'extrême droite à la présidentielle. Ce collectif, interpellé depuis des années par cette vision controuvée de l'histoire, qui sert avant tout une doctrine politique, éditent Zemmour contre l'histoireà paraître jeudi 3 février.

    De la première croisade à l'assassinat de Maurice Audin, de Clovis aux mutinés de 1917, de Saint Louis à Pétain, l'histoire selon Zemmour déborde d'erreurs, d'interprétations tendancieuses, et de mensonges grossiers. C'est le constat posé par 16 historiennes et historiens. 

    L'Humanité a invité quatre d'entre eux dans son studio, afin de démonter quelques-uns des mensonges du polémiste candidat. 

    Mathilde Larrère, Nicolas Offenstadt, Sylvie Thénault et Jean-Luc Chappey se sont prétés à l'exercice.

    Aujourd'hui, nous vous proposons la réponse de Sylvie Thénault, directrice de recherche au CNRS. L'historienne réagit aux affirmations d'Éric Zemmour, le 18 octobre 2021, sur BFMTV. Le polémiste avait alors qualifié de " non pacifique " et " d'interdite "la manifestation parisienne du 17 octobre 1961 de la fédération de France du Front de libération nationale (FLN) assurant que les manifestants n'auraient pas dû être là et leur faisant porter la responsabilité du massacre.

    Zemmour contre l'histoire, collection Tracts n°34 chez Gallimard, en librairie le jeudi 3 février 2022.

    SOURCE : VIDÉO. Zemmour contre l'histoire Ép.3/ Sylvie Thénault. Le massacre du 17 octobre 1961 n'est pas la répression d'une manifestation | L'Humanité (humanite.fr)

    En complément les épisodes 1 et 2

     


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  • Macron s’est adressé aux rapatriés d’Algérie en éludant les crimes de l’OAS

    Par Gilles Manceron, Fabrice Riceputi et Alain Ruscio 

    Macron s’est adressé aux rapatriés d’Algérie en éludant les crimes de l’OAS *** Par Gilles Manceron, Fabrice Riceputi et Alain Ruscio

     

    Le 26 janvier, le président s’est adressé à des « représentants des pieds-noirs » pour « continuer de cheminer sur la voie de l’apaisement des mémoires blessées de la guerre d’Algérie ». Les souffrances des Européens qui quittèrent l’Algérie en 1962 ne sauraient être contestées. Mais certains propos laissent perplexes et ont suscité les réactions des défenseurs de la mémoire des victimes de l’OAS.

    Passons sur l’évocation d’une Algérie française heureuse où, « pas toujours, mais souvent, l’idéal méditerranéen d’une vie harmonieuse entre juifs, chrétiens et musulmans fut la réalité quotidienne de villages et de quartiers ». Évocation émouvante mais contredite par tant de témoignages et de travaux historiques sur les injustices et l’inégalité de statuts qui ont marqué les 132 ans de la colonisation de l’Algérie. Ou sur cette approximation malheureusement courante selon laquelle « près d'un million de personnes […] sont passées d’une rive à l’autre » en 1962, qui occulte le fait que 200 000 Européens environ sont restés dans les débuts de l’Algérie indépendante. 

    Ce qui pose particulièrement problème dans cette allocution, c’est la façon dont a été évoquée de manière incomplète la fusillade de la rue d’Isly à Alger le 26 mars 1962, et aussi le massacre d’Européens à Oran, le 5 juillet 1962. Dans les deux cas, le discours présidentiel a occulté très largement la responsabilité écrasante, qui fait pourtant largement consensus chez les historiens, de l’OAS (1), qu’il a à peine mentionnée. Il a éludé le rôle criminel de cette organisation terroriste et s’est montré perméable au récit construit par les jusqu’au-boutistes de l’Algérie française, propagé depuis par les groupes pieds-noirs d’extrême droite qui accusent le chef de l’Etat et les autorités françaises de l’époque de traitrise.

    Peut-on « reconnaître » les souffrances des « rapatriés » sans dire que cette organisation, par ses innombrables crimes et destructions, contribua au premier chef à en créer les conditions ?  Durant des mois, à la veille des Accords d’Evian et de l’indépendance de l’Algérie, l’OAS se livra, tant à Alger qu’à Oran, à un terrorisme meurtrier (mitraillages, tirs de snipers, attentats aux explosifs) sans équivalent dans notre histoire. Elle visa des Algériens surtout, mais aussi des Européens jugés coupables de trahison, ainsi que des militaires et des gendarmes français, conformément à la stratégie d’insurrection armée définie par Salan. 

    Conformément à ses directives, les dirigeants de l’OAS ont décidé d’ériger le quartier de Bab-el-Oued d’Alger en zone insurrectionnelle et annoncé qu’à partir du 22 mars les officiers, sous-officiers et soldats qui ne se seront pas ralliés à leur combat seront considérés « comme des troupes au service d’un gouvernement étranger ». Le 22 mars au soir, des commandos de l’OAS ont attaqué une patrouille de gendarmerie mobile qui sortait du tunnel des facultés – bilan : 18 gendarmes tués. Le lendemain, ils ont ouvert le feu sur un véhicule de transport de troupes tuant 7 soldats dont 5 appelés du contingent. 

    En réaction, les autorités françaises ont mis en place le bouclage du quartier de Bab el Oued, blocus que l’OAS a tenté de briser en appelant les civils à manifester le 26 mars, conformément à la directive de Salan : «  Sur ordre des commandements régionaux, la foule sera poussée dans les rues à partir du moment où la situation aura évolué dans un sens suffisamment favorable. » Le 26 mars, des rapports de l’armée et des témoignages établissent que les premiers coups de feu ont été tirés, notamment depuis les toits, par des commandos de l’OAS sur les militaires français. Le président Macron ayant promis que « Toutes les archives françaises sur cette tragédie pourront être consultées et étudiées librement », cela met en péril le récit même qu’il a repris pour conforter certains éléments de son auditoire dans leur vision de ces événements.

     

    Macron s’est adressé aux rapatriés d’Algérie en éludant les crimes de l’OAS *** Par Gilles Manceron, Fabrice Riceputi et Alain Ruscio

    Quelques-uns des emplacements des armes automatiques utilisées par l’OAS (Yves Courrière, « Les Feux du désespoir », Fayard, 1971, p. 544)

    Emmanuel Macron a dit des choses justes.

    Il est vrai que lors de la fusillade de la rue d’Isly, l’armée française a tiré sur la foule. Mais sans dire qu’elle réagissait à une manœuvre cynique qui condamnait les manifestants européens à subir une répression sanglante. 

    Il est vrai qu’à l’indépendance de l’Algérie, des massacres de supplétifs de l’armée française, les harkis, et de membres de leurs familles, ont eu lieu. Mais l’histoire du recrutement de ces hommes, dans un statut inventé par le général Salan qui les mettait en danger, doit être restituée dans sa totalité.

    Il est vrai qu’à Oran, le 5 juillet 1962, au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, des Européens furent victimes de violences extrêmes. Mais elles ne peuvent pas être isolées de celles, particulièrement terribles, que l’OAS d’Oran perpétra dans cette ville contre des civils dans les mois précédents, faisant environ un millier de morts algériens. Des violences qu’à la différence des chefs de l’OAS d’Alger qui se décidèrent à suspendre les leurs en refusant le cycle infernal et indéfini d’une escalade meurtrière, les chefs de l’OAS d’Oran poursuivirent jusqu’à leur départ pour l’Espagne franquiste, laissant les civils européens exposés à des violences inacceptables. Nous reviendrons sur cet épisode que des historiens, y compris algériens, ont contribué à mettre en lumière.

    Ne pas rappeler aussi ces faits, n’est-ce pas conforter un aveuglement chez certains pieds-noirs sur les causes de leurs malheurs ?

    N’est-ce pas valider un récit fallacieux encore présent dans leur esprit soixante ans après la fin de cette guerre ?

    C’est ce qu’ont relevé des associations comme l’Association des pieds-noirs progressistes et de leurs amis (ANPNPA), l’Association des amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons et l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (ANPROMEVO)

    Emmanuel Macron, désireux de plaire à certains éléments de son auditoire qui regrettent la colonisation, qu’il cherche à séduire, n’a pas choisi jusqu’au bout un langage de vérité. 

    Jules Roy, lui-même européen d’Algérie, ancien officier de l’armée française, apostropha en 1972 le général Massu en des termes qui s’appliquent aussi aux chefs de l’OAS à la fin de la guerre : « Croyant trouver en vous un sauveur, ces naïfs [certains Européens d’Algérie] se sont précipités derrière vous. Vers le gouffre. […] Les vrais défenseurs de leur avenir étaient ceux qui essayaient, malgré vous qui vous en teniez à la lettre de vos directives, de sauvegarder les chances d’une coexistence entre les deux communautés. […] Vous fûtes le préparateur des malheurs que nous voulions leur épargner ».

    Ce sont les terroristes de l’OAS qui voyaient dans le chef de l’Etat et dans les autorités françaises de l’époque les responsables de leur malheur qui ont tissé en réalité le malheur des pieds-noirs. Et ce serait le courage que de le dire.

    Beaucoup n’ont pas oublié les manifestants du 8 février 1962 contre l’attentat de l’OAS au domicile d’André Malraux qui a défiguré la jeune Delphine Renard, jouant dans la cour, et qui ont subi, au métro Charonne, la répression de la police de Maurice Papon. Ils commémoreront, soixante ans après, les crimes de l’OAS.

    (1) L’Organisation de l’Armée secrète, constituée au début de 1961 dans l’Espagne franquiste, qui a rassemblé des déserteurs de l’armée et des Européens extrémistes et a pratiqué la terreur pour s’opposer à l’indépendance de l’Algérie.

    SOURCE : https://blogs.mediapart.fr/histoire-coloniale-et-postcoloniale/blog/010222/macron-s-est-adresse-aux-rapatries-d-algerie-en-eludant-les-crimes-de-l-oas?utm_source=facebook&fbclid=IwAR2b1lMQPZWI1FN4lJCifOxaOxcfajtf_No5ycR3VjHsXJEICwICooiRzbw 

    Macron s’est adressé aux rapatriés d’Algérie en éludant les crimes de l’OAS *** Par Gilles Manceron, Fabrice Riceputi et Alain Ruscio

    A

    Macron s’est adressé aux rapatriés d’Algérie en éludant les crimes de l’OAS *** Par Gilles Manceron, Fabrice Riceputi et Alain Ruscio

    Gilles Manceron

    Macron s’est adressé aux rapatriés d’Algérie en éludant les crimes de l’OAS *** Par Gilles Manceron, Fabrice Riceputi et Alain Ruscio

    Fabrice Riceputi

    Macron s’est adressé aux rapatriés d’Algérie en éludant les crimes de l’OAS *** Par Gilles Manceron, Fabrice Riceputi et Alain Ruscio

    Alain Ruscio

    Même si Macron ne le veut pas ils sont là pour rétablir la vérité historique. Honte à tous les conseillers de Macron qui ne lui ont pas apporté tous les renseignements, conseils ou rapport indispensables afin que  le président disant vouloir concilier toutes les mémoires emploie, dans un long discours, plus de deux fois le mot OAS, cela aurait redonné le moral aux victimes ou descendants des victimes de cette organisation criminelle et terroriste responsables de 2700 victimes en Algérie et en France, avant et après le 19 Mars 1962.

    Deux de ces victimes ou descendants seront présents le 8 février prochain au Métro Charonne pour la commémoration du 60e anniversaire du massacre au Métro Charonne : 

    Macron s’est adressé aux rapatriés d’Algérie en éludant les crimes de l’OAS *** Par Gilles Manceron, Fabrice Riceputi et Alain Ruscio

    Delphine Renard

    Macron s’est adressé aux rapatriés d’Algérie en éludant les crimes de l’OAS *** Par Gilles Manceron, Fabrice Riceputi et Alain Ruscio

    Jean-François Gavoury

     

    Macron s’est adressé aux rapatriés d’Algérie en éludant les crimes de l’OAS *** Par Gilles Manceron, Fabrice Riceputi et Alain Ruscio

     

    Macron s’est adressé aux rapatriés d’Algérie en éludant les crimes de l’OAS *** Par Gilles Manceron, Fabrice Riceputi et Alain Ruscio


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    Paris : Bientôt une fresque murale dédiée

     à Josette et Maurice Audin

    La mémoire de Josette et Maurice Audin profanée (voir la vidéo en fin d'article)

    Les hommages au martyr algérien Maurice Audin et son épouse Josette se suivent. Cela a une saveur particulière quand l'hommage leur est rendu en France, c'est-à-dire chez ceux qui ont assassiné le mathématicien en 1957. Cette fois-ci, c'est une fresque murale dédiée au couple Audin qui sera réalisée dans la capitale Paris.

    Cette information ne sera certainement pas du goût des nostalgiques de l'Algérie française. Particulièrement en cette veille de l'élection présidentielle en France qui favorise les discours haineux et extrémistes. Selon le quotidien francophone Liberté, c'est dans le 20e arrondissement de Paris que sera réalisée la fresque murale dédiée à Josette et Maurice Audin.

    Selon la même source, c'est à l'occasion de la commémoration du 60e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie qu'est initiée cette activité. C'est une œuvre qui sera lancée au printemps à l'initiative d'une association et d'un graphiste. Elle sera réalisée au même temps que des ateliers destinés aux habitants, aux jeunes et aux enfants, pour enseigner le message de Maurice Audin, ce mathématicien né en 1932 et mort assassiné par les parachutistes français en 1957.

    Aussi et dans la même activité, une autre association organisera un atelier éducatif au profit des jeunes en difficulté. Ces derniers seront encadrés par des graphistes embauchés pour la circonstance.

    Enfin, le quotidien algérien fait savoir que le projet a eu un écho favorable parmi les habitants du 20e arrondissement. Plusieurs associations et personnalités seront présentes le jour de l'inauguration de l'activité.

    Il faut dire que cette nouvelle va créer de la tension en France, tant Maurice Audin, un communiste qui militait pour l'indépendance de l'Algérie, est, à ce jour, haï par une frange de la société française.

    D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si une plaque commémorative dédiée à Josette et Maurice Audin a été vandalisée en janvier 2021, à Bagnolet, en région parisienne.

    SOURCE : https://observalgerie.com/2022/01/31/societe/fresque-maurice-audin/ 

     

     

    « Nous ne laisserons pas les assassins de la mémoire agir dans notre ville » nous dit

     Laurent Jamet 

      Elu, à Groupe Communiste, Front de gauche et Citoyen - Bagnolet 

     

    L'OAS rincée par la République

     

    « Voilà la photo que je viens de recevoir. Un ou des individus souillent la mémoire de Maurice Audin, assassiné par l’armée française car militant communiste et pour l’indépendance de l’Algérie, et de son épouse Josette.

    Cette tache doit être effacée sans délai ».

    L’esprit colonial et néo-colonial n'a pas sa place à Bagnolet. Josette et Maurice Audin sont vivants, au panthéon de nos mémoires.

    L’innommable. Au lendemain de la remise du rapport de l'historien Benjamin Stora sur la guerre d’Algérie au Président de la République, les nostalgiques de la guerre d’Algérie ont décidé d’agir et de souiller la mémoire de nos camarades Josette et Maurice Audin, deux militants, honneur de la France, qui ont sacrifié leurs vie pour l’indépendance de l’Algerie et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

    Maurice Audin a été torturé et assassiné à l'âge de 25 ans par l'armée française pendant la bataille d'Alger, en 1957. Ces fascistes ont osé, parce que la parole raciste et xénophobe s’est libérée. Cet acte ignoble montre que l’histoire coloniale et du système colonial français, dans tous ses aspects, reste à faire et doit être assumée par tous.

    À l’État d’accomplir les actes nécessaires pour la reconnaissance de la responsabilité de la France, pour assumer les crimes contre l’humanité qui ont été commis, alors que l’extrême droite continue d’exploiter et d’instrumentaliser l’histoire de la colonisation.

    Au Maire de Bagnolet de porter plainte contre ces ignobles.

    Aux progressistes de continuer leur combat pour honorer leur mémoire.

    Notre soutien et notre entière solidarité vont aux enfants Audin. Nos camarades Josette et Maurice Audin sont vivants au panthéon de nos mémoires.

     

    La mémoire de Josette et Maurice Audin profanée

     

    La plaque en hommage aux militants communistes Josette et Maurice Audin, installée à Bagnolet (93), a été vandalisée le 24 janvier.

    Cette profanation intervient quelques jours après la publication du rapport Stora, qui adresse les questions mémorielles entre la France et son ancienne colonie d’Algérie.

     

     


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  • A propos de la rencontre du président Macron

    avec les associations de « rapatriés »

     le 26 janvier à l’Elysée

    Jacques Pradel et le Président Macron 

    L’ANPNPA était invitée à la rencontre, bonne chose !

    Notre délégation était composée de Michèle Haensel, Marcel Borg, Gérard Chambon, Jacki Malléa et Jacques Pradel (Julie Laures, Elisa Pradel et Bernard Zimmermann n’ont pas pu nous rejoindre). Il n’y a pas eu d’intervention des représentants d’associations, aussi celle que nous avions prévue n’a pas été faite devant l’assemblée ; vous la trouverez ici. Après son discours, Macron a rejoint la foule pour des discussions individuelles ; il a fallu se frayer un chemin… 

    Dans son discours le président n’a abordé aucune question de fond sur l’histoire de la France en Algérie : Rien sur (la nature de) la colonisation, sinon que les Européens d’Algérie étaient une mosaïque venue des quatre coins de l’Europe, et ‘où il n’y avait pas que des méchants’ ; rien sur la guerre, sinon la fusillade et les morts de la rue d’Isly le 26 mars 62, ce qu’il fallait reconnaître comme un assassinat de Français par l’armée française (en mentionnant cependant que la manifestation avait été appelée par l’OAS, et en annonçant l’ouverture de toutes les archives la concernant), et le massacre du 5 juillet 62 à Oran. 

    Bref un discours dit « d’apaisement » pour caresser les pieds-noirs dans le sens du poil, autour de ces deux moments de la guerre et pour flatter leur réussite en France (‘la France vous a aidé et vous avez aidé la France’ …) ; un discours de racolage électoral . 

    Jacques et Marcel ont pu, l’un et l’autre, jouer des coudes pour accéder à Jupiter, et insister sur les points suivants : 1. On ne peut pas traiter de la guerre (y inclus les événements tragiques de la rue d’Isly et d’Oran) sans parler de ce que fut la colonisation (oui dit le Président, comme s’il ne venait pas de le faire... ; mais à un nostalgérique : je ne retire rien de mes déclarations de 2017 sur la barbarie de la conquête et de la colonisation). 2. Des millions et des millions de jeunes Français étant concernés, et frustrés, il faut inclure dans les programmes scolaires l’étude de la colonisation de de la guerre d’Algérie (c’est prévu répond le Président). 3. Il faut donner suite aux autres préconisations du rapport Stora (c’est prévu répond le Président). 4. Dans le même esprit, le travail sur la transmission mémorielle entrepris avec le groupe de descendants d’acteurs de la guerre d’Algérie doit se poursuivre (oui répond le Président).

    Bien malin qui pourra le mesurer …

    Je rappelle l’article complet de l’Association Nationale des Pieds-Noirs Progressifs et leurs Amis en cliquant sur le lien ci-dessous, seule la photo de notre ami Jacques Pradel en conversation avec le président Macron manquait.

    http://www.micheldandelot1.com/notre-association-etait-de-la-liste-des-associations-de-rapatries-invi-a211878147 

    Un clin d'œil

    A quand une photo de mes amis Jean-Philippe Ould Aoudia et Jean-François Gavoury représentant les victimes de l'OAS conversant avec le président Macron ? Car je trouve inadmissible et scandaleux que cette mémoire soit, pour le moment occultée...

    Michel Dandelot

     

     


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  • Courriel reçu ce matin envoyé par mon ami

    Jean-Philippe Ould Aoudia

    Courriel reçu ce matin envoyé par mon ami Jean-Philippe Ould Aoudia *** Réponse à Benjamin Stora

    Bonjour Michel,

    Ton site est beaucoup consulté et ma mise au point qui y a été publiée il y a quelques jours a suscité des réactions très positives, sauf une : celle de BS qui m’a agressé en des termes dérisoires dont tu trouveras la teneur dans la pièce jointe.

    Je te remercie de bien vouloir publier ma réponse qui a été validée par un historien universitaire.

    Bien amicalement

    Jean-Philippe

     

     

    31 janvier 2022 

    Réponse à Benjamin Stora

    À la suite de la publication de ma mise au point sur le discours du Président de la République le mercredi 26 janvier 2022 devant des associations de rapatriés et des élus d’extrême droite, Benjamin Stora m’a adressé le 29 janvier le mail suivant :

     

    Monsieur,

     

    J'ai reçu votre communiqué par l'intermédiaire de l'association "coup de soleil" à propos du discours prononcé par le Président de la République sur les Français d'Algérie. Vous me qualifiez "d'historien de la présidence", terme injurieux et blessant. Je n'ai pas touché un centime pour la rédaction de mon rapport, et je ne dispose d'aucun moyen donné par l'Elysée pour l'écriture de mon travail d'historien (commencé il y a plus de 40 ans). Vous continuez à manifester à mon égard une grande hostilité personnelle, où se mêlent appréciations politiques et insultes, que je ne comprends pas.

     

     

    Bonjour Benjamin Stora,

    Le syntagme « historien de la présidence » n’est aucunement une injure car vous êtes devenu, volens nolens, le bénévole Conseiller histoire d’E. Macron, lequel s’inspire très régulièrement de votre rapport pour orienter sa politique mémorielle concernant la guerre d’Algérie.

    J’ignore quelles sont vos opinions politiques ?

    En réalité, et vous le savez très bien, l’origine de notre conflit réside dans votre écriture partisane sur les 16 derniers mois de la guerre d’Algérie et sur la terreur pratiquée par l’OAS.

    Dès 1992, pendant que je travaillais sur L’assassinat de Château-Royal, la lecture de vos ouvrages avait soulevé ma méfiance devant la frilosité de votre écriture, dès lors qu’il s’agissait des forfaits commis par l’OAS. C’est pourquoi l’association Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons vous avait invité à son colloque le 15 mars 1993, à Evreux, pour vous entendre et vous étiez venu avec votre épouse. Vous avez été adhérent. Vous avez été rendu destinataire de la revue Le Lien, même après le non renouvellement de votre adhésion.

    Le fait que l’OAS soit une organisation française à majorité pied-noir, cette communauté à laquelle vous et moi appartenons, obscurcit votre objectivité d’historien au point de vous faire écrire une contre vérité dans la préconisation n° 2, page 96 de votre rapport :

    Un geste pourrait être l’inclusion dans le décret 2003-925 du 26 septembre 2003 instituant une journée nationale d’hommage aux morts pour la France pendant la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie d’un paragraphe dédié au souvenir et à l’œuvre des femmes et des hommes qui ont vécu dans des territoires autrefois français et qui ont cru devoir les quitter à la suite de leur accession à la souveraineté.

    Mais pas du tout ! Lorsque la Tunisie et le Maroc en 1956, puis sept pays d’Afrique noire en 1960 ont accédé à la souveraineté, les Français sont restés. Si ma famille pied-noire, et avec elle des centaines de milliers de nos compatriotes ont cru devoir fuir l’Algérie, c’est uniquement par peur de représailles à la suite des horreurs commises par l’OAS contre les Algériens.

    Vous, historien universitaire, en arrivez à déconsidérer votre travail commencé il y a 40 ans, pour dissimuler la responsabilité des singes sanglants de l’OAS qui, par calculs imbéciles pour maintenir la colonisation en Algérie, ont finalement provoqué l’exode des Européens qu’ils prétendaient défendre !

    À propos du massacre du 15 mars 1962, au cours duquel mon père et ses 5 collègues des Centres sociaux éducatifs ont été froidement mitraillés par des tueurs de l’OAS, Pierre Vidal-Naquet m’avait écrit une lettre, jointe à tous les exemplaires de L’Assassinat de Château royal :

    « Français, j’estime toujours que les crimes français sont plus anciens, plus nombreux et en dernière analyse, plus graves. Les crimes de l’OAS sont aussi nos crimes. »

    À l’opposé, une sorte de mauvaise conscience parcourt tout votre rapport au Président de la République, elle biaise votre regard professionnel et vous pousse à occulter ou à bémoliser les crimes commis par la France pendant toute la période coloniale, et pas seulement ceux dont l’OAS s’est rendu coupable.

    Dans la mesure où votre rapport ne recommande rien en faveur de la mémoire des 2700 victimes de l’OAS, vous empêchez le Président de la République de leur rendre hommage et de parfaire ainsi sa politique de réconciliation des mémoires blessées de la guerre d’Algérie.

    Il faut vous reprendre Mr Stora, et inciter Bruno Roger-Petit, le conseiller mémoire de l’Elysée, à recommander au Chef de l’État d’honorer sans tarder la mémoire de toutes les victimes de l’OAS en Algérie et en France, ce qui constituerait un grand moment de réconciliation entre les deux rives de la Méditerranée auquel vous aurez ainsi contribué.

    Plusieurs opportunités se présentent :

    -         * le 8 février au métro Charonne,

    -        * le 15 mars au ministère de la Transformation et de la Fonction publiques,

    -         * le 19 mars au cimetière du Père Lachaise ou dans tout autre haut lieu de mémoire.

    Aidez-nous, Benjamin Stora, aidez-nous !

    Jean-Philippe Ould Aoudia

    Président de l’association Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons

     


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  • Découvrez les récits intimes de 25 témoins

     civils ou militaires des deux camps

    Découvrez les récits intimes de 25 témoins, civils ou militaires des deux camps, qui nous livrent leurs visions du conflit et contribuent à expliquer de façon subtile les facettes de cette guerre. Éclairé par ces témoignages et l’utilisation d’images d’archives, ce film documentaire revient sur les événements clés de ce que les uns appellent la « guerre d’Algérie » et les autres, la « guerre de libération. Avec les témoignages de militaires appelés et de carrière, d’insoumis, de harkis, de Français ayant soutenu le FLN, de membres du FLN et de l’ALN, du MNA, de l’OAS, de femmes et d’enfants algériens et de pieds-noirs.


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  • À propos de la transformation de l’Algérie

    par la colonisation

    La réplique cinglante de Ferhat Abbas

    À propos de la transformation de l’Algérie par la colonisation *** La réplique cinglante de Ferhat Abbas

    Ferhat Abbas, premier président du GPRA

    C’est une réponse faite en 1955 à des allégations mensongères proférées, aujourd’hui encore, par les nostalgiques de l’Algérie française.

    Dans la foulée des initiatives mémorielles du président Emmanuel Macron, en rapport avec le passé colonial de la France, des voix acquises aux lobbies de l’Algérie française s’évertuent à trouver quelques bonnes actions de la colonisation en Algérie. L’argument de ces nostalgiques tiendrait dans le fait que la colonisation ait transformé le pays. Zemmour et consorts évoquent les villes, les hôpitaux, les routes pour convaincre leurs interlocuteurs français de métropole. « Les traces de l’action française en Algérie sont encore visibles », disent-ils. Cette même phrase a déjà été prononcée par un journaliste français qui, en 1955, interrogeait Ferhat Abbas, à l’époque encore président de l’UDMA. La réponse de celui qui allait être le premier président du GPRA était cinglante. « L’œuvre française en Algérie a transformé le pays. Mais elle l’a transformé à la manière d’un propriétaire qui s’empare de la maison de son voisin et qui l’aménage pour ses propres enfants et à leur goût ».
    Le propos, très bien imagé, donne le ton du caractère raciste du système colonial. Ferhat Abbas poursuit sa démonstration en affirmant que la France a tout fait pour permettre à ses enfants «de vivre normalement, sans se préoccuper de ce que deviendraient les enfants du voisin ». Le tableau ainsi peint en 1955 résume assez bien « l’œuvre civilisatrice » de la France en Algérie. Tout pour les Français et rien pour les Algériens. Les arguments pour étayer son propos ne manquaient pas au leader politique algérien.

    Pas d’écoles, pas de routes…

    Tout en relevant que « l’élément autochtone a profité des routes. Il a profité de la transformation », Ferhat Abbas détruit cette thèse en relevant que «cette transformation a été faite au profit du colon, et uniquement au profit du colon.» C’est on ne peut plus clair. Et de souligner, comme pour précéder une protestation de son interlocuteur : « Ce qui a été fait pour l’autochtone a été fait à l’usage de la propagande. C’est resté à l’état de l’échantillon ».
    Nous sommes en 1955 et Ferhat Abbas, répondant à la question d’un journaliste, lui a rappelé que «la prospérité du colon a pour origine d’abord notre asservissement. » Quant au budget de l’Algérie, «il est autonome depuis 1900, et indépendant par conséquent, du budget de la France. »
    En évoquant l’aspect financier, le politique aguerri qui connaît parfaitement le fonctionnement de la métropole et de sa colonie, place le débat sur le terrain du concret. Posons-nous donc la question de savoir en quoi est traduit le système colonial sur le terrain ? « Lorsqu’il dépense 1000 francs pour un Français en Algérie, il ne dépense qu’un franc pour un Algérien », répond Ferhat Abbas. « Nous n’avons pas d’écoles. Il y a exactement 2 millions d’enfants algériens d’âge scolaire qui ne peuvent pas être scolarisés, alors qu’il n’y a pas un seul Français en Algérie qui ne soit pas scolarisé », poursuit-il, comme pour dire que les villes, les ponts et les routes ne scolarisent pas. Et évoquant la situation réelle vécue par les Algériens sous la colonisation, il assènera : « Nous n’avons pas d’écoles, pas de routes, pas d’hôpitaux. Les hôpitaux dont fait état la propagande française sont tous dans les grandes villes. C’est-à-dire qu’ils ont été édifiés pour l’usage de l’Européen ».

    Le visage de la colonisation

    C’est une réponse faite en 1955 à des allégations mensongères proférées, aujourd’hui encore, par les nostalgiques de l’Algérie française. Cette même Algérie française a fait bien pire ! « Nous avons été privés de nos meilleures terres. La fonction publique nous a été interdite. Notre commerce et notre agriculture sans soutien et sans crédit. La Justice, l’Armée, l’administration, sont exclusivement entre les mains de la minorité française », explique Ferhat Abbas calmement et sans passion. C’est la stricte vérité et le journaliste qui l’interviewait savait pertinemment tout cela, de même que les nostalgiques d’aujourd’hui.
    Nous sommes en 1955 et le dirigeant indépendantiste algérien affirme que les siens « doivent se contenter d’être des soldats pour défendre la liberté de la France, des contribuables pour alimenter le budget de l’Algérie et de la main-d’œuvre à bon marché pour contribuer à la prospérité de l’élément européen. » C’est la stricte réalité de l’époque qu’aucun historien ni politique ne peut nier.
    Les propos de Ferhat Abbas sont documentés. Il n’y a ni exagération, ni idéologie dans sa déclaration. C’est le véritable visage de la colonisation que décrivait un homme qui a passé une bonne partie de sa vie militante à chercher à convaincre les colons, qu’il était possible de vivre en harmonie sous la bannière de la République française. Il a rejoint le FLN parce qu’il a acquis la conviction que le système colonial est pourri, raciste et inhumain. À propos de transformation dont se prévalent les nostalgiques, « la transformation à laquelle vous faites allusion a été réalisée grâce au travail des Algériens et aux ressources propres à l’Algérie. Il n’y a pas eu de grands investissements de capitaux français en Algérie. » C’est dire donc que le système colonial a pillé, affamé, tué des millions d’Algériens pour faire vivre une poignée de colons. Il n’y a pas eu d’effort métropolitain ou quelques «attentions» qu’on pourrait attribuer aux pieds-noirs. « Ce qui a permis la transformation du pays, c’est ce qu’on a appelé les impôts arabes. Ce sont les ressources du pays et surtout le travail des Algériens. Et ça, on a tendance à l’oublier en France », conclut l’intellectuel algérien.

    SOURCE : L'Expression: Nationale - La réplique cinglante de Ferhat Abbas (lexpressiondz.com)
     

     

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    La rue d'Isly à Alger en 1957

    La France de votre enfance (l’Algérie française) vous l’a décrivez ainsi... sauf que...

    « Faut-il rappeler que sur un territoire sinistré, les pieds-noirs ont ouvert des routes, ont construit des villages puis des villes, ont défriché, ont ouvert les grandes voies de communications et ont contribué à façonner le pays. Puis la conquête de l’Algérie a été celle des instituteurs, des médecins, des ouvriers et des paysans qui ont contribué au développement et à la pacification d’une Algérie exsangue. La France n’a pas à rougir de ce qu’elle a fait là-bas ! »

    Puis votre nostalgie prend le dessus et vous écrivez :

    « Depuis mon départ, il ne s'est pas passé un seul jour sans que mes pensées volent vers toi. Je revois avec émotion et ravissement tes rues inondées de soleil, tes maisons aux murs blancs, tes plages au sable chaud. J'entends encore le bruit des vagues contre les rochers, les cris des enfants jouant dans la rue et celui des hirondelles volant dans un ciel d'azur.

    Je voudrais pouvoir encore m'enivrer du parfum sublime des fleurs d'orangers, de citronniers, de jasmin, d'acacia, froisser entre mes doigts des feuilles d'eucalyptus, mâcher une caroube, m'asseoir enfin à l'ombre d'un figuier ou d'un néflier. Je voudrais encore pouvoir caresser le sable d'or du Sahara, contempler la beauté majestueuse des dunes du désert et la splendeur des palmeraies.

    Je sens toujours ton soleil éclatant sur ma peau, le goût salé de l'eau de mer sur mes lèvres. Je m'étire, je respire doucement et m'abandonne pour m'imprégner complètement de tes saveurs et de tes richesses.
    Alors je me sens revivre, mon cœur bat plus vite et se remplit d'espérance car tu es ma vie, mon refuge. »

    Mais la France de votre enfance ce n’était pas que cela !!!

    Le maréchal Lyautey proclamait : « Faire des maisons, construire des villes, dessiner des routes, c’est bien, mais il faut aussi élever les âmes de ceux à qui on les destine... Il faut faire de l’urbanisme jusqu’au cœur des hommes... Libérer l’homme de l’inégalité politique, de l’ignorance, du logement insalubre, de la maladie, de l’inégalité sociale et du chômage, telle est la mission que la France entendait remplir en Algérie. »

     

     

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    Après tout ce que nous avons fait

    pour eux ! 

    C’était un argument avancé au moment de la guerre d’Algérie pour condamner ceux qui avaient pris les armes pour leur libération du joug colonial. Et ce alors que la France et les Européens avaient mis le pays en valeur, créant les infrastructures nécessaires à sa modernisation ! Des routes, des voies ferrées, des ponts, des barrages, des écoles, des hôpitaux, des bureaux de Poste… que sais-je encore, avaient été construits par la puissance coloniale !

    L’idée a refait surface des années plus tard et Georges Frèche, a créé à Montpellier un musée de la présence française en Algérie.

    Aujourd’hui Marine Le Pen en remet une couche en vantant les mérites de la colonisation. On est presque en droit de s’interroger : les Maghrébins à qui nous apportions les bienfaits de la civilisation n’étaient-ils pas quelque part un peu masochistes de refuser ce bonheur clé en main ? J’ai extrait d’un livre de dessins de Jean Effel que mon frère m’avait offert il y a une vingtaine d’années celui qui illustre le présent article. On y voit deux colons et un militaire suant sang et eau pour construire une route tandis qu’un indigène regarde leur travail à l’ombre d’un palmier en reniflant le parfum d’une fleur ! Il ne me semble pas nécessaire de développer davantage ! 

    Jacques CROS

     

     

    Deux sociétés juxtaposées.

    Alain Ruscio - Historien

    Le 19 mars 1962, l'Algérie et la France connaissaient leur première journée de paix depuis... 132 ans ! Cette affirmation peut surprendre.

    Et, bien sûr, il n'est pas question d'affirmer ici que l'Algérie a été, en permanence et dans chacun de ses douars, à feu et à sang.
    Il y eut des moments d'affrontement : la phase que bien des historiens appellent la première guerre d'Algérie, entre la conquête de 1830 et la reddition dans l'honneur de l'Emir Abd el Kader (1847), le soulèvement massif de Mokrani en 1871, les affrontements du Constantinois en 1945, enfin la seconde guerre d'Algérie, plus connue, de 1954 à 1962.
    Il faut bien être conscient de la violence de ces guerres.

    Oh, certes, les thuriféraires du colonialisme évoquent, aujourd'hui encore, celle des colonisés. Mais ils oublient deux choses. D'abord que ces actions furent une réponse à la violence fondamentale que représenta la conquête, puis l'établissement de la soi-disant paix française. Ensuite, la supériorité technique des Français fut toujours et partout écrasante, que ce soit grâce aux fusils Chassepot du début de cette histoire ou au napalm durant les années de guerre de 1954 à 1962.

    Mais même hors de ces moments de paroxysme, la paix n'a jamais existé dans les coeurs.

    Il faut dire que le racisme le plus dégradant a trop souvent été la principale idéologie de bien des Français d'Algérie. En témoignent mille faits, mille mots blessants (il n'est pas utile de reproduire ici le vocabulaire raciste, mais chacun l'a, hélas, encore en tête).
    Trop souvent, le seul contact entre les membres des deux communautés furent ceux de supérieur à subordonné, quand ce ne fut pas de maître à domestique.
    Que savaient les Français d'Algérie des indigènes, comme ils disaient? Neuf sur dix ne connaissaient pas la langue arabe, encore moins le kabyle.
    Au travail, si les deux communautés se côtoyaient certains donnaient des ordres, les autres les recevaient, apparemment soumis.
    Que pouvaient bien avoir à se dire, dans les champs, le colon et le fellah? Que pouvaient bien se dire dans les usines, le contremaître (99 fois sur 100, un Européen) et le manœuvre (toujours des indigènes)? Ou, dans les bureaux, le cadre européen et l'employé aux écritures : musulman?
    Dans les quartiers? Dans certains, les enfants pouvaient jouer ensemble, jusqu'à un certain âge.
    L'école, c'était plus rare, puisque tous les enfants européens étaient scolarisés, contre, en moyenne, un enfant musulman sur dix.
    Par la suite, insensiblement, les préjugés l'emportaient.
    Dès l'adolescence et, a fortiori, à l'âge adulte, une cloison étanche séparait les deux communautés (plus d'ailleurs, car à l'intérieur de chacune il y avait des sous divisions : Français de souche, Espagnols, Italiens, Maltais chez les Européens. Arabes, Kabyles, Juifs chez les indigènes.) À la maison, les familles ne se fréquentaient pas : trop de différence de niveau de vie (les plus pauvres des Européens - n'évoquons pas les gros colons - avaient tout de même l'eau, l'électricité, un minimum de confort... ce que ne pouvait espérer l'immense majorité des indigènes.), trop de différences de coutumes, de moeurs, de religions. Il était, par exemple, rarissime qu'un enfant d'une communauté épouse un enfant de l'autre. Quels indigènes pénétraient dans les maisons européennes? Les femmes de ménage (uniformément appelées Fatmas, ce qui était une blessure supplémentaire), parfois des ouvriers d'entretien, plombiers ou peintres. C'était à peu prés tout.
    Quels Européens allaient chez les Musulmans? Pratiquement aucun. Car déjà, pour la plupart ces Musulmans vivaient dans des maisons très pauvres, certains dans de véritables gourbis, selon un mot très usité à l'époque, d'autres même dans les bidonvilles.
    Il aurait fallu ensuite, pour le faire, un sacré sens de l'anticonformisme, il aurait fallu braver les regards et les «ont-dit » des autres Européens.
    Dans la rue? Là encore, les deux communautés se côtoyaient sans se parler. Il y avait un phénomène bien connu, et du reste généralisé à toutes les colonies, des quartiers européens et des quartiers musulmans. Les européens n'allaient pratiquement jamais dans les quartiers musulmans.

    Un Algérois pouvait passer sa vie dans la capitale sans jamais avoir mis les pieds dans la Casbah, par exemple. A contrario, il y avait quelques indigènes pour fréquenter les quartiers européens.

    Quelques promeneurs, quelques Arabes évolués (vilain mot de l'époque coloniale), qui venaient acheter des produits et vêtements modernes. Mais la plupart venaient pour y travailler : les femmes de ménage ou les ouvriers, déjà cités, se rendant à leur travail, quelques employés de cafés et restaurants, les inévitables cireurs de souliers, au labeur dès l'âge de 5 ans. Il pouvait bien y avoir, parfois, des contacts. Beaucoup évoquent les traversées des villes en tramways. La cohabitation s'y faisait cahincaha mais n'empêchait pas les heurts : telle femme voilée adulte, interpellée par un jeune Européen, la sommant de donner sa place assise, tel autre Européen en faisant à voix hautes des remarques désobligeantes sur les odeurs... Le grand écrivain Kateb YACINE raconte une expérience vécue: « Dans un tramway, en 1950, l'Européenne de Bab el Oued, avec son lourd  couffin. A ses mains, à ses rides, la façon dont elle tient son bébé, son effarement encore souriant, on voit que cette jeune femme a eu déjà plusieurs enfants, qu'elle travaille dur, mais n'ignore pas la joie. On lui accorde immédiatement un préjugé de sympathie. Quant à son voisin, c'est l'Arabo-Berbère passé par un heureux hasard sur les bancs d'une école. Gravement moustachu, vêtu d'un bleu de chauffe, il dévore son journal.
    Et tous deux coexistent au soleil des grands jours, un soleil justicier. On dirait d'eux, à première vue, qu'ils sont l'incarnation d'une Algérie paisible et fraternelle, celle de l'avenir. Mais le bébé n'est pas content. Il crie, il se démène, et sa mère le gronde, toujours en souriant :
    - Tais-toi, ou bien l'Arabe va te manger.
    - Non, Madame, les Arabes ne mangent pas de cochon.

    Il a suffi de quelques mots. Le vieux tramway de l'Algérie française roule vers la catastrophe.» Il existe, fort heureusement, des exceptions.
    De tous temps, il y eut, en Algérie, des Européens respectueux, ouverts à la diversité humaine et culturelle. Certains traduisent cela par la littérature (on pense à Isabelle Eberhardt), d'autres par l'oeuvre picturale (les tableaux d'Etienne Dinet), d'autres par leurs activités professionnelles (bien des médecins de campagne, la majorité des instituteurs, véritables héros des temps modernes, mais disposant de si peu de moyens), d'autres enfin par la charité (quelques religieux et religieuses qui n'étaient pas liés au système)...
    Il faut faire ici une place à certains Européens d'Algérie qui choisirent le combat politique. C’étaient les « Internationalistes »
    Leur stratégie n'a pas toujours été en adéquation avec la réalité. Mais il reste qu'ils ont dénoncé les atteintes aux libertés et les violences de l'ère coloniale, qu'ils ont tenté, avec d'autres, de tracer la voie vers la sortie du colonialisme. Surtout, il faut souligner une spécificité : ils ont été les seuls de toute l'histoire coloniale française (et peut-être mondiale) à réunir en leur sein des militants de toutes origines (Européens, Musulmans, Juifs), peu leur importait, ils étaient tous des Internationalistes… mais, hélas, ils n'ont pas été entendus. La société fraternelle qu'ils préconisaient n'a jamais vu le jour.
    A la place s'est imposé une société à deux ou même à trois vitesses.
    Augustin BERQUE, le père du grand orientaliste, disait naguère, que les Indigènes et les Européens, n'étaient pas associés mais «juxtaposés ».

    La France de votre enfance, telle que vous l'a décrivez... Et l'article de l'historien Alain Ruscio : "Deux sociétés justaposées"

     

     

    Alain Ruscio contre les OAStalgiques

    Le chercheur rafraîchit les mémoires sur les ignominies de l’armée secrète

    Il y a le sourire de Robert Ménard, maire de Béziers, quand il débaptise, au milieu du mois de mars 2015, la rue du 19 mars 1962, date des accords d’Evian mettant fin à la guerre d’Algérie, pour dévoiler la plaque de la rue Commandant-Denoix-de-Saint-Marc. Et puis il y a ses mots : «Notre paradis à nous, comme disait et dit toujours ma mère.»

    Passons sur l’ancien commandant du 1er Régiment étranger de parachutistes, admirable pendant la Seconde Guerre mondiale, respectable en Indochine et misérable en Algérie quand il participe à la bataille d’Alger et au putsch des généraux en retraite, qui n’étaient pas 25, un quarteron, mais quatre : Salan, Jouhaud, Challe et Zeller.

    Nostalgérie, l’interminable histoire de l’OAS devrait rafraîchir les mémoires. «Notre paradis… ma mère», toute la guerre tient en quatre mots pour les nostalgiques. Après, il y a les chiffres et l’histoire d’un mouvement qui passera alternativement de l’horreur absolue à la bêtise, du ridicule à l’ignominie. Alain Ruscio dresse un bilan de ceux qui rêvaient de se mettre dans les pas de Franco marchant sur Madrid, pour conquérir Paris. Les chiffres : 15355 attentats, faisant 1622 morts (239 Européens, 1383 musulmans), entre mars 1961 et avril 1962, au nom du paradis que représentait l’Algérie pour quelques militaires en rupture de ban et des «braves gens» pour reprendre une expression du Canard enchaîné pour désigner des hommes de main.

    «Le 15 mars 1961, un commando armé envoyé par Roger Degueldre, dirigé par deux chefs des commandos Delta, Jo Rizza et Gabriel Anglade, et comprenant Félicien "Kiki" Gardiola, "Petit Vincent", "Pierrot la Grue", "Jeannot" Martinez, fit irruption et exécuta froidement six hommes désarmés, collés au mur : Marcel Basset, Robert Eymard, Mouloud Feraoun, Ali Hammoutène, Max Marchand et Salah Ould-Aoudia.» Voilà l’affaire dite du Château-Royal, au cours de laquelle ces «braves gens» règlent leur compte aux dirigeants des centres sociaux éducatifs fondés par Germaine Tillion. Des méthodes si proches de l’attentat contre Charlie Hebdo. Pourquoi ? Ils répondaient à la violence du FLN et des «barbouzes» gaullistes. Sans doute, mais le niveau de haine - réciproque - touche à l’indicible. Le 19 février 1962, Francine Dessaigne, partisane de l’Algérie française, rend compte d’une opération : «Hier à midi, un commando OAS a tiré sur une voiture qui sortait de l’hôpital Maillot. Il y avait quatre barbouzes. La voiture a pris feu […]. Un cercle s’est formé. On a regardé se consumer le véhicule et ses occupants dont certains n’étaient que blessés […]. Qui n’a jamais dans sa vie tué des rats ou brûlé des scorpions.»

    L’imbécillité avait sa place aussi, comme le rappelle Alain Ruscio : «En février 1962, le siège des Editions sociales françaises, maison totalement apolitique spécialisée dans les publications de droit du travail, fut plastiqué à la place des Editions sociales, émanation du PCF… En mars, l’appartement d’un certain M. Léon, journaliste à la retraite, fut à son tour détruit, le commando l’ayant confondu avec Georges Léon, critique musical à l’Humanité…» A force de se tromper de cible et de méthodes, les plastiqueurs de l’OAS vont perdre tout soutien populaire, comme en témoignent les résultats aux référendums de janvier 1961 (74,9% des suffrages approuvent l’autodétermination) et d’avril 62 (90,8% en faveur de la ratification des accords d’Evian). Bilan de l’OAS, qui voulait rendre coup pour coup au FLN, mettant un terme à tout espoir de cohabitation entre les «indigènes» et les «Européens» : la guerre totale promise par des officiers qui avaient choisi de désobéir se transformait en une défaite totale.

    En voulant aller contre l’histoire - le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, affirmé par le général de Gaulle -, les amis de Jean-Marie Le Pen, que l’on croise une douzaine de fois dans le livre d’Alain Ruscio, opposaient la force de quelques-uns à la volonté populaire. Ils auraient dû lire Alexis de Tocqueville qui écrivait en 1830 : «La société musulmane et la société chrétienne n’ont malheureusement aucun lien, elles forment deux corps juxtaposés, mais complètement séparés […]. Tous les jours cet état de choses tend à s’accroître par des causes contre lesquelles on ne peut rien.» Dire notre «notre paradis à nous», c’est encore naviguer entre le ridicule et l’ignoble pour faire plaisir à sa maman, sans rien avoir appris de l’histoire.

    Philippe DOUROUX

     

      

    Alain Ruscio écrit après avoir pris connaissance de cet article :

    Merci de l’honneur que vous me faites en citant mes travaux.
    Le combat mémoriel n’est jamais achevé ! Mais nous ne lâcherons rien.

    Amicalement

    Alain

     

     

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  • Notre association était de la liste des associations de «rapatriés» invitées à la rencontre avec le président Macron de mercredi dernier 26 janvier à l’Elysée.

    Notre association était de la liste des associations de « rapatriés » invitées à la rencontre avec le président Macron de mercredi dernier 26 janvier à l’Elysée.

     

    Notre délégation était composée de Michèle Haensel, Marcel Borg, Gérard Chambon, Jacki Malléa et Jacques Pradel (Julie Laures, Elisa Pradel et Bernard Zimmermann n’ont pas pu nous rejoindre). Il n’y a pas eu d’intervention des représentants d’associations, aussi celle que nous avions prévue n’a pas été faite devant l’assemblée. Après son discours, Macron a rejoint la foule pour des discussions individuelles ; il a fallu se frayer un chemin…

    Dans son discours le président n’a abordé aucune question de fond sur l’histoire de la France en Algérie :

    - Rien sur la nature de la colonisation, sinon que les Européens d’Algérie étaient une mosaïque venue des quatre coins de l’Europe, et "où il n’y avait pas que des méchants"

    - rien sur la guerre, sinon la fusillade et les morts de la rue d’Isly le 26 mars 62, ce qu’il fallait reconnaître comme un assassinat de Français par l’armée française (en mentionnant cependant que la manifestation avait été appelée par l’OAS, et en annonçant l’ouverture de toutes les archives la concernant), et le massacre du 5 juillet 62 à Oran.

    Bref un discours dit « d’apaisement » pour caresser les pieds-noirs dans le sens du poil, autour de ces deux moments de la guerre et pour flatter leur réussite en France (‘la France vous a aidé et vous avez aidé la France’ …) ; un discours de racolage électoral !

    Jacques et Marcel ont pu, l’un et l’autre, jouer des coudes pour accéder à Jupiter, et insister sur les points suivants :

    - 1. On ne peut pas traiter de la guerre (y inclus les événements tragiques de la rue d’Isly et d’Oran) sans parler de ce que fut la colonisation (oui dit le Président, comme s’il ne venait pas de le faire ... ; mais à un nostalgérique: je ne retire rien de mes déclarations de 2017 sur la barbarie de la conquête et de la colonisation).

    - 2. Des millions et des millions de jeunes français étant concernés, et frustrés, il faut inclure dans les programmes scolaires l’étude de la colonisation de de la guerre d’Algérie (c’est prévu répond le Président).

    - 3. Il faut donner suite aux autres préconisations du rapport Stora (c’est prévu répond le Président).

    - 4. Dans le même esprit, le travail sur la transmission mémorielle entrepris avec le groupe de descendants d’acteurs de la guerre d’Algérie doit se poursuivre (oui répond le Président). Bien malin qui pourra le mesurer …

     

    Notre association était de la liste des associations de « rapatriés » invitées à la rencontre avec le président Macron de mercredi dernier 26 janvier à l’Elysée.

    Intervention prévue de l’ANPNPA

     

    Notre mémoire n’est pas figée et doit au contraire se caler sur les travaux des historiens, se nourrir du progrès des connaissances de ce que fut la colonisation et la guerre d’Algérie. Quoi que nous ayons pu penser en 62, aujourd’hui nous disons, nous aussi, que la colonisation, quelque que soit le pays, est une barbarie, l'asservissement d’un peuple par un pays étranger ; et il en a été de l'Algérie comme des autres pays colonisés.

    Monsieur le Président, il est aujourd’hui temps de reconnaître les crimes commis là-bas pendant 132ans. Reconnaître, ce n’est ni demander pardon ni faire repentance, c’est dire et faire savoir la réalité du fait colonial. Grâce aux travaux des historiens nous pouvons aujourd’hui regarder notre propre histoire en face et en conscience. Rappelons combien le rapport Stora a marqué les esprits, par son contenu, ses analyses et les préconisations qu’il vous a adressées (quelques-unes ont été suivies, pas beaucoup, pas assez)… Je voudrais insister sur deux points importants :

    - D’une part que le travail d’histoire se poursuive et s’approfondisse, et pour cela que les archives de la colonisation et la guerre soient réellement ouvertes.

    - D’autre part, que ces travaux puissent diffuser plus efficacement dans la sphère sociale, au sens large, tant à l’école que dans les media7 ; avec une mention spéciale pour le milieu scolaire, afin que les programmes de l’Education Nationale s’ouvrent largement à l’enseignement de l’histoire de la France en Algérie, de la colonisation et de la guerre d’indépendance.

    Pour terminer, si nous pieds-noirs sommes aujourd’hui fondus dans la population française, nous sommes des enfants d’Algérie7 ; ce qui s’y passe nous concerne, et nous concerne plus encore le rapprochement de nos deux pays, la France et l’Algérie, l’amitié des peuples des deux rives7 ; et ici, de s’inscrire dans les luttes contre le racisme subit par d’autres, qui ne sont pas pieds-noirs, mais qui comme nous sont aussi enfants et petits-enfants d’Algérie.

    Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes et leurs Amis 

    https://histoirecoloniale.net/retour-sur-la-fusillade-de... 

     

    Notre association était de la liste des associations de « rapatriés » invitées à la rencontre avec le président Macron de mercredi dernier 26 janvier à l’Elysée.

    HISTOIRECOLONIALE.NET 

    Retour sur la fusillade de la rue d'Isly : le drame. Par Yves Courrière - Histoire coloniale et postcoloniale

     


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